La veuve de Roger Bamba est inconsolable : « Que Dieu fasse la justice… »

CONAKRY-Christine Mamie, la veuve de Roger Bamba, décédé en détention, est inconsolable ! C'est une femme effondrée que nous avons rencontré ce jeudi 17 décembre 2020. Pleurant à chaudes larmes, madame Bamba est plongée dans un choc profond. Dans ce témoignage pathétique qu'elle a confié à Africaguinee.com, elle raconte les derniers instants de son mari. Elle réclame justice et prie les autorités de prendre en charge les orphelins laissés derrière par son feu époux.
Roger est sorti ici le matin du 7 septembre 2020 en me disant qu'il partait au travail. Lorsqu'il est arrivé à l'Assemblée Nationale, il m'a appelé, pour me dire qu'il est arrivé. Il a jouté : j'ai reçu la visite de militaires qui m'ont pris sans convocation. Ils m'ont envoyé à la DPJ. Mais j'ai dit pourquoi ? Il m'a dit qu'on ne lui a pas dit encore le motif. Après je me suis déplacée pour partir là-bas. Mais il n'y avait pas d'accès. Après deux à trois jours j'étais assise ici, c'est dans une radio de la place que j'ai appris qu'on l'a transféré à la maison centrale de Coronthie avec (Souleymane Condé, ndlr) qui a quitté les États-Unis. Et chaque fois que je partais, je n'avais pas accès pour voir mon mari. Pourtant je ne travaille pas, j'ai fini l'université. J'ai quitté Nzérékoré pour venir ici, je ne connais personne. C'est lui qui représente tout pour moi. Je suis là, je vis lorsque les parents envoient quelque chose du village. Si ce n'est pas Roger, je ne connais personne. Entretemps, comme j'insistais à chaque fois que je partais, je pleurais, ils m'ont dit qu'il faut que je parte au tribunal qu'il y ait un papier là-bas pour que je puisse voir mon mari. 4 mois étaient déjà passés. Je n'avais pas de ces nouvelles. Je ne pouvais pas le voir, on ne peut pas communiquer, je ne savais pas s'il vit ou pas, comment on le traite, est-ce qu'il mange, je ne savais pas.
Je suis partie au TPI de Dixinn à 7h, j'ai passé toute une journée là-bas. Lorsque j'ai eu l'accès de voir le procureur, il a dit qu'il ne peut pas me délivrer un papier, qu'il n'est pas autorisé. Je suis couchée par terre, j'ai pleuré, et je lui ai dit : voyez-vous l'enfant que je détiens ? Il a fait quatre mois il ne voit pas son père. Vous ne connaissez pas qui est-ce que je traverse en ce moment. Et vous savez la conjoncture de la Guinée, tout est dur, et pourtant c'est mon mari qui s'occupait de moi en tout. C'est là que les gens l'ont plaidé il m'a fait un papier. Et je ne pouvais le voir que les mardis et jeudis. Le lendemain après avoir reçu le papier, je suis partie à la maison centrale, j'ai pu le voir.
Quand je l'ai vu, je lui ai demandé qui est-ce qu'il a fait ? Il me dit qu'on l'accuse d'avoir échangé des messages sur messenger avec un jeune, et que c'est ce dernier qui a porté plainte contre lui. C'est la raison pour laquelle il a été arrêté. Même lorsque je lui envoie le manger, ils n'acceptent pas que j'aille lui donner le repas. Ce sont eux qui lui donnent le manger.
Maintenant, hier vers 17h un numéro inconnu m'a appelé pour dire : c'est madame Bamba ? J'ai dit oui. La voie ajoute : '' Votre mari est malade, on l'a envoyé à Ignace Deen ''. J'ai aussitôt pris un motard pour aller voir ce qui se passe. Quand je suis arrivée, il était tellement gardé de sorte que les militaires ne me donnaient même pas le temps le voir. Quand je suis rentrée, je l'ai regardé. Je lui ai demandé depuis quand il est tombé malade. Son ventre était ballonné. Si vous vous voyez son ventre vous ne pouvez pas imaginer que c'est un être humain. Je lui ai demandé qu'est-ce qu'on lui a fait ? ll m'a dit que c'est hier (mercredi) seulement qu'il a senti des maux de cœur et des reins.
Après le docteur est venu me dire que Roger n'a pas de sang. Et moi je suis diplômée sans emploi. Mes parents sont à Nzérékoré. J'ai appelé la femme de Cellou Dalein Diallo pour lui dire que mon mari n'a pas de sang, il est abandonné à l'hôpital. Elle m'a envoyé un jeune, finalement nous sommes partis acheter du sang que nous avons envoyé. (…) Jusqu'à la nuit, le médecin me disait que le sang que j'ai envoyé était coagulé alors que pendant ce temps, Roger se plaignait trop de douleurs. Quelques minutes après il (Roger) m'a regardé, et me dit d'aller acheter de la glace, il faisait de la fièvre. Il m'a demandé de lui masser la tête. Les militaires qui le gardaient m'ont dit qu'ils ont faim, de leur donner à manger. Je leur ai répondu que je n'ai rien. Comme ils ont insisté je leur ai donné 20.000 GNF. Après le docteur me dit de sortir, il va le visiter. Je suis restée dehors. Quelques temps après, mon mari a crié pour me dire de venir, je suis revenue. A 00h il a rendu l'âme.
Mais je m'en remets à Dieu. Si Dieu est là pour les pauvres, je veux qu'il fasse la justice. Il y a eu beaucoup de morts en Guinée sans justice, je sais que mon mari n'aura pas de justice sur cette terre, mais demain à l'au-delà mon mari aura la justice. C'était lui le seul espoir de la famille, c'est celui qui s'occupait de nous. Il a trois enfants derrière lui. C'est lui seul qui avait la charge de nous, je n'ai personne. Je ne sais pas où aller, ni quoi faire. Je ne sais pas qu'est-ce que je vais devenir après sa mort. Je m'en remets à Dieu. Si c'est la maladie qui l'a tué qu'il m'aide à le savoir, s'il a été empoisonné que Dieu fasse la justice.
Je demande à l'autorité de s'occuper de mes enfants. Je sais que ça ne sera pas facile, quand tu perds ton premier mari. Celui qui faisait tout pour nous de Conakry jusqu'au village. C'est lui seul qui pouvait aider sa famille. Ses frères sont des cultivateurs. Que les autorités s'occupent de nous et nos enfants. Que Dieu fasse justice pour nous", plaide la veuve de Roger Bamba.
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 17 décembre 2020 15:47Nous vous proposons aussi
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