Modèles de réussite : le parcours inspirant de Hamidou Chérif et d’Abdoulaye Ndiaye
Si certains jeunes guinéens sont obnubilés par l’aventure avec tous les risques qu’elle comporte, pensant que l’eldorado se trouve en occident, il y a des étrangers qui, armés de courage, de patience et de persévérance, réussissent bien en Guinée.
Partis de rien, ils arrivent grâce à leur esprit entrepreneurial, à construire leur vie en Guinée. Pour s’en rendre compte de cette réalité, il suffit juste de faire un tour dans la capitale guinéenne et dans certaines villes du pays. Des nombreux étrangers réussissent à travers le pays, avec des activités et initiatives qui ont l’air banal, mais très lucratif. Africaguinee.com interrogé certains.
Venu en Guinée depuis l’an 2000, M. Hamidou Chérif Haïdara, est un ressortissant de la République du Mali. Aujourd’hui, il est devenu l’un des modèles de réussite dans la ville de Labé. Quel est son secret ? Comment est-il venu en Guinée ? Ce « guinéo-malien » nous a livré un témoignage inédit.
« J’ai quitté le Mali pour la Guinée il y a de cala 20 ans maintenant. J’avais entendu parler de ce pays avant de venir. Je suis venu, d’abord par Kankan, puis à Conakry où je suis resté un peu auprès de mes compatriotes Maliens y vivant. C’est là-bas où j’ai entendu parler de Labé. Je suis venu à Labé, c’était dans le cadre d’une visite de courte durée à un beau frère. Mais quand je suis arrivé à Labé, j’ai découvert une ville religieuse, hospitalière et qui m’a plu parce que j’ai retrouvé presque les mêmes pratiques coutumières que j’avais laissées chez moi à Mopti, au Mali. Mon tuteur qui est là m’a approché et m’a beaucoup aidé. Et c’est comme ça j’ai commencé à me débrouiller petit à petit » a-t-il rappelé.
Ayant découvert des opportunités dans cette ville de la Guinée, Hamidou Chérif s’est mis au travail. Il commence par la création d’une petite unité industrielle.
« J’ai créé une usine de saponification, ça m’a très vite réussi. Je me suis lancé aussi dans les activités de Taxi-moto après l’obtention de mon agrément. J’ai embauché des gens qui travaillaient pour moi et j’ai commencé à intégrer les associations de jeunes commerçants pour le développement de Labé, je participais à l’assainissement et beaucoup d’autres activités citoyennes. Par la suite, avec l’aide de mes tuteurs, je me suis lancé dans le commerce et ça a marché. J’ai compris qu’avec la volonté et la jeunesse, on peut investir comme les autochtones et réussir. J’ai finalement travaillé au compte de l’organisation guinéenne pour la défense des droits de l’homme et de la citoyenneté dans la section branche commerciale. J’ai défendu beaucoup de commerçants » a-t-il ajouté.
Grâce à sa ténacité et sa persévérance, M. Haïdara a réussi à fonder une famille, construire des maisons en Guinée et au Mali, son pays d’origine. Marié à deux épouses dont une guinéenne et une malienne, certains de ses fils sont à l’université aujourd’hui et d’autres dans les classes inférieures.
Bien qu’ayant réussi en Guinée, ce ressortissant malien n’a pas oublié son pays d’origine. « Chaque année, je rentre chez moi au Mali car je suis devenu 50% guinéen et 50% malien (rires)», ironise-t-il.
Modèle d’intégration et de réussite, ce ressortissant malien emploie des jeunes guinéens à travers ses activités. « Je suis devenu vendeur de matériaux de construction, on a une entreprise ‘’Haïdara et Frères’’ où nous employons 7 à 8 jeunes guinéens. Et nous nous débrouillons ensemble », a indiqué M. Chérif Haïdara qui n’a pas manqué de lancer un appel à l’endroit de la jeunesse guinéenne.
« On a tout ce que l’homme a besoin pour réussir en Guinée. Je n’ai pas été en France ni en Amérique mais la maison que j’ai construite ici n’a rien à envier à celle qu’un citoyen de la diaspora a réalisée. On peut réussir en Guinée. Prenons par exemple le secteur de l’élevage, cette année, un mouton a été vendu entre deux, trois jusqu’à cinq millions de francs guinéens. Pourtant, c’est une activité qui réussit en Guinée. Si les jeunes se lancent dans ce secteur, ils peuvent avoir le même rendement que celui qui est en Europe. La Moyenne Guinée est zone favorable à l’élevage à cause de son climat, l’Etat devrait encourager et soutenir les jeunes à s’orienter dans ce secteur. Aujourd’hui le fonio, le maïs coûtent cher en Europe et pourtant on peut le développer ici, en Guinée. L’Etat doit accompagner les jeunes dans ce sens.
Les parents qui donnent de l’argent à leurs fils pour aller en Europe, c’est comme s’ils étaient en train de leur dire qu’une fois dans l’avion il faut ramasser l’argent et le leur envoyer. Ce n’est pas bon, cette façon de faire. Beaucoup de jeunes sont très mal traités lors de la traversée du désert du Sahara et surtout dans la méditerranée, il faut qu’on arrête. Je demande aussi à la jeunesse de rester, c’est les blancs qui ont besoin de nous, si on ne part chez eux, ils viendront nous chercher pour aller travailler avec eux. Aux parents également, il faut arrêter d’encourager les enfants à choisir la route de l’immigration irrégulière. En Guinée, on a la chance d’avoir une pluviométrie suffisante pour réussir dans l’agriculture, le jardinage bref, on peut tout développer chez nous ici » a-t-il conseillé.
Abdoulaye Ndiaye lui est sénégalais. C’est en 2002 qu’il est arrivé en Guinée, précisément dans la préfecture de Labé. Dans son Sénégal natal, M. Ndiaye avait déjà tenté le chemin de l’immigration irrégulière qui s’était soldée par un échec. Il est arrivé dans cette ville de la Moyenne Guinée dans l’optique de poursuivre une autre aventure, mais il a fini par y habiter grâce à son business. Son témoignage est un cas d’école.
« C’est en 2002 que je suis arrivé à Labé. J’étais venu dans l’optique de continuer mon voyage pour la Côte d’Ivoire et même en Europe. J’ai été reçu par un de mes parents mais j’étais en manque de transport pour pouvoir continuer l’aventure. Mon parent qui m’a reçu m’a conseillé de rester et me débrouiller jusqu’à compléter mes frais de transports parce que l’argent que j’avais ne pouvais pas m’envoyer jusqu’à destination.
Il avait un employé dans une de ses places, un vendeur de brochettes, ce dernier avait quitté. Il m’a conseillé de reprendre la place et me débrouiller. Il m’a donné un crédit de 5000 FG, à l’époque, un kilo de viande se vendait à 1500 fg (mille cinq cent francs guinéens). Avec ce montant j’ai acheté trois kilos de viande et les condiments nécessaires. J’ai travaillé durant trois mois, j’ai réussi à récolter 90 000 FG (quatre-vingt mille francs guinéens). J’ai fait le compte rendu à mon parent (tuteur), il m’a demandé si j’allais continuer ou rester, j’ai moi-même décidé d’y rester. Il m’a ensuite trouvé une autre place, un bar.
Il m’a acheté deux thermos et des tasses et j’ai commencé à vendre du thé (ataya). J’ai fait ce boulot pendant un à deux ans, et puis un jour, puisque mes parents n’avaient plus mes nouvelles, je les ai téléphonés, à Fouta Toro, dans Matam parce que c’est ma région d’origine. Je me suis présenté à mes parents qui ne croyaient pas que je vivais encore. Ils croyaient que j’étais mort dans les eaux méditerranéennes. Je leur ai fait savoir que je suis vivant et je me débrouillais à Labé, en Guinée. Je leur ai envoyé 50 000 FCFA, cinquante mille francs CFA et 25 000 FCFA pour le transport de mon épouse. Celle-ci n’est repartie là-bas que lors des grèves de janvier-février (2007) parce qu’elle avait eu trop peur. Malheureusement elle est décédée il y a quelques années.
Aujourd’hui Dieu merci, je ne suis pas milliardaire certes mais j’ai réussi à avoir des millions de francs guinéens ici, construire chez moi au Sénégal et me trouver une parcelle de terre à Labé ici. Dans cette ville, je jouis de tous les honneurs et j’ai de très bonnes relations avec les citoyens de Labé. Je suis marié ici et mes enfants y étudient. Mes parents, avant qu’ils ne décèdent, sont tous venus me rendre visite à Labé, ils venaient régulièrement passer le jeun du ramadan auprès de moi.
En 1987, j’avais entrepris le voyage irrégulier pour l’Europe mais j’ai énormément souffert au Niger où on a fait quatre jours de marche parce qu’il n’y avait pas de véhicule à l’époque. C’est un de mes parents vivant en Centre Afrique qui m’avait enlevé dans cet enfer où j’étais resté pendant deux ans dans la souffrance. Mais depuis que je suis arrivé à Labé, j’ai réussi beaucoup de chose. Je regrette même d’avoir perdu mon temps en voulant coûte que coûte rejoindre l’Europe.
A Labé ici je me débrouille, je fais mon café, vends du pain à ma place et je fais beaucoup d’autres business qui me rapportent de l’argent. Je ne pouvais espérer mieux » a-t-il témoigné.
Abdoulaye Ndiaye, la cinquantaine ne pense plus à l’aventure et il conseille les jeunes Guinéens de renoncer à la migration irrégulière parce que la Guinée a plusieurs opportunités où ils peuvent investir et réussir.
« Je regrette de n’être pas venu un peu plutôt à Labé. C’est pourquoi je voudrais dire aux jeunes : c’est vrai que c’est un peu difficile, mais comme nous l’apprend un adage, ‘’ quand tu tombes dans un fleuve et qu’un crocodile t’attrape, tu n’as pas autre chose à attraper, c’est le même crocodile que tu dois attraper’’. Donc en Guinée aussi, c’est comme ça, c’est vrai qu’on n’a pas tous les moyens, mais on peut toujours se débrouiller ici. Regardons la stratégie des blancs (Occidentaux ndlr), ils viennent chez nous pour chercher les matières premières pour aller développer chez eux, l’Uranium au Niger, la bauxite en Guinée, sont des cas illustratifs. Nous pouvons nous aussi réussir ici.
On peut investir dans l’agriculture, c’est rentable. Il y a même des jeunes qui ont quitté l’Europe pour venir investir dans le secteur agricole, ça doit nous inspirer. Vous-mêmes vous êtes jeunes mais vous vous débrouillez ici. Aux parents, d’arrêter d’encourager l’émigration clandestine des enfants, ça endeuille trop des familles. On peut bien réussir chez nous ici » conseille Abdoulaye Ndiaye.
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664-72-76-28
Créé le 12 août 2021 21:18Nous vous proposons aussi
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