Alpha Condé, rencontre avec Général Sékouba, Gaoual: les « confidences » du Sénateur Leconte
PARIS-Le Sénateur français Jean-Yves Leconte appelle à libérer les prisonniers politiques en Guinée. L'élu de la chambre haute française a reçu récemment plusieurs proches des opposants emprisonnés. De quoi ont-ils échangé ? Dans cet entretien, le Président délégué pour la Guinée du groupe d’amitié sénatorial France/Afrique de l’Ouest a levé un coin du voile sur cette rencontre. Appelant la France et l'Union Européenne à agir, le sénateur invite les acteurs guinéens au dialogue et titille le président Alpha Condé.
AFRICAGUINEE.COM : Vous avez reçu des proches de certaines figures de l'opposition emprisonnées en Guinée. De quoi avez-vous parlé ?
JEAN-YVES LECONTE : Nous avons parlé à la fois des conditions de leur arrestation, de la manière dont les choses s'étaient passées alors que pour ce qui concerne Ousmane Gaoual Diallo, il a choisi de se rendre aux convocations. Il a été arrêté après. M. Cherif Bah a été arrêté plutôt de manière un peu disproportionnée, alors qu’il avait clairement dit qu’il était chez lui. En général, on conserve en détention préventive des gens dont on peut considérer qu'ils représentent un danger. Mais là c'est pour des raisons qui sont clairement des raisons politiques.
Comment vous avez senti le moral de ces familles ?
C’est toujours difficile et inquiétant. Moi j’ai eu Ousmane au téléphone juste avant, quand il a décidé de se rendre à sa convocation. Bien entendu, les familles sont très inquiètes des suites compte tenu du nombre de personnes qui ont subi des violences depuis le début de l’année pour des raisons politiques.
Jusqu'où comptez-vous vous impliquer pour arriver à mettre fin à cette crise ?
Je ne prétends pas en étant sénateur de l’opposition en France être quelqu’un en situation pour trouver une issue à la crise. Cette crise est d’abord de la responsabilité de ceux qui l’ont créé. C’est-à-dire en premier lieu, les effets du bilan du Président de la République de Guinée et de la manière dont il a géré les choses depuis quelques années. Le non-respect de l’agenda électoral, le peu d’écoute de ce que pouvait lui dire la CEDEAO et les différentes missions qui sont venues en Guinée depuis le début de l’année pour essayer d’ouvrir des voies de dialogue entre le pouvoir et l’opposition.
Donc, je serais présomptueux de penser que je peux participer à une solution. Moi j’observe et c’est vrai qu’à partir du moment où il y’a des situations humanitaires qui sont compliquées, des responsables qui sont clairement emprisonnés pour des raisons politiques, ça justifie encore une implication plus grande. On constate tous les jours qu’Alpha Condé se rapproche du comportement de celui qu’il a combattu toute sa vie.
Vous avez dit après les observations d’Emmanuel Macron sur la situation en Guinée, qu'il faut passer aux actes. Que voulez-vous dire par là ?
J’ai lu les observations d’Emmanuel Macron, je souhaite que la France évolue dans ses positions de manière à effectivement utiliser tous les moyens dont elle et l’Union Européenne disposent pour faire inciter ou pousser au dialogue l’ensemble des parties. Donc en premier lieu le Président de la République sortant.
Vous avez eu une rencontre avec l’ancien président de la transition en Guinée, le Général Sékouba Konaté. De quoi il a été question ?
La même chose compte tenu de la situation. L’ensemble des acteurs guinéens, leur responsabilité de dialoguer pour trouver une transition vers une sortie de crise. C’est ce qu’il est venu m’indiquer et tout en demandant à ce que la France s’implique. Mais moi, je ne suis ni président de la République, ni Ministre des Affaires Etrangères. Je fais passer des messages, dire les choses. Mais le fait est qu'à des niveaux divers aujourd’hui, plus personne n’a beaucoup d’illusions sur le comportement d’Alpha Condé depuis un an. Il a finalement fait élire une Assemblée Nationale au mois de mars dans des conditions qui ne permettent plus à celle-ci d’être représentative de quoi que ça soit. Il a changé la constitution pour des raisons qui étaient totalement liées au besoin. Son 3ème mandat.
Aujourd’hui le pont est totalement coupé entre les deux camps. Comment entrevoyez-vous l'avenir politique de la Guinée?
Aujourd’hui des personnes sont emprisonnées pour des raisons politiques dans ce pays, c’est inacceptable. Compte tenu de l’aggravation de la situation, il est important qu’on ne puisse pas continuer à constater cela, sans le cas échant envisager des sanctions pour les personnes qui se rendent coupables de cette situation.
Le parti d'Alpha Condé est réputé être proche du parti socialiste français. Est-ce qu’il ne faudrait pas voir de ce côté-là pour tenter de dénouer la crise ?
Je conteste toute tentative d’Alpha Condé de faire penser qu’il continue d’avoir une complicité ou un soutien de la part du Parti Socialiste. Nous avions effectivement des relations bonnes compte tenu d’un vieux compagnonnage, mais le comportement qu’il a depuis deux ou trois ans change naturellement la donne. Alors, il peut toujours rappeler les choses qui ont eu il y a quelques années mais depuis, il a changé lui-même la donne.
Il est indispensable que les guinéens trouvent la voie du dialogue, libérer l'ensemble des prisonniers politiques. Et trouver une solution pour faire en sorte qu’il y ait une transition avec un processus qui soit sincère et un agenda électoral crédible et correctement surveillé. Les guinéens ont trop souffert cette année, le peuple guinéen a payé un très lourd tribut de la volonté du Président de faire un 3ème mandat en dépit de la constitution avec laquelle il a été élu.
Quand vous évoquez une transition politique, voulez-vous dire qu’on fasse table-rase des élections qui viennent de se passer en Guinée ?
Il y a besoin d’un dialogue entre les acteurs politiques. Je constate que la CEDEAO est passée au mois de mars et a dit des choses très sévères sur la liste électorale. Ce qui a même conduit le Président à repousser le scrutin de quelques semaines. Malgré cela, rien n’a été fait pour le changer. Donc, oui il y a de très forts doutes sur la sincérité de l’ensemble des scrutins qui se sont déroulés cette année.
Par conséquent, il faut trouver entre tous ceux qui mettront l’intérêt du peuple guinéen devant leurs intérêts personnels, un moyen de dialoguer pour sortir de la crise. C’est quand même assez terrifiant qu’un pays qui a tout pour réussir, depuis un an soit totalement bloqué par la volonté de son président de faire un 3ème mandat en dépit de la constitution selon laquelle il a été élu et qu’il a pris l’engagement de respecter.
Qu’on en arrive là, franchement les guinéens ont besoin de tourner cette page et d’avoir des responsables qui travaillent ensemble pour le développement. Pendant ce temps-là, des personnes souffrent, des violences sont enregistrées, beaucoup de gens quittent le pays, c’est une situation qui n’est humainement pas acceptable. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, la situation est totalement interne. Les causes ne sont pas à chercher ailleurs, elles sont internes.
La Guinée est le premier pays demandeur d'Asile en France chez les mineurs. Craignez-vous une aggravation de la situation ?
C’est évident que cela va contribuer à aggraver la situation. Si on veut que la situation ne s’aggrave pas, il conviendrait de donner l’espoir de perspective de vie honorable et digne dans le pays. Ce n’est pas le film auquel on assiste depuis un an et qui n’a pour l’objectif que de maintenir Alpha Condé au pouvoir qui permettra au pays, enfin, de profiter de ses nombreux atouts.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 30 novembre 2020 09:38
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