Mamadou Sylla : « Quand on était contre les militaires, le président Alpha me disait… »
CONAKRY-Le chef de file de l’opposition a une nouvelle fois brisé le silence sur l'actualité sociopolitique du pays. Parlant du dialogue, Elhadj Mamadou Sylla estime qu’il fallait d’abord désigner les représentants des différentes entités, définir la feuille de route avant d’entamer les travaux. Le président de l’Udg revient aussi sur les rencontres qu’il a eues avec les ambassadeurs de la Cedeao, de la Chine. S’agissant de la grâce des détenus, l’opposant a remercié Alpha Condé dans cette démarche et l’a encouragé à élargir aux autres prisonniers politiques. M. Sylla a salué l’accord signé entre la Guinée et le Sénégal et souhaité l’ouverture des frontières en attendant sa ratification par les Parlement de deux pays. Il fait aussi d'autres confidences. Entretien exclusif.
AFRICAGUINEE.COM: Que pensez-vous de l’ouverture du dialogue politique ?
MAMADOU SYLLA : Je ne comprends pas ce qui se passe. Nous, on attendait un courrier nous demandant de désigner nos représentants. Le décret avait indiqué le nombre de personnes qui allaient composer le cadre permanant de dialogue : mouvance 2, opposition 2, Société civile 2, Assemblée nationale 1, Primature 1, Présidence de la République 1, plus le secrétaire permanant et le Premier ministre qui en est le président. Ces différentes entités devraient être saisies pour désigner leurs représentants qui devaient s’entendre pour définir un canevas de travail. On était dans l’attente lorsqu’on a entendait un communiqué qui dit le dialogue commence par les transporteurs.
Dès après votre installation au poste de chef de file de l’opposition, vous êtes allés remettre un mémorandum au président Alpha Condé lui demandant l’ouverture d’un dialogue. Etes-vous au regret d’avoir été exclu du cadre de dialogue ?
En ce qui concerne le mémo, je peux dire que les choses sont en train de bouger puisque le président est en train gracier les gens. L’autrefois, la justice a relaxé une trentaine de personnes. Nous avions aussi évoqué la fermeture des frontières. Avec la Sierra Leone, le problème est déjà réglé et bientôt avec le Sénégal aussi. C’est dans l’esprit du mémo qu’on avait remis au chef de l’Etat. Pour le moment, je dis que le dialogue n’a pas commencé parce que quand le président de la République prend un décret c’est comme une loi, il faut veiller pour que cela soit exécuté. Pour nous, tant que le cadre n’est pas créé, avec une feuille de route bien définie, on ne peut parler de l’ouverture du dialogue.
Si ce n’est pas un dialogue c’est quoi alors ?
Je ne sais pas, mais souvent il y a des audiences qui sont accordées. J’ai été reçu par le représentant de la Cedeao puis avec par l’ambassadeur de la Chine. J’ai également échangé avec monseigneur Vincent Koulibaly. Je dois recevoir le représentant résident des Nations unies la semaine prochaine. Pour ce qui est du cadre, on a dit dialogue inclusif. Une seule personne ne peut pas dialoguer. C’est quand tous les organes sont réunis qu’on peut démarrer officiellement.
Vous évoquiez tantôt vos rencontres avec le représentant de la Cedeao, l’ambassadeur de la Chine. De quoi avez-vous parlé ?
Avec les diplomates, nous avons parlé de la paix, de respect des lois et qu’il n’y ait pas du deux poids, deux mesures. Nous leur avons signifié que nous sommes une opposition très modérée qui ne va pas casser des biens publics et privés. Nous ne voulons pas que quelqu’un soit blessé ou tué pour une histoire de démocratie. Nous croyons au dialogue.
Qu’en est-il de votre rencontre avec monseigneur Vincent Koulibaly ?
Nous avons échangé sur la situation qui prévaut dans notre pays, notamment le cas des prisonniers. Il nous a indiqué qu’eux aussi, font leur démarche. Il nous a informés que dans ces jours-ci, ils seront reçus par le Premier ministre. On s’est dit qu’on n’a pas intérêt que la Guinée brûle. Il nous a aussi donné beaucoup de conseils. On s’est promis de garder le contact et se donner la main parce qu’on défend la même cause.
L’accord militaire et technique entre la Guinée et le Sénégal doit passer par l’Assemblée nationale pour sa ratification. Qu’est-ce qu’il prévoit ?
L’Assemblée n’a pas encore reçu le document. A partir du moment où les chefs d’Etat se sont mis d’accord, on peut considérer que c’est déjà acquis. Je crois que dans un délai d’un mois tout devait rentrer en ordre. Comme les gens sont en train de souffrir au niveau des frontières, je crois qu’on peut ouvrir en attendant la ratification. A partir du 5 juillet, nous serons en vacance parlementaire. Si nous ne recevons tôt l’accord, il faudra attendre la rentrée en octobre prochain.
Etes-vous favorable à ce que Foniké Mengué demande pardon pour bénéficier de la grâce présidentielle ?
Etant donné que la peine est individuelle, malheureusement, tu ne peux pas faire la prison à la place de quelqu’un. Si c’était une obligation de demander pardon et que s’il était donné à quelqu’un de d’en demander pour un autre, moi, je suis son frère de sang. C’est mon petit frère, notre papa est décédé alors qu’il était trop jeune. Il a grandi avec moi. Aujourd’hui, sa détention me travaille beaucoup. Bon, il n’y a pas que lui, il y en a d’autres aussi en prison. Je suis député et chef de file de l’opposition, je défends tout le monde à la fois. Si les parents pouvaient demander pardon à la place du détenu, il y a moi ou notre grand frère qui aurait pu le faire pour lui.
A chaque fois qu’on l’envoie un message, le jeune (Foniké Mengué) dit qu’il n’a rien fait et ne se reproche de rien. Vous savez chacun à son caractère. Même si c’est ton fils, à partir du moment qu’il a dépassé l’adolescence, tu ne peux rien faire contre son consentement. C’est lui qui peut décider de son sort, Dieu va l’aider.
Le pardon implique de s’engager à ne jamais refaire les choses qu’on faisait. C’est cet engagement que les gens prennent. Je pense que lui (Oumar Sylla, Ndlr) n’acceptera pas de prendre un tel engagement parce qu’il estime qu’il n’a rien fait. Il faut le comprendre aussi puisque demander pardon cela veut dire que tu reconnais avoir commis une erreur, une faute comme les autres (personnes graciées) ont fait. Ceux qui sont sortis disent d’abord qu’ils quittent la politique pour aller faire autre chose. Est-ce que c’est sur le coup de menace ? Ou c’est ce qu’on leur a demandé de dire ? ou bien ils ont peur ? tout cela n’est pas bon pour notre pays. Ce n’est pas bon signe. La méthode donne l’impression qu’on les a obligés de le faire. Ce n’est pas bon pour le pouvoir et pour le président lui-même.
J’ai conseillé le président en lui disant que toutes les personnes et les biens qui se trouvent en Guinée se trouvent sous sa garde puisque c’est à lui que le peuple a confié le pouvoir. Dans l’histoire de notre pays, 4 présidents sont passés. Un jour, lui aussi ne sera plus là. Comme on le dit, il est le père de la nation, il n’a qu’à tout faire pour traiter tout le monde au même pied d’égalité. S’il a gracié les autres, il n’a qu’à gracier même ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. C’est la démocratie.
Chaque fois, il me disait que les critiques ne lui disent rien. Mais, tout dernièrement, je trouve qu’il a complètement changé. Avant, il me disait que j’ai gros cœur et qu’en politique, on ne doit pas avoir gros cœur, on part doucement jusqu’à arriver. C’est ce qu’il me conseillait en 2010 quand on était contre les militaires. Mais aujourd’hui, il réagit toute suite quand on lui dit quelque chose qui ne lui plait pas. Je crois qu’il est président, Dieu lui a donné longue vie, la santé, il doit être très tolérant. Un père de famille peut avoir des enfants turbulents, il y en qui sont très sages, gentils.
A suivre…
Interview réalisée par Abdoul Malick Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 669 91 93 06
Créé le 28 juin 2021 17:43
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