Badiko évoque de « mauvais souvenirs »: «Bernard Kouchner, le frère jumeau du Pr Alpha Condé…»

CONAKRY- Le président de l’Union des forces démocratiques (UFD) ne croit pas en la sincérité du cadre permanent du dialogue politique et social. Mamadou Baadiko Bah, a encre les "mauvais souvenirs". Le dialogue piloté par la communauté internationale pendant la transition. Il rappelle le rôle trouble joué par la celle-ci sous la houlette de Bernard Kouchner, -ancien ministre des affaires étrangères de la France- qu’il présente comme le frère jumeau du Président Alpha Condé et Blaise Compaoré, l’ancien médiateur dans la crise guinéenne. Pour prendre part au dialogue annoncé, l’opposant pose des préalables pour y prendre part et suggère aux acteurs politiques de l’opposition de déjouer le piège tendu à eux par le pouvoir. Dans cette première partie d’une interview qu’il nous a accordée, l’opposant appelle l’opposition parlementaire et extraparlementaire à harmoniser leurs points de vue pour faire plier le gouvernement.
AFRICAGUINEE.COM : Que vous inspire la nomination de Fodé Bangoura au poste de secrétaire permanent du cadre de dialogue politique et social ?
MAMADOU BAH BAADIKO : Ce décret a été annoncé il y a près d’une semaine nommant Fodé Bangoura coordinateur du dialogue sensé d’assister le Premier ministre qui en est le président. On a toute suite noté qu’il y avait une proximité bizarre avec les pressions de l’Union européenne. De ce dialogue, il en était question depuis la fin 2020. C’est maintenant tout d’un coup qu’ils bougent. On est obligé de remarquer que la Guinée est dans une situation totalement bloquée. Au plan politique, le pouvoir ne va nulle, il a eu son 3e mandat à l’arrachée. Le pays est complétement paralysé, les prix flambent, les chantiers s’arrêtent, des ressources qui sont épuisées malgré les risettes que peuvent nous faire le Fmi. Ce que vit la population est absolument terrible. Cette saison sèche a été la pire que le pays ait connu depuis longtemps à cause du manque d’eau potable que ce soit en ville ou en campagne. On ne parlait même plus du dialogue, et tout d’un coup, on en parle. Quelle est l’intention réelle du pouvoir ? Son passé est connu, il est spécialiste de dialogue. C’est pourquoi, nous disons que le pouvoir est vacciné contre les dialogues.
Donc selon vous, ce n’est pas sincère ?
Si c’était sérieux, la Guinée a besoin de dialogue. On est pratiquement dans l’impasse totale depuis 1958. Le pays est instable, désuni, et connait des exclusions sociales et communautaires. Si on voulait être au sérieux, on devrait d’abord s’entendre avec les acteurs sur le cadre du dialogue, le pilotage, le principal responsable, l’ordre du jour, l’objectif fixé et les moyens de contrôle de ce qui va se faire. Mais il n’y a absolument rien de tout cela. Donc voilà un dialogue qui va rappeler tout ce que nous avons connu depuis tout le temps. Après 26 ans de dictature sanglante qui a ramené le pays dans un état d’arriération inimaginable, il n’y a pas eu de dialogue en 1984, on a simplement bombardé une loi fondamentale taillée sur mesure pour le général Lansana Conté. En 2007, avec les manifestations dans tout le pays avec les centaines de mort, il y a eu un dialogue entre les syndicalistes et le pouvoir pour nommer un Premier ministre.
Par la suite, nous avons su toute la manipulation, la corruption qu’il y avait eu derrière cette affaire de sélection du Premier ministre. Il n’y a eu aucun changement. En 2009, il y a eu les forces vives ont réuni la société civile, le syndicat, les partis politiques cela s’est terminé par le massacre du 28 septembre. Finalement, les forces vives ont été exclues de la conclusion du dialogue qui s’est terminé à Ouagadougou sous la houlette de la communauté internationale solidement encadrée par Bernard Kouchner qui était un agent patenté du futur candidat Alpha Condé. Donc, on a phagocyté le dialogue inter guinéen et on n’a pas signé l’accord politique global que les forces vives avaient préparé et qui permettait d’encadrer la transition pour être sûr qu’on sortirait du système pour aller vers un changement véritable au bénéfice des populations. C’était terminé par 3 petites feuillets rédigés par la communauté internationale, pilotée par le fameux Bernard Kouchner, le frère jumeau du Pr Alpha Condé.
Le résultat ? C’est le système politico ethnique, des élections truquées qui nous ont conduit à la situation de blocage total aujourd’hui avec toutes les violences, des morts, des blessés, des emprisonnements sans jugement. Et il y a aussi l’impasse au plan économique. Un régime qui clame avoir tout réussi parce qu’on est deuxième producteur mondial de bauxite. Apparemment, plus on exploite la bauxite, plus on est misérable. La Guinée est un pays néocolonial qui n’est là que pour produire des matières premières à vil prix pour des vandales internationaux qui viennent ramasser sans contrepartie en complicité avec les dirigeants, qui, eux, ont leur compte. Le peuple n’a rien, l’environnement est détruit. Le pays n’est même pas gouverné aujourd’hui. Dans ces conditions, on se demande qu’est-ce qu’un dialogue va donner. Est-ce qu’on va aborder les vrais problèmes du système qui nous a conduit à cette situation pour trouver des solutions pour l’avenir.
Le Premier ministre avait pourtant engagé des consultations auxquelles vous aviez pris part…
En matière de dialogue politique, on a une référence c’est celui de septembre 2019. Lorsqu’il y a eu beaucoup de manifestations, de critiques contre le 3e mandat, on nous a fait croire que le dialogue initié sous la houlette du Premier ministre allait tout résoudre, mais c’était une mascarade honteuse dans laquelle les gens venaient avec les propositions de toute sorte. On se congratule, se tape sur les épaules, on rigole bien, on a son carburant à la fin, mais n’avait pas empêché le président de la République de prendre sa décision qui n’avait pas changé d’un iota ce qu’il avait l’intention de faire. S’il s’agit d’un dialogue comme celui-là, ça ne vaut pas la peine. On a toujours été prêt au dialogue puisqu’on n’a pas d’autres solutions à moins de faire la guerre. Mais nous sommes des partis politiques, on ne fait pas la guerre. On a que le dialogue, mais on sera vigilant, il n’est pas question qu’on se serve de nous pour faire semblant qu’il y a eu un dialogue alors qu’il n’y en a pas eu.
Quels sont les préalables pour que vous participiez au dialogue ?
Sur le plan politique, il y a l’opposition parlementaire et extraparlementaire. Le préalable c’est de savoir sous l’égide de qui on se réunit, l’ordre du jour, la garantie de pérennité de ce qui va sortir. Le gouvernement serait très heureux de présenter cette situation à la communauté internationale pour dire qu’on est prêt et que c’est les autres qui ne sont des extrémistes qui ne veulent rien savoir. On tombera dans ce piège là non plus puisqu’il est tendu.
Le problème c’est le choix de Fodé Bangoura ou bien le fait qu’Alpha Condé n’appliquerait pas les conclusions issues du dialogue ?
Le problème ce n’est pas, exactement, Fodé Bangoura qui est un des membres du cabinet du chef de file de l’opposition. Le problème c’est sa nomination sans aucune concertation. Est-ce que c’est le dialogue du pouvoir ou de toutes les forces vives du pays ? Si c’est le dialogue des forces vives, il faudrait qu’on s’entende sur une personnalité consensuelle pour diriger ce dialogue sinon on sait déjà qu’on est mal parti. Des consultations sont en cours pour savoir comment l’opposition parlementaire à laquelle nous appartenons va entreprendre la chose.
Les plus grands partis de l’opposition extraparlementaire ont exprimé des doutes sur ce cadre de dialogue. Qu’en pensez-vous ?
C’est leur droit. Nous disons qu’il faut voir l’intérêt du peuple de Guinée qu’on conjugue les efforts entre l’opposition parlementaire et extraparlementaire pour arriver à faire plier le pouvoir.
Certains disent à quoi bon d’aller à un dialogue avec quelqu’un qui selon eux a violé les intangibilités constitutionnelles ?
C’est une véritable lutte à mener pour les amener à savoir qu’ils ne peuvent pas se cabrer dans cette position et imposer leur vue en prétendant avoir dialogué. Encore une fois, il est très important que toute l’opposition parlementaire et extraparlementaire se donne la main et pose des exigences pour faire plier le pouvoir.
Au sein de l’opposition parlementaire avez-vous entamé des démarches auprès de celle extra parlementaire ?
Personnellement, non. Mais on a toujours travaillé dans ce sens. On est disposé à la recherche des solutions permettant à ce que l’opposition dans son ensemble se dresse contre le pouvoir.
A suivre…
Abdoul Malick Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 669 91 93 06
Créé le 27 mai 2021 18:58
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