La cinglante réplique de Me Baldé:  » lorsque Mamadou Sylla a été détenu à la Maison centrale… »

Maitre Thierno Souleymane Baldé

CONAKRY-Membre du collectif d’avocats des « détenus politiques », Me Thierno Souleymane Baldé a réagi, à la visite du chef de file de l’opposition à la Maison centrale de Conakry. L’avocat juge « indécente » la démarche de Mamadou Sylla lorsque ce dernier déclare qu'il n'intercèdera en faveur des détenus qu'après leur condamnation.


AFRICAGUINEE.COM : Que pensez-vous de la récente visite du chef de file de l’opposition et de son cabinet à la maison centrale ?

MAITRE THIERNO SOULEYMANE BALDE : J’étais vraiment surpris de l’entendre, en marge de cette visite, dire qu’il (Mamadou Sylla, Ndlr) ne va pas intervenir aussi longtemps que les personnes détenues ne sont pas condamnées. Quelque soit les circonstances, les accusations portées contre une personne, elle est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par la justice. Je me pose la question :

Lorsqu’il a été détenu à la Maison centrale (2006-2007, sous le régime du président Lansana Conté, Ndlr) est-ce qu’il aurait voulu, à l’époque, qu’il y ait la fin de la procédure initiée contre lui avant que le Général Lansana Conté aille le faire sortir ? J’aimerai qu’il dise effectivement, à l’époque, qu’il aurait souhaité qu’aucune personne n’intervienne jusqu’à ce qu’il soit condamné. Et au-delà, s’il veut utiliser effectivement sa démarche pour se légitimer, il ne faudrait pas qu’il utilise les prisonniers politiques, ce n’est pas juste, pas humain. Il ne devrait pas être là en train de promouvoir l’impunité et l’injustice.

Les personnes qui ont été arrêtées sont accusées de fabriquer des armes, de détenir des minutions et beaucoup d’autres infractions, mais depuis leur arrestation jusqu’à maintenant, une seule preuve n’a été présentée à leur encontre. On n'a pas montré une usine pour dire voilà l’usine qui servait à fabriquer les armes et voilà les armes qui ont été fabriquées, voilà les minutions qu’ils détenaient. Il n’existe aucune preuve contre les détenus.

Si effectivement, comme il le dit, son souci est l’application de la loi, dans ce cas, il n’a qu’à demander à M. Alpha Condé de veiller à ce que toutes les dispositions légales soient respectées. L’article 243 le du Code de procédure pénale dit clairement pour qu’il y ait inculpation il faut qu’il y ait des indices graves et concordants, il faudrait qu’on donne à la personne la possibilité de contester toutes accusations portées contre elle et surtout de pouvoir contester la véracité des faits. Mais, faudrait-il qu’on présente les éléments de preuve contre l’inculpé. Ceux-là qui se disent soi-disant bon samaritains et en même temps qui sont en train de demander à ce que les détenus politiques soient condamnés, c’est indécent.

(…) Nous ne demandons pas une quelconque faveur. Nous demandons l’application correcte des lois de la République qui sont en vigueur dans notre pays. Nous savons que si les lois sont appliquées aucune de ces personnes ne pourra être condamnée. (…) Qu’on arrête vraiment à jouer avec la vie des gens.

Où en êtes-vous dans vos démarches parce qu’il fut un moment où vous aviez suspendu votre assistance à ces détenus ?

Nous avons rencontré le ministre de la Justice par rapport à l’interdiction aux avocats des prévenus d’avoir accès à la Maison centrale. Mais, au-delà de l’accès à la maison centrale, la question principale est le respect de leurs droits. Quel que soit, en principe, la position qu’on occupe dans une société c’est dans l’intérêt de tout le monde de veiller à ce que la loi soit appliquée. Tout ce que nous demandons c’est de veiller à ce que les droits des prévenus soient respectés. La loi dit clairement que dès l’interpellation d’un citoyen, il a le droit d’avoir l’assistance d’un avocat.

Or, la plus part d’entre eux n’ont pas pu avoir l’assistance d’un avocat pendant la garde à vue devant l’officier de police judiciaire. Pendant leurs auditions, ce sont les procès-verbaux-là qu’on est en train d’utiliser. Alors que le juge d’instruction doit informer, au plus tard 24h, les avocats du détenu s’il y une audition quelconque ou d’une confrontation quelconque et il doit mettre les dossiers à leur disposition. Imaginez-vous à la veille d’une audition qu’on vous dise voilà les noms des personnes qui vont être auditionnées alors que les avocats n’ont pas pu avoir accès aux dossiers pour les examiner afin d’apporter des conseils appropriés à leurs clients avant un entretien quelconque avec le juge d’instruction.  Ce sont des règles élémentaires. Tout ce que nous demandons c’est le respect des droits des détenus.

M. Alpha Condé a été à la Maison centrale et je pense qu’à l’époque, il souhaitait à ce que ses droits soient respectés et de la même manière, nous souhaitons à ce que les droits des détenus politiques soient respectés. Quiconque a commis une infraction, qu’il puisse subir la rigueur de la loi, mais si effectivement la personne n’a commis aucun acte répréhensible, qu’on puisse la libérer et qu’on n’utilise pas la politique pour pouvoir mettre un citoyen en prison. On sait exactement dans quelles conditions M. Alpha Condé a organisé les élections pour se maintenir au pouvoir.

Il devrait éviter d’utiliser l’intimidation, la répression pour pouvoir museler quiconque veut contester son autorité. Regardez ce qui se passe actuellement en Mauritanie avec l’ancien président. Aujourd’hui, c’est monsieur Alpha Condé qui est au pouvoir, mais on le sait qu’il ne restera pas éternellement au pouvoir et tous ses proches qui sont en train de profiter aujourd’hui des biens publics et qui sont en train de s’enrichir, qu’ils sachent que cela ne va pas perdurer indéfiniment. C’est dans leur propre intérêt aussi de veiller à ce que la justice soit indépendante et que les dispositions légales soient appliquées quel que soit la catégorie sociale, le statut de la personne et sa religion.

Aujourd’hui, ils sont au pouvoir et demain, ils vont être de l’autre côté. On a vu même les officiers de police judiciaire, les hauts gradés de la gendarmerie, de la BAC qui sont accusés aujourd’hui de trafic de drogue. Ce sont leurs avocats qui sont en train de dénoncer la violation de leurs droits. Alors qu’hier, c’était les mêmes personnes qui étaient en train de violenter les détenus politiques. Donc, la loi elle est faite pour tout le monde et si elle est appliquée c’est dans l’intérêt de tout le monde. On ne peut pas avancer dans une société si les lois de la République sont ignorées. Aucun pays ne peut se développer s’il n’y a pas l’établissement d’un état de droit. Il ne peut pas y avoir la consolidation de la démocratie et l’état de droit si effectivement les lois de la République ne sont appliquées. Tout ce que nous demandons c’est l’application de ces lois et rien d’autre.

Entretien réalisé par Abdoul Malick Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 669 91 93 06

 

Créé le 14 mars 2021 13:53

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