Telly Barry, de la vie d’étudiant à celle de conseiller communal à Bruxelles…
BRUXELLES- Abdoulaye Telly Barry, a un parcours atypique ! Ce guinéen de la diaspora est aujourd’hui, conseiller communal suppléant dans une commune de Bruxelles en Belgique. Sa famille avait fui le régime Sékou Touré pour s’installer au Sénégal où Barry a commencé le cycle primaire. A la prise du pouvoir par Lansana Conté, il rentre en Guinée pour continuer ses études. Après avoir passé son baccalauréat, il débarque en Belgique dans les années 1998. Il décroche deux diplômes supérieurs avant de se lancer dans la vie professionnelle. Piqué par le virus de la politique, une passion depuis son jeune âge, M. Barry se retrouve sur une liste du CD&V, un parti démocrate Flamand pour devenir conseiller communal suppléant. Il garde encore un regard sur la Guinée, son pays de naissance.
AFRICAGUINEE.COM : Depuis quand vous vivez en Belgique ?
ABDOULAYE TELLY BARRY : Je suis arrivé en Belgique en 1998 dans le cadre des études après l’obtention du baccalauréat deuxième partie au Lycée Matam de Conakry. Vous savez à cette époque-là, il y avait les bac 1 et 2 et le concours d’accès à l’université guinéenne. Heureusement, j’ai eu une bourse d’étude privée pour la Belgique. C’est à travers cette bourse que je me suis retrouvé dans ce pays adoptif aujourd’hui.
Parlez-nous de votre parcours scolaire ?
Je suis originaire de Labé, Petewel (quartier rural de Labé), né à Conakry. Vu la situation du premier régime, mon frère et moi sommes allés au Sénégal où j’ai fait, la plus grande partie du cycle primaire. A la mort de Sékou Touré, nous sommes rentrés au pays. J’ai obtenu mon examen d’entrée en 7e à l’école primaire privée Yacine Diallo de Labé. Ensuite, le collège Konkola où j’ai eu mon brevet en 1993. Jupiter était le directeur des études, paix à son âme et monsieur Abdourahmane Diané, principal. Puis le lycée Wouro et les deux bacs au lycée Matam (1er mars) à Conakry.
Racontez-nous vos premiers pas en Belgique loin des parents ?
Vous savez ce n’est pas facile, la vie d’un étudiant surtout en Europe tout change, le milieu, la culture, etc. Mais, il faut s’adapter. J’ai trouvé ici des compatriotes que j’ai fréquentés qui n’étaient pas nombreux à cette époque. La plupart encadrait et soutenait les étudiants dans leurs démarches administratives et pour trouver des petits boulots pour faire face au quotidien. Le peu de guinéens que nous avons trouvé étaient bien soudés. Ils ont été d’un grand appui pour nous aider à nous en sortir. Ce lien avec les étudiants nouvellement venus existe toujours.
Comment avez-vous réussi à décrocher deux diplômes supérieur en Belgique ?
Les cours ne sont pas faciles surtout pour la communauté africaine. Dans certaines universités, j’avoue que le niveau de nos compatriotes est inférieur. Certains sont acceptés, d’autres orientés pour une année préparatoire. Pour ce qui est de mon cas et certains amis, nous avions un niveau acceptable, nous avons réussi à faire le premier cycle de 3 ans pour les uns et le second de 4 ans pour les autres. Le diplôme qui était l’objectif visé a été obtenu. Ce n’était pas évident au début, mais nous sommes arrivés au bout.
J’ai évolué dans une faculté de sciences économiques et sociales à Mercure international fondation universitaire où j’ai obtenu un D.E.S (diplôme d’étude supérieur), licence en gestion financière et commerciale. Un autre diplôme en master 1 en gestion d’entreprise à l’Institut supérieur de Cooremans de Bruxelles.
Après les études pourquoi vous avez décidé de rester plutôt que de rentrer ?
Après avoir obtenu mes diplômes, j’ai commencé à faire des stages pour se préparer à renter dans la vie professionnelle. Entretemps, j’ai eu l’occasion de faire un stage à la Compagnie Sabena, précisément à Sabena technique l'aéroport de Bruxelles Zaventem. Vu mes compétences, mon responsable voulait m’engager mais SABENA avait des difficultés financières à cette époque. J’ai continué à évoluer dans d’autres secteurs. J’ai été agent administratif avant d’être engagé dans le secteur de la distribution comme assistant de gestion où je continue à exercer ma fonction.
Aujourd’hui, vous êtes bien intégré en Belgique. Vous êtes devenu conseiller suppléant dans une des communes de Bruxelles. Comment cela est arrivé ?
Le monde politique m’a passionné dès mon jeune âge en Guinée. Avec feu Siradiou Diallo en 1993, j’étais membre de la jeunesse parti PRP. Ce que j’ai continué ici en Belgique après les études. J’ai approché le CD&V un parti démocrate Flamand qui, actuellement, fait partie de la coalition fédérale gouvernementale qui dirige la Belgique. A l’occasion des dernières élections, j’ai été sollicité sur la liste du CD&V dans ma commune de résidence Denderleeuw située à 25 kilomètres Bruxelles. J’ai pu avoir le vote de la communauté africaine d’ici. Aujourd’hui, je suis conseillé communal suppléant au nom de mon parti.
Il y a beaucoup de guinéens qui occupent des fonctions électives en Belgique. Qu’est ce qui explique cela ?
C’est effectif, les guinéens ont une tradition partout où ils vont, ils ne se considèrent pas comme étrangers. Ils cherchent à s’intégrer. A Bruxelles, beaucoup de nos compatriotes se sont présentés sur les différentes listes des communes du royaume de Belgique. Prenez le frère Lansana Béa Diallo qui est maire adjoint dans la commune D’Ixelles. Il y aussi Cellou Satina Diallo, conseiller communal à Bruxelles Ville. Mamadou Saliou Diallo aussi conseiller communal à Schaarbeek. Thierno Moussa Diallo conseiller à Uccle. Cela prouve une bonne intégration de nos compatriotes dans le domaine politique ici en Belgique. Les guinéens se démarquent vraiment. Si vous prenez partout en Europe, ils sont dans toutes les activités que ça soit ici en Belgique, en France ou dans les autres pays. Vous avez Ismail Bah qui est professeur d’université à L’Université Libre de Belgique(ULB). Nous avons des infirmiers, des sages-femmes, des médecins, je vous dis partout loin de l’informel. Nous travaillons dignement pour gagner notre vie. C’est vrai, il y a un lot qui opte pour la migration irrégulière faute d’avoir la voie normale pour venir, mais une fois ici, ils cherchent à s’intégrer pour faire vivre la famille.
N’y a-t-il pas d’autres Guinéens qui sont impliqués dans des activités illicites ?
Je ne parle que des bons exemples à imiter ou à suivre. En ce qui me concerne, depuis que je suis arrivé en Belgique, après les études, je travaille et j’ai réussi à être propriétaire de mon habitat. Nous sommes des milliers de guinéens qui sont sur cette voie. Bien que certains fassent des ratés dans la société. Il est rare d’aller dans une commune ou ville de Belgique sans trouver des guinéens bien intégrés. Ils sont la plupart des propriétaires de leurs maisons ou appartements et vivent avec leur famille. Pourtant, il n’est pas facile d’avoir une maison en Belgique d’ailleurs dans toute l’Europe. Ils travaillent comme tout le monde et paient les impôts comme les belges et sont vraiment réguliers. Il ne faut pas occulter quand même qu’il y a une catégorie de guinéens qui n’arrivent pas à trouver les documents requis pour leur intégration qui inclue le droit de travailler pour mieux vivre ici.
N’êtes-vous pas victimes de discrimination ?
C’est certain qu’il y a des préjugés. La Belgique est divisée en trois régions (la région bruxelloise, la région flamande et celle Wallonne). La Flandre est une région forte nationaliste même si le racisme existe de moins en moins. Mais, nous faisons tout pour ne pas les affronter. Nous travaillons et nous respectons la législation.
Comment vous observez la situation sociopolitique de la Guinée ?
En tant que politique, je pense que la situation sociopolitique se stabilise. Les élections sont derrière nous, le gouvernement est en cours de nomination. Il faut que les Guinéens apprennent à être unis et à travailler ensemble. La jeunesse doit aussi œuvrer pour son intégration dans l’administration en vue de travailler pour le développement du pays. Nous espérons que le pays sera électrifié avec les barrages de Souapiti en chantier et Kaleta. L’orientation des 15% des recettes minières aux communes à travers l’ANAFIC est un bon départ des collectivités c’est un atout qu’il faut perpétuer pour le développement local. Si nous touchons l’insécurité elle est réelle en Guinée. Le rôle de tout gouvernement c’est de sécuriser sa population et ses biens. Un appel solennel afin que la protection des citoyens soit aussi une réalité. Les investissements dans un pays dépendent de la paix et de la stabilité.
Un dernier mot ?
Je conseille à tous les compatriotes qui veulent venir en Europe de passer par la voie légale. Avant toute démarche, il faut qu’ils apprennent l’outil informatique. Aucun boulot ne marche ici sans l’informatique. Ça facilite la tâche aux uns et aux autres. Pour ce qui est de la Guinée, il faut que chacun accepte d’être un maillon de la chaine pour le décollage du pays. Qu’il soit de la mouvance, de l’opposition de tout secteur où il pourrait se trouver, l’idée meilleure que nous devons avoir c’est de se rappeler ce que nous avons en commun c’est la Guinée.
Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah(AOB)
Pour Africaguinee.com
Tél. : (00224) 664 93 45 45
Créé le 1 février 2021 20:09
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