Bah Oury : « Les militaires maliens ont montré une boulimie et une cupidité… »

Bah Oury

CONAKRY- L'opposant Guinéen Bah Oury vient de s'exprimer sur les derniers développements de l'actualité politique au Mali, englué dans une crise multidimensionnelle depuis 2012. Le colonel Assimi Goita, tombeur d'Ibrahim Boubacar Keita a écarté Bah Ndaw de la conduite de la transition, compliquant davantage la situation dans ce pays voisin à la Guinée.  Au micro d’Africaguinee.com,  Bah Oury livre son analyse. 


 

BAH OURY : Moi je crois que le Mali est dans une crise très profonde, une crise de gouvernance qui ne date pas d’aujourd’hui. Les mouvements que nous avons connus, qui ont précipité la chute du président IBK étaient un ras-le-bol. Ces mouvements  n’ont pas encore trouvé une expression politique suffisante pour remettre le Mali dans la dynamique d’un changement indispensable. De ce point de vue, c’est comme si ce pays à travers ses élites qu’elles soient civiles ou militaires, est en train de montrer une faillite qui ne pourrait qu’accélérer la descente de ce pays frère dans une situation d’Etat en faillite. La situation actuelle est très dangereuse, très périlleuse. 

Je crois que les militaires maliens ont montré une boulimie et une cupidité pour l’accession au pouvoir pour ce privilège. Ils n’ont pas tenu compte de leur rôle de gardien de la souveraineté du territoire malien pour aller dans le sens de la restauration de la paix à travers des actions qu'ils devraient mener sur le terrain pour rassurer toutes les communautés et rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire. Ce sont les portefeuilles ministériels, c’est les avantages et les privilèges dans le cadre des comportements néo-patrimoniaux qui remportent sur le reste.

 

Le colonel Assimi Goïta accuse le président de la transition Ba N’daw d’avoir violé la charte de la transition, est-ce un argument valable selon  vous ?

C’est encore beaucoup plus grave si on n’a pas une haute conscience de l’intérêt national et de la responsabilité que requière l’exercice du pouvoir. Il va de soi que si son orgueil est blessé à un moment donné, on prend en otage tout un pays avec les risques de le plonger dans une déchéance et une destruction. C’est comme ça en 2012, à quelques mois du départ du pouvoir constitutionnel de monsieur Amadou Toumani Touré, il y a eu un coup d’Etat qui a précipité l’envahissement du territoire par les mouvements djihadistes venant du nord et cela a créé un problème de sécurité aussi bien pour le Mali que pour le Burkina, pour le Niger. Maintenant avec cette nouvelle situation, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller et c’est regrettable. 

Selon vous à quel scénario pourrait-on s’attendre aujourd’hui au Mali ?

La situation malienne est très inquiétante. C’est la sécurité de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest qui est en danger. Avec ce qui vient de se passer, la stabilité pourrait difficilement revenir sauf cas exceptionnel. Si tel n’est pas le cas, il va de soi que les mouvements djihadistes vont continuer à occuper le territoire malien à déstructurer ce territoire. La destruction du Mali va contribuer à la destruction du Burkina, du Niger et ça va se prolonger dans les autres pays limitrophes. Notre pays n’est exempt des cibles des forces asymétriques. C’est extrêmement dangereux et grave. C’est cela qui est révoltant.

Les chefs d’Etats africains au lieu de regarder ce qui se passe autour d’eux, sont en train de regarder les étoiles pour rechercher le bonheur suprême alors que nos populations sont en train de vivre une période vraiment inquiétante en tout point de vue. 

On a suivi le communiqué conjoint du président de la commission de l’Union Africaine mais aussi de la CEDEAO qui ont unanimement condamné ce coup de force, qui selon eux est inacceptable. Pensez-vous que ce soit suffisant ?

Ce n’est pas suffisant parce qu’en principe dans ces circonstances particulières, il aurait été de bon ton que le président en exercice de la CEDEAO convoque de la manière de la plus urgente la réunion au sommet des chefs d’Etats pour évoquer la situation malienne et les mesures à prendre. Je pense que dans le contexte actuel, il faut se poser des questions sur la viabilité et la gouvernabilité du territoire malien dans les circonstances actuelles. Si cela continu ainsi, mettre ce pays sous la tutelle des Nations-unies pourrait être peut-être une piste que certains esprits ne vont pas tarder à mettre en avant. 

Emanuel Macron évoque carrément des sanctions ciblées qui pourraient être prises. Est-ce que l’Union Africaine et la CEDEAO ne devraient pas s’inscrire dans cette démarche pour obliger la junte à revenir à la raison ?

Ce serait salutaire parce que les dirigeants africains ne prennent pas les responsabilités au moment où il le faut et avec toute la détermination et la vigueur que cela requièrent. Ils sont toujours en retard et lorsque d’autres prennent des initiatives,  vous voyez des gens qui disent c’est la France qui instrumentalise telle chose dans les pays. Il faut que les Etats à travers leurs dirigeants montrent leurs capacités de prises de responsabilités et d’agir pour l’intérêt de la sécurité de l’ensemble des peuples notamment ouest-africains. 

Mais jusqu’à présent ce n’est pas du tout ce que nous voyons, chacun s’intéresse à son pouvoir, à son prestige personnel. Le fait que le voisin prenne feu et ensanglante son  territoire, c’est comme si les autres ne se sentent pas concernés. Alors que ce qui se passe au Mali, nous sommes tous concernés parce que ce qui arrive maintenant peut avoir des répercutions d’une extrême gravité aussi bien dans le territoire guinéen que dans les territoires sénégalais et ivoiriens.

 

Oumar Bady Diallo 

Pour Africaguinee.com 

Créé le 26 mai 2021 12:10

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