Témoignage choc d’Antoine Béavogui : « Comment j’ai été enlevé… »

Antoine Béavogui

MACENTA-Le leader du mouvement Génération consciente de Macenta, Antoine Béavogui, s’est confié à notre correspondant sur les circonstances de son enlèvement le jeudi 3 septembre 2020 jusqu’à sa libération. Selon son témoignage, après la manifestation, il est rentré à la maison pour se reposer. C’est ainsi qu’il a reçu l’appel d’un de ses amis lui suppliant de quitter la ville de Macenta. Sa mésaventure a commencé là. Son récit frise le scenario d'un film hollywoodien.  


«J'ai un de mes amis qui m’a appelé et m'a dit Antoine : pour l’amour de Dieu, je veux que tu quittes la ville d’abord. J’ai appris qu’il y a des agents secrets qui sont venus, ils vont t’arrêter. J’ai pris mon bain, après, j’ai appelé le commandant de peloton de la police de Macenta en lui demandant où il était. Il m'a dit qu’il est au deuxième bureau (dans un bar, Ndlr). Je lui ai dit de m'inviter. Il m’a dit de le rejoindre.  Mon oncle aussi m’a appelé de Conakry pour savoir où j’étais. Je lui ai dit que le commandant m’a invité à boire, je vais là-bas. Il me dit mais tu es fou. Après une telle manifestation, tu dois rester tranquille. S’il faut même changer de domicile. Je ne l’ai pas écouté. Je suis parti à Bamala au bar. Dès que je suis rentré au salon, j’ai vu mon oncle Kolié qui était en tenu. J’ai vu un gendarme qui était en civile, lui, je ne le connais. Mais, j’ai constaté de nouveaux visages que je n’ai pas l’habitude de voir à Macenta. Donc, je me suis dit au fond e moi que ce sont des renforts qui sont venus. J’ai eu peur et je suis sorti par la deuxième porte pour quitter les lieux. Arrivé juste au niveau du goudron, j’ai vu une voiture Land-cruiser tout blanc, sans plaque. Je suis venu m’arrêter à côté du véhicule, sans savoir que ce sont ces mêmes personnes qui me suivaient.

J’ai un cousin qui m’a appelé pour me dire, ton oncle vient de m’appeler qu’il te conseille de rester tranquille tu ne comprends pas. De là, je suis parti à la maison, j’ai pris quelques complets pour partir à  Bamala. Pour ne pas éveiller les soupçons, j’ai évité de passer par la grande rue. J’ai pris la corniche. J’ai donné mon sac à un ami en lui demandant de partir devant me chercher un taxi pour Nzérékoré. A Zoumodou, il m’a dit qu’il y a une voiture qui est prête tout de suite. Je suis venu. Arrivé à la station, j’ai vu la même voiture Land-cruiser que j’avais vue à la sortie du bar. Mais, je n’ai rien soupçonné. Le chauffeur a carburé. Nous sommes partis. Et je n’ai plus revu la voiture derrière nous. C’était à 17h. Je n’avais informé personne, même ma maman que je partais. Arrivé à Nzérékoré, il était 20h, j’ai déplacé un mototaxi pour me déposer à Gbahana. En face du lycée Alpha Yaya, je vois la voiture qui nous suivait avec un policier qui était derrière. Un moto taxi est venu vers nous. Il a joué au semblant en disant à celui-ci, j’étais en train de te signaler depuis la scierie, pourquoi tu refuses de t’arrêter ? Le temps pour moi de lui demander la raison, à ma grande surprise, je revois la Land-cruiser qui vient garder auprès de nous. Et d’un coup, ils ont mis quelque chose d’électrique sur moi. J’ai crié et j’ai complètement perdu connaissance. Ça, c’était vers 21h», explique Antoine Béavogui.

Poursuivant, il souligne que ce n’est que le lendemain, vendredi dans les environs de 10h qu’il a repris conscience, enfermé dans une chambre. « Quand je me suis réveillé, j’ai vu 3 personnes en veste. Mais, il y a un parmi eux qui avait un accent étranger soit ivoirien ou béninois. Ils m’ont demandé c’est toi Antoine, j’ai dit oui. Ils m’ont dit ce n’est pas pour te faire du mal, on veut juste causer un peu avec toi pour juste éclaircir certaines choses. Et si tu acceptes de collaborer, tu vas bien rentrer chez toi. On ne va pas nous présenter à toi. Je leur ai demandé où nous sommes. Ils n’ont pas accepté de me le dire. Ils m’ont demandé qui est derrière toutes ces manifestations que nous organisons à Macenta ? Je leur ai répondu tant qu'ils ne me diront pas pourquoi ils m’ont envoyé jusqu’ici, et tant que je n’informe pas mes parents que je suis dans leurs mains, je ne peux rien dire. Ils me disent pour un début, on pensait que votre marche était pacifique et citoyenne. Mais à partir du moment qu’on a entendu dans tes propos que tant que vos revendications ne sont pas satisfaites, il n’y aura pas d’élection, pas de campagne, c’est là on a su que vous êtes soutenus par quelqu’un. Vous commencez maintenant à rentrer dans une affaire politique. On nous a d’ailleurs dit que vous êtes manipulés par les politiciens et que parmi vous, il y a de gens du FNDC.

Je leur ai fait savoir que nous ne sommes pas manipulés par les politiciens. Ils m’ont présenté une photo de 3 de nos amis dans laquelle se trouve le journaliste Kanté. Ils me disent : pendant toutes vos 3 manifestations, le journaliste là est avec vous. Qui vous finance alors pour que vous payiez ce journaliste. Je leur ai expliqué que Kanté, est un fils de Macenta. Il était là pour un séjour. A chaque fois qu’on organise une manifestation, il vient. Pas en tant que manifestant, mais en tant que journaliste pour faire des reportages. Sur la photo, il y avait Moussa Doukouré aussi. En sortant, ils m’ont demandé si je veux manger. Je leur ai répondu que ne les connaissant pas, ils ne peuvent rien me donner que je puisse je puisse accepter. Ils m’ont envoyé une cannette de jus et deux pommes. J’ai mangé la pomme puisque j’avais faim.

Ils ont un objet électrique, dès que ça te touche ça ne prend même pas une minute, tu deviens inconscient. Le samedi deux sont rentrés pour me dire comme tu refuses de négocier, de dire la vérité, il n’y a pas de problème. Pendant qu’ils disaient ça, le troisième est rentré pour dire aux autres que le boss dit de le libérer. Ce jour, nous nous sommes embarqués dans la voiture, mais cette fois-ci, ils ne m’ont pas fait du mal. Ils ont juste bandé mes yeux.

Dans la voiture on causait ensemble, ils me demandent ce qui nous pousse à revendiquer sur les problèmes de Macenta. Je leur ai un peu expliqué nos revendications, nos réunions avec les autorités. Arrivée à un niveau, ils m’ont laissé dans la voiture, ils ont fermé les quatre portières pour rentrer dans une pâtisserie. Ça, c’était maintenant en ville. C’est là où j’ai su que c’était Kankan. Parce que quand ils sont rentrés dans le véhicule, un a dit à son ami, ça c’est la pâtisserie de Bouréma Condé. Et moi, j’ai étudié à Bamako donc, quand je partais là-bas, c’est à Kankan je faisais escale et j’ai toujours vu la pâtisserie là. C’est comme ça je suis resté jusqu’au lundi à 23h, ils m’ont déposé dans une plantation de manguier. Ils sont partis en me remettant mon téléphone. J’ai pu enlever la bande et je me suis retrouvé dans l’obscurité. Ce n’était pas loin de la route. C’est comme ça j’ai appelé, Mamadi Onivogui à qui j’ai tout expliqué et il m’a dit de rentrer. Je me suis dit que j’étais sur écoute c’est pourquoi j’ai changé de puce’’, confie-il rassurant qu’il n’avoir pas subi de torture. 

Malgré sa mésaventure, Antoine n’entend pas renoncer à son combat. Il se dit aussi réconforté par l’attitude de ses amis. « Je pense que c’est grâce à eux que j’ai été relâché. Sinon, j’aurai pu me retrouver quelques parts dans une situation inconnue. C’est un atout pour moi de m’engager, une fois de plus, dans ce combat. J’ai appris qu’ils ont envoyé des machines pour faire le reprofilage, mais ce n’est pas ce que nous avons demandé. Nous allons manifester pour leur dire que ce n’est pas ce que nous avons demandé. Nous voulons du bitume», dit-il.

 A sa libération, Antoine dit avoir pris contact avec son avocat Me Salif Béavogui qui, précise-t-il l’a rassuré que des enquêtes seront diligentées par rapport à son enlèvement.  

SAKOUVOGUI Paul Foromo

Correspondant régional d’Africaguinee.com

A Nzérékoré.

Tél: (00224) 628 80 17 43

Créé le 9 septembre 2020 13:08

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