Guinée : colonel Doumbouya invité à « aller jusqu’au bout »…

CONAKRY-Lors de son investiture le 1er octobre dernier, le colonel Mamadi Doumbouya, avait annoncé que la « réconciliation nationale » est parmi les priorités phares de la transition, dont la durée n'a toujours pas été déterminée.
Depuis cette annonce, le sujet est sur toutes les lèvres. C’est dans ce contexte que le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) s’est lancé dans une vaste opération de charme, visant prôner le pardon et la réconciliation. Première cible ? Les coordinations régionales du pays.
A son arrivée au Pouvoir, le président de la transition avait promis que, la « justice sera la boussole » qui guidera chaque citoyen. Si les familles des victimes apprécient les premiers actes posés dans ce sens par la junte, il n’en demeure pas moins qu’elles restent encore sur leur faim. Elles demandent au colonel Mamadi Doumbouya d’aller jusqu’au bout, en favorisant la justice.
Rencontrées par Africaguinee.com, de nombreuses familles qui ont perdu des proches pendant les dernières années, ont affiché leur ouverture au « pardon » et à la « réconciliation », mais elles exigent d’abord la lumière et la justice. Mamadou Bailo Bah a perdu son fils tué par balle le 22 octobre 2020, à Bambéto. Mahmoud Pathé Bah était un brillant étudiant. Son père que nous avons interrogé, réclame justice.
Plus jamais ça !
« Avant, on nous disait que ce sont des bandits qui ont été tués. Les autorités qui devaient les protéger les ont tués et les ont traités de bandits. Si ces mêmes autorités reviennent nous dire que c’est des gens qui ne méritaient pas d’être tués, c’est un premier pas qui nous soulage un peu. Mais il reste beaucoup à faire. Il ne faut pas s’arrêter à ce cela, il faut continuer, nous voulons la justice. Nous ne voulons plus que ça se répète. Nous voulons qu’il n’y ait plus de morts, que ces tueries s’arrêtent à jamais.
Nous voulons que des enquêtes soient ouvertes pour identifier les coupables, les arrêter et les traduire en justice pour qu’ils soient jugés et condamnés. Nous voulons qu’ils soient sanctionnés. Ça ne va pas faire revenir les morts mais ça pourrait empêcher d’autres tueries. Parce que s’il y a eu chaque fois des tueries, c’est parce qu’il n’y a pas de sanctions », explique le père de Mahmoud, étudiant.
Elles doivent aller jusqu’au bout
Et de poursuivre : « Nous apprécions les premiers actes posés par les nouvelles autorités, (CNRD). Mais, nous les observons de près et les attendons. Nous ne voulons pas qu’elles partent jusqu’à un certain niveau et s’arrêtent. Il faut qu’elles aillent jusqu’au bout. Soixante-trois ans (63 ans), c’est trop, durant toutes ces années l’Etat a toujours maltraité la population. C’est cet Etat qui devait protéger la population qui tue impunément. Pourquoi ? Nous disons à ces autorités-là, que ceux qui étaient forts hier ne le sont plus aujourd’hui. Hier ce n’était pas eux, mais d’autres, et aujourd’hui c’est eux qui sont là, et demain, forcément ils ne seront pas là.
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Mais l’histoire va les juger. S’ils font du bien, c’est ce que retiendra l’histoire, s’ils font du mal, c’est ce que l’histoire retiendra. Jusque-là, nous apprécions les actes qu’ils ont posés. Mais ce n’est pas fini, car nous voulons qu’il y ait justice, car ceux qui ont été tués, ne le méritaient pas », a lancé ce parent de victime.
Mon frère avait reçu deux balles…
Pour cet autre parent de victime, les tueries ont été volontaires et préméditées. Pour Abdoulaye Diallo, il faut d’abord que la justice situe les responsabilités avant qu’on n’en arrive au pardon.
« Nous réclamons d’abord justice sur les tueries pour situer les responsabilités avant d’en arriver au pardon. Une balle, on peut comprendre. Mais deux balles, c’est difficile d’accepter cela. Mon jeune Amadou Bailo Diallo a reçu deux balles, tirées par un policier et un gendarme. L’une l’a touché à la main et la seconde à la poitrine. Mon frère faisait le taxi-ville. Ce jour, il est revenu tôt du boulot avant d’aller garer son véhicule dans un parking de la place. Puisqu’il y avait des jets de pierres entre agents et jeunes manifestants, il a décidé de rentrer à la maison.
A la gare routière de Bambéto, au niveau de Horé Pelloun (sur la colline), c’est là qu’un policier et un gendarme les ont pourchassés. Ils se sont mis à courir, c’est pendant cette course que le gendarme a tiré sur son bras pour la première fois et quand il s’est retourné, le policier a enchainé une autre balle qui l’a atteint à poitrine. C’est ainsi qu’il est tombé et mort sur place. Ça s’est passé le 18 octobre 2021 », se souvient Abdoulaye Diallo, grand frère de la victime.
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Le 24 octobre 2020, Mohamed Camara, apprenti camion, âgé de 17 ans a été tué par balle au quartier Simbaya, dans la commune de Ratoma. Fanta SANOH, la maman de la victime s’en remet à la volonté divine. Elle dit avoir pardonné.
« Que Dieu nous aide, qu’il fasse que notre pays se développe dans l’unité. Ceux qui sont en vie, que Dieu les aide. Ce que Dieu a prévu pour l’homme, personne ne pourra l’en épargner. J’ai pardonné dans ce monde et à l’au-delà. C’est Dieu qui m’a donné et c’est lui qui me l’a repris. C’est tout ce que je peux dire » a mélancoliquement expliqué cette mère de famille.
De 2019 à 2020, plus de cent de personnes ont été tuées dans des manifestations contre le troisième mandat d’Alpha Condé, déchu le 05 septembre dernier par Mamadi Doumbouya.
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel: (00224) 655 311 114
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