Mohamed Tall interpelle le président Alpha Condé : « Il faut qu’il accepte…’’

Mohamed Tall

CONAKRY- C’est un Mohamed Tall peu conciliant qui a accordé une interview à Africaguinee.com. Ce responsable de l’Union des Forces Républicaines dirigée par Sidya Touré, cet ancien ministre d’Alpha Condé au cours de cet entretien a fait un diagnostic peu reluisant  du pouvoir de Conakry. Il est revenu sur le discours du chef de l’Etat qui dit s’occuper désormais des extrémistes de tous les bords politiques. Il a été aussi question de la vie de leur parti politique et du long séjour de Sidya à l’extérieur du pays, considéré désormais par bon nombres de citoyens comme un potentiel exilé politique. 


 

AFRICAGUINEE.COM : Au cours d’une de ses sorties médiatiques le chef de l’Etat a indiqué qu’il s’occuperait désormais des ‘’extrémistes’’ qui sont dans l’opposition et de la mouvance. L’UFR se sent-elle concernée par cette déclaration ?

MOHAMED TALL : Je crois que ce n’est pas la bonne question à se poser. Ce qu’il faut se poser comme question c’est pourquoi le président de la république et la mouvance d’une manière générale ont toujours refusé qu’une enquête internationale soit menée pour élucider et identifier les responsables de tous les crimes  qu’on a enregistrés ne serait-ce que les trois dernières années. L’opposition, particulièrement l’UFR à plusieurs reprises a demandé qu’une telle enquête soit menée de manière indépendante. Cette idée malheureusement n'a jamais prospérée parce que le pouvoir ne l’entendait pas de cette oreille. Le deuxième problème, c’est un problème de crédibilité tout simplement. Au point où on en est, il faut se demander s’il faut faire confiance ou non au discours de la mouvance. C’est une question fondamentale à se poser.

La troisième chose, à chaque fois que le président s’est exprimé en ces termes-là, généralement on a vu une réaction plutôt dure, c’est à croire que l’extrémisme est dans l’ADN de la mouvance. Donc ce que je redoute surtout pour certains éléments de la mouvance, ce qu’ils ne subissent le même sort que les opposants depuis quelques années. C’est-à-dire qu’ils ne soient emprisonnés. C’est de cette manière que généralement  le président s’occupe des choses notamment des personnes.

Le chef de l’Etat dit faire cela pour apaiser le pays ?

Il y a quelques semaines tout le monde a entendu déclarer que le pays était apaisé (…), la manière d’y parvenir c’est de bâillonner tout le monde, emprisonner plusieurs et de contraindre d’autres à l’exil. Ce n’est pas une manière de régler les problèmes tout en respectant les droits malheureusement. Ce sont les droits et les libertés qui sont foulés au pied et bafoués en Guinée. C’est cela le problème fondamental.

Depuis quelques semaines des informations fusent comme quoi, Sidya Touré, le président de votre parti, absent du pays  est en exil à l’étranger ?

Aujourd’hui tout le monde assiste au tour de vis en Guinée. Beaucoup de responsables politiques et de la société civile se sont retrouvés en prison pour s’être simplement exprimés. Il y a énormément des détenus politiques, des responsables et pas des moindres ont été empêchés de sortir du territoire, il y a des arrestations abusives et arbitraires et tout cela n’est pas sans conséquences. Alors ce qui est évident, c'est que le président de l’UFR n’a nullement envie de se retrouver bloquer en Guinée, voilà. Je crois que la seule manière d’apaiser c’est de montrer patte-blanche et de libérer sans condition les détenus politiques. Parce que bien entendu, ce sont des détenus politiques et d’essayer de faire les choses de manière orthodoxe (…), c’est-à-dire inviter les différents acteurs à un vrai dialogue, respecter la séparation des Pouvoirs parce qu’il faut que le président Alpha Condé accepte de s’autolimiter. Il ne peut pas être à la fois chef de l’exécutif, du judiciaire et du législatif. Il faut qu’on commence à fonctionner normalement. C’est cela problème fondamental. Donc, là on n’a pas de signes positifs qui nous indiquent clairement que désormais la volonté politique est là pour décrisper la situation. Il ne suffit pas de faire des déclarations pour ça.    

Depuis quelques jours la Guinée a renoué le fil avec le Sénégal. Ces deux pays ont paraphé des accords de coopération militaires. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je ne sais pas grand-chose (…), je note simplement que les frontières avaient été fermées pour des raisons qui restent encore assez floues. Tant mieux si à la faveur de ces discussions là on parvenait à un accord permettant de recouvrir les frontières. On ne peut que  saluer la réouverture de ces frontières.

Dans ces accords il est dit qu’aucun pays ne servirait de base arrière pour attaquer les intérêts de l’autre partie. Quelle lecture faites-vous de cela ?

Cela signifie tout simplement que le régime guinéen a envie de mettre la main sur des opposants qui vivent au Sénégal ou dans d’autres pays de la sous-région avec lequel il pourrait passer ce genre d’accord,  c’est évident.

Mohamed Tall, directeur de cabinet de Sidya Touré, aussi à l’étranger depuis plusieurs mois. Comment entrevoyez-vous la vie socio-politique guinéenne en ce moment ?

C’est un spectacle extrêmement désolant. Nous assistons vraiment à la déliquescence totale de l’Etat. Les routes sont défoncées, quand on voit les images des hôpitaux ou des écoles, c’est quasiment inquiétant. Pour vous faire rigoler un peu, même si c’est d’une tristesse affligeante, il y a un enfant qui était avec ses amis qui feuilletaient des images du pays. Lorsqu’il a vu  un jeune assis devant une école, alors il y a un des enfants qui a demandé quel est ce jeune qui a pris sa photo devant une écurie. Cela veut tout simplement dire que c’est extrêmement grave, il s’agit de l’avenir du pays. Tout cela m’inspire la tristesse, c’est un sentiment d’être bafoué, d’être humilié. Donc il faudrait que les guinéens commencent à réfléchir un peu sur leur avenir parce que vraiment on a atteint le fond du fond et on est en train même de creuser le fond. C’est préoccupant et c’est grave.

Votre formation politique est quasi muette, que se passe-t-il au sein de l’union des Forces  Républicaines ?

Bien sûr qu’on  nous entend (…), la jeunesse fait des tournées dans les différentes fédérations, les femmes aussi ont démarré leur tournée. Des voix s’élèvent pour dénoncer un certain nombre de choses. Vous voulez dire qu’on ne tient plus notre Assemblée générale  (…), mais pour cela, nous ne sommes pas seuls. Certes il y a un parti qui le fait de manière virtuelle, c’est une option mais nous, nous n’avons pas pour le moment opté pour cette formule. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne nous entend pas. Nous nous exprimons sur les problèmes du pays bien sûr.

Le mot de la fin ?

Le dernier mot, c’est vraiment pour exprimer ma grande inquiétude par rapport à l’évolution de notre pays. Nous sommes dans un pays où l’héritage que le Général Lansana Conté nous a laissé a !
été dilapidé. Nous sommes dans un pays où les libertés n’existent plus, où on ne respecte plus l’Etat de droit et qui a quasiment disparu. Mais il y a un aspect sur lequel peut être nous n’insistons pas suffisamment mais qui me tient à cœur. Il s’agit de la préservation de l’environnement. J’insiste la dessus parce que c’est une question majeure, pas seulement pour les guinéens ou l’Afrique mais c’est une question qui concerne et qui engage la planète entière. Je suis extrêmement triste lorsque je constate qu’en Guinée, à cause des mines on est en train de détruire profondément notre environnement. Nous avons dans la zone de Boffa Boké, une tragédie qui est en train de se jouer.

Le président Sidya Touré, évoque souvent le cas de l’île de Nauru   (île du pacifique, ndlr), Boké est en voie de devenir la deuxième île de Nauru. Si vous y allez, vous avez l’impact de cette destruction là et des conséquences multiples. Lorsque vous avez détruit l’environnement, vous avez derrière, d’énormes problèmes de santé. Vous créez des problèmes en alimentation à deux niveaux. D’abord au niveau des capacités de production mais aussi au niveau même de la qualité de la production.  Vous créez des problèmes de sécurité liés au déplacement des individus, liés à leur appauvrissement, des problèmes de migration majeurs.

Donc, il y a trop de choses qui sont liées à la dégradation de l’environnement. Et nous passons ça sous silence. Nous n’avons fait aucun effort pour limiter la déforestation. La Guinée est un des rares pays où il n’y a pas eu de politique alternative pour atténuer ce processus-là. Il n’y a pas de gaz dans les maisons pour faire la cuisine, tout est fait au bois, on coupe comme on veut pour faire des meubles, ou autres choses. Le malheur ce n’est pas régénéré et aucun effort n’est fait pour ça. C’est une préoccupation que je devais absolument exprimer aujourd’hui et je vous remercie de m’avoir donné cette occasion, parce que j’estime qu’on ne parle pas suffisamment de ce problème et les guinéens devraient l’inscrire en priorité.

 

Entretien réalisé par BAH Boubacar LOUDAH

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 655 31 11 13

Créé le 12 juillet 2021 10:30

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