Propos « méprisants » de Hadja Andrée: Ce qu’on ne vous a pas dit jusque-là sur les Coniagui
CONAKRY-Irritée par la sortie du cardinal Robert Sarah sur la paternité du domaine où sont construites les cases Bellevue, Hadja Andrée Touré, ex première dame de Guinée, a tenu des propos jugés « méprisants » contre l’ethnie de l’ancien archevêque de Conakry. La veuve de Sékou Touré est allée jusqu’à traiter Monseigneur Robert Sarah d’appartenir à une ethnie (les Coniaguis) « très en retard ».
Un peuple d’origine Bantou
Pour en savoir davantage sur cette ethnie minoritaire, nous avons interrogé le journaliste historien Amadou Djouldé Diallo. Lequel explique les Coniaguis sont un peuple qui serait d’origine Bantoue qui habite Koundara, dans l’actuelle sous-préfecture de Youkounkoun. Ils cohabitent avec les Thiapis, les peuls, Diakankés, les mandingos, les badiarankés, Bassaris avec lesquels ils forment l’ensemble des Tendas.
« On retrouve ces mêmes peuples en Guinée Bissau, Sénégal et Gambie. On dit que c’est un peuple d’origine Bantou. Mais les Koniagui habitent particulièrement Youkounkoun », explique l’historien.
Un peuple travailleur
« C’est un peuple travailleur, courageux, animiste et païen au départ comme la plupart des peuples de l’Afrique noire qui ont conservé leur culture et leur tradition. Ce sont de grands agriculteurs et qui dans l’histoire, sont reconnus pour leur bravoure et ténacité. Par exemple, après l’arrestation de Thierno Ibrahima Ndama qui fut remplacé par Thierno Amadou Ndiari à la tête du Ndama par le lieutenant Mont Gorgé, président du cercle de Boussoura, à leur retour, ils furent tous les deux arrêtés et exécutés par les Koniaguis de ITTOU, c’était le 17 avril 1902, à la veille de l’embarquement du Walliou pour l’exil.
Le lieutenant Mont Gorgé fut massacré avec le sergent Français Ravot, un sergent indigène tirailleur et 66 partisans soit au total 93 tuées. C’était fait par les Coniaguis. Ça veut dire que c’est un peuple de bravoure, mais qui a embrasé la religion chrétienne. Le cardinal Robert Sarah en est une parfaite illustration. Ils ont un résistant face à la pénétration coloniale, en la personne de Alou Ken, originaire du village de ITOU », a rappelé l’historien.
Sur le mode de vie, Amadou Djouldé dira que c’est des peuples qui vivaient de l’agriculture, l’élevage. « Vous les voyez parfois torse nu, avec les enfants au champ, c’est des gros travailleurs. Ils vivent en mode sociétale, dans des cases qui sont souvent regroupées dans des villages. Le matin ils vont au travail, le soir ils partent à la Chasse », décrit l’historien guinéen.
L’histoire des Coniaguis a fait l’objet de beaucoup d’études, réalisées par des chercheurs blancs, autrefois maitre de l’Afrique noire. C’est le cas de l’ouvrage ‘’ Quarante ans d'histoire coniagui’’, Youkounkoun revisité, (Journal des africanistes, 1989, tome 59, fascicule 1-pp.2.163-183) de l’ethnologue française MONIQUE GESSAIN (1921-2019) qui a consacré une importante étude sur cette communauté guinéenne qui, comme les Bassari, Bedik, Badyaranké et Boïn, appartiennent au groupe Tenda, qui constitue un ensemble de petites populations endogames dont les ancêtres seraient venus de l'est, au XIVe siècle, s'installer dans les territoires qu'ils occupent actuellement aux frontières du Sénégal, de la Guinée et de la Guinée-Bissau.
En république de Guinée, la plaine de sable habitée par les Coniagui s'étend au nord du Fouta-Djalon. Le climat nord-soudanien y est caractérisé par une saison sèche qui dure d'octobre à mai, une saison des pluies de mai à octobre. Après l'hivernage, l'harmattan dessèche le pays. La température s'élève de janvier à avril (dépassant 40° C), puis diminue pendant la saison des pluies. La végétation est celle de la savane arborée ; les arbres à feuilles caduques y dominent.
C’est sur la page 169 de son ouvrage que l’ethnologue française MONIQUE GESSAIN a abordé le mode vestimentaire et ornements des Koniaguis. Il explique qu’en 1955, « l'ouverture des Coniagui vers l'extérieur, très réelle depuis le début du siècle grâce aux migrations, s'observait d'abord au niveau du costume et des ornements… Les hommes coniaguis n'étaient vêtus que d'un étui pénien de feuilles de rônier tressées et d'un couvre-fesses de peau d'antilope pour les adultes ou d'une ceinture de ficelles de raphia pour les jeunes garçons ; les femmes ne portaient qu'un cache- sexe d'écorce ou de tissu. Les bijoux étaient de fer, de cuivre ou de laiton. Courts pagnes et culottes de bandes de coton teintes à l'indigo étaient habituels au cours des années 40, mais dès 1955 les femmes étaient de plus en plus nombreuses à porter robe ou camisole. Les tatouages des jeunes filles se perdaient — « A quoi bon ? elles préfèrent s'habiller », les couleurs des ornements se modifiaient avec l'approvisionnement du marché : la matière plastique (ceintures rouges) avait fait son apparition et les mouchoirs de tête se diversifiaient’’, explique l’auteur.
Parlant de la scolarisation, MONIQUE GESSAIN souligne que la première école ouverte en pays coniagui l'a été en 1919 à Urus, (localité dont est originaire Robert Sarah ndlr) par les pères du Saint-Esprit, bientôt suivie par l'école gouvernementale ouverte à Youkounkoun vers 1924-25. En 1960, le nombre de Coniagui scolarisés en Guinée était de 264 garçons et 128 filles. La république de Guinée a récupéré, à la mission catholique d'Urus, d'imposants bâtiments scolaires.
« Si la politique scolaire (en particulier linguistique) a été marquée par de fortes discontinuités, les écoles ont été et restent nombreuses en pays coniagui où l'ensemble de la population paraît avoir été largement scolarisée. Les Coniagui instruits — hommes et femmes — jouent un rôle important dans toute la Guinée : ils sont policiers, infirmiers, instituteurs, agronomes, vétérinaires, médecins, professeur d'Université… archevêque. Cette réussite privilégiée de nombreux Coniagui restés au pays ou émigrés semble dépasser celle que laisserait prévoir le faible poids démographique de cette population dans la nation guinéenne. Elle jouera sans doute un rôle dans l'avenir du groupe », fait remarquer MONIQUE GESSAIN.
Les habits, une invention humaine
Interrogé, un éminent sociologue guinéen a fait observer que les peuples ne sont pas nés habillés. « Les habits sont une invention humaine et toutes les communautés humaines ne sont pas allés à l’habillement en même temps. Est-ce que toutes les communautés humaines ont découvert l’utilisation du fer en même temps ? Toutes les sociétés ne sont pas rentrées dans la civilisation ou dans la maitrise technologique à la même période. Certains sont rentrées avant d’autres, mais cela n’enlève en rien l’humanité des uns et des autres », fait remarquer cet universitaire.
Siddy Koundara Diallo
Pour Afrucaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 114
Créé le 31 décembre 2021 19:29Nous vous proposons aussi
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