L’épouse de Cherif Bah parle : « C’est M. Kassory qui ose mettre son professeur en prison… »
CONAKRY-Visage serein, l'épouse d'Ibrahima Cherif Bah que nous avons rencontré à son domicile à Lambangny a fait des révélations sur l’incarcération de son mari par la justice guinéenne. Hadja Maїmouna Bah reproche au Premier ministre, Kassory Fofana d’avoir mis son professeur d’université en prison. Pour elle, son mari est accusé à tort. Interview !!!!
AFRICAGUINEE.COM : Pourriez-vous revenir sur les conditions dans lesquelles votre mari a été arrêté ?
MADAME MAIMOUNA BAH : Mon mari a été arrêté dans des conditions les plus irrégulières. Dans tout pays normal, quand on a besoin d’entendre un citoyen ou bien si on lui reproche de quelque chose, on lui envoie une convocation et le citoyen se présente honorablement. Malheureusement, ils ont outrepassé tout cela. Au lieu de venir avec une convocation, ils sont venus avec 6 pickups remplis de gendarmes et armés jusqu’aux dents. Ils sont venus à la maison, terroriser tout le monde, faire comme s’ils sont venus arrêter un criminel. Dès lors que mon mari est ici en Guinée, ce qu’il est prêt à répondre partout où on le convoque pour l’entendre sur quelque sujet que ce soit, surtout s’il ne se reproche de rien. Donc, ils sont venus, ils ont commencé par arrêter celui qu’ils ont rencontré dehors qui est son neveu. Ils sont rentrés dans la cour, ils ont arrêté son petit-frère avec toute la violence morale dont vous pouvez imaginer. Après, ils sont allés l’arrêter lui aussi et l’ont envoyé avec eux. Ils n’ont exhibé aucun document.
Votre époux est poursuivie par la justice guinéenne pour une supposée implication dans les violences postélectorales. Qu’en dites-vous ?
De toute façon, vous savez qui est mon mari et quelle personnalité il est. Je crois qu’il n’est pas du genre à faire ce dont-on lui reproche. A plus forte raison le reste. C’est de l’arbitraire, de l’injustice et vraiment des accusations fortuites.
Voulez-vous dire que les opposants sont victimes d'acharnement de la part du pouvoir ?
Vous savez que Monsieur Alpha Condé vient de s’octroyer un troisième mandat en dehors de l’avis du peuple de Guinée. On était là, les élections se sont passées normalement. Vous savez que la majorité des guinéens ont voté pour le président Cellou Dalein. La preuve : le jour même des élections la nuit, c’est tout le pays qui était en ébullition, parce que chacun savait qu’il avait voté pour lui. Donc dans la logique des choses, c’est lui qui devait gagner les élections et ils ont proclamé en avance la victoire de Cellou Dalein Diallo. Ça veut juste dire qu’Alpha Condé est mal aimé, mal élu et il veut à tout prix s’imposer. Pour qu’il s’impose, il faut qu’il neutralise le parti qui est vainqueur et qui a gagné. Sinon dans tous les pays du monde, tous ceux qui sont honnêtement élus, la première des choses à faire c’est de tendre la main aux autres, aux perdants, de prôner la réconciliation et l’unité.
Mais comme il veut s’imposer par la force, les guinéens ne veulent plus de lui, il n’a pas été élu, il ne peut qu’utiliser la force pour s’asseoir. Pour cela, il faut commencer par neutraliser ceux qui sont ses adversaires les plus légitimes. C’est un agenda qu’il a commencé à dérouler il y a longtemps, depuis le début de l’année avec sa fausse Constitution et sa fausse Assemblée qui ne représentent nullement le peuple de Guinée. C’est cet agenda qu’il continue à dérouler. Il a fait ces élections présidentielles afin de se dire qu’il est élu alors qu’il n’est pas élu. Donc, c’est à juste titre et c’est fait à dessein. Mais s’il pense que cela va décourager les militants de l’UFDG ou le peuple de Guinée qui a déjà fait son choix, c’est là qu’il fait une grande erreur.
Au contraire, tout cela galvanise davantage tous les partisans de Cellou Dalein et la majorité de la population guinéenne qui n’accepteront pas cette fois-ci le vol et ils vont continuer le combat. Ce qu’il ne sait pas, il peut prendre une poignée des membres de l’UFDG, mais quelque soit la grandeur et la taille de ses prisons, il ne peut pas mettre tous les militants et sympathisants de l’UFDG dans les prisons. Ceux qui resteront dehors vont continuer à manifester et à réclamer le droit.
Comment vous vivez l’absence de votre mari ?
C’est démoralisant, surtout quand tu sais que c’est de l’arbitraire et que c’est fait justement pour créer ce chaos. C’est vraiment dommage, je suis désolée, qu’au XXI siècle qu’un pouvoir ait recours à ces pratiques d’un autre âge, pour faire valoir ce qu’il veut. Alors qu’après avoir dirigé ce pays pendant 10 ans, aujourd’hui il aurait eu d’autres arguments pour convaincre le peuple de Guinée au lieu de le faire par la force et par la violence.
Es-ce que Cherif Bah n’a pas des soucis de santé qui nécessitent un suivi régulier ?
Non, pas du tout. Mon mari n’a aucune maladie qui nécessite un traitement. Il est en bonne santé, il a un bon moral et il est prêt à répondre partout où on va l’appeler. Mais, il reste sur sa position, il va combattre pour la démocratie dans ce pays.
Parlez-nous de sa condition de détention ?
Il n’y a pas de conditions extraordinaires dans nos prisons à plus forte raison dans nos lieux de détentions provisoires. Il est là-bas comme tous ceux qui sont détenus, il n’y a pas de condition particulière.
Avez-vous rencontré votre mari ou échangé avec lui depuis sa détention ?
Je le rencontre tous les jours et j’échange avec lui.
Quel est son moral ?
Son moral est très bon. Quand on ne reproche de rien, il n’y a pas raison que ton moral soit entamé. Il est en accord avec sa conscience, son combat donc il n’a vraiment aucun problème. Il est serein et il est prêt à affronter toutes les difficultés qui vont se présenter devant lui mais il est prêt à continuer son combat.
Qu’envisagez de faire ?
La justice suit son cours, malheureusement nous savons ce qui est notre justice. Nous allons voir jusqu’où ils veulent aller et après on verra.
Votre dernier message ?
Je voudrais lancer un message à Alpha Condé, pour lui dire qu’il s’est trompé de route. Quand quelqu’un veut diriger un pays, il ôte le manteau d’opposant. Il devient président, il aura à gagner qu’en réunissant les guinéens. En mettant tous les guinéens au même niveau et en cherchant à faire le bonheur des guinéens. Même s’il regarde derrière lui, je peux dire que son bilan n’est pas élogieux ne serait-ce que par le nombre de morts depuis qu’il est au pouvoir et surtout quand c’est les jeunes, l’avenir de ce pays qui est la première victime. Il doit revoir son agenda.
De l’autre côté, je vais rappeler au peuple de Guinée, surtout à ces dirigeants d’aujourd’hui, que mon mari n’est pas n’importe qui dans ce pays. Il a occupé de haute fonction, il a été membre du gouvernement pendant plus de dix ans, gouverneur de la Banque Centrale. Il a travaillé pour ce pays, ce qui veut dire simplement que c’est un patriote. Pour ceux qui l’ont approché savent qu’ils aiment ce pays. Il est prêt à se battre jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le bonheur de ce pays. Donc, ce n’est pas lui qui va vouloir faire du mal à ce pays. Je sais quels ont été ses efforts pendant l’attaque rebelle en 2000, il était au gouvernement. Je sais qu’est-ce qu’il a fait et je sais quel était son état d’âme.
Ensuite, mon mari a enseigné presque tous les hauts cadres de la Guinée y compris le Premier ministre. Normalement en Afrique, dans notre tradition, on a toujours du respect et de l'obéissance pour ceux qui nous ont enseigné aussi bien le coran que sur le plan intellectuel. Malheureusement, c’est Monsieur Kassory qui ose mettre son professeur d’université en prison. Ça ne répond pas à nos traditions, sans compter qu’il connait très bien qui est Cherif Bah. Il sait ce qu’il a fait pour ce pays et de quoi il est capable. Il sait pertinemment que c’est des accusations qui ne reposent sur rien. C’est de l’arbitraire, mais nous restons mobilisés. Nous n’avons pas peur, nous ne serons jamais intimidés parce que nous savons que la lutte que nous menons, c’est une lutte patriotique et c’est une lutte pour le bonheur du peuple de Guinée.
Interview réalisée par Bah Aїssatou
Pour Africaguinee.com
Tél : (+224) 655 31 11 14
Créé le 14 novembre 2020 10:56Nous vous proposons aussi
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