Le Premier ministre malien tente de séduire l’opposition

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Le Premier ministre Boubou Cissé a lancé mardi un «appel sincère» aux opposants pour qu’ils rejoignent le gouvernement d’union nationale.


Le Premier ministre malien Boubou Cissé s’est lancé mardi dans une opération de séduction de l’opposition, affirmant qu’elle était «fortement désirée» au sein d’un gouvernement d’union nationale, avant de se déplacer jusqu’au domicile de la figure de proue du mouvement de contestation, l’imam Dicko.

Il n’était pas possible de savoir mardi soir si le chef du gouvernement, 46 ans, était parvenu à faire bouger les lignes, à l’issue d’une journée mal commencée pour ceux espérant une fin rapide de la crise socio-politique qui ébranle depuis juin le Mali et préoccupe de plus en plus la communauté internationale.

Dans la matinée, le Mouvement du 5-juin (M5-RFP), coalition hétéroclite d’opposants politiques, de chefs religieux et de membres de la société civile, a fait savoir qu’il réclamait «plus que jamais» la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit «IBK», au pouvoir depuis 2013. Le mouvement réitérait aussi son rejet du plan de sortie de crise de la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), entériné lundi par un sommet de ses 15 chefs d’États et soutenu par le Conseil de sécurité de l’ONU.

«Appel sincère» aux opposants

Le Premier ministre a tendu la main aux opposants après avoir présidé le premier Conseil des ministres de son «gouvernement restreint», constitué lundi soir autour de six ministères régaliens (Défense, Justice,…), dont la première tâche est d'«aller très rapidement vers la mise en place d’un gouvernement d’union nationale». Il a lancé un «appel sincère» aux opposants pour qu’ils rejoignent ce «nouvel attelage». «Ils sont attendus et même fortement désirés», a-t-il dit.

Le M5-RFP et l’imam Dicko, qui n’en fait pas officiellement partie et conserve sa liberté de parole, se sont concertés dans l’après-midi. En début de soirée, le Premier ministre, vêtu d’un boubou blanc et accompagné de cinq gardes du corps, a eu un tête-à-tête d’une heure avec l’influent chef religieux à son domicile, dans le quartier de Badalabougou, à côté de la mosquée où il officie, selon un correspondant de l’AFP.

Boubou Cissé «a demandé à l’imam de s’impliquer pour que les acteurs du M5-RFP acceptent la main tendue du chef de l’État en rejoignant le gouvernement d’union nationale, en privilégiant le dialogue comme solution incontournable de sortie de crise», a déclaré à l’AFP le directeur de la cellule de communication du Premier ministre, Boubou Doucouré. L’imam n’a pas fait de déclaration à l’issue de la rencontre.

«Union sacrée»

Les dirigeants de l'Afrique de l'Ouest, qui ont appelé à une «union sacrée» des Maliens, craignent une répétition du scénario de 2012. Un coup d’État avait alors favorisé la prise de contrôle du nord du pays par des groupes djihadistes, qui auraient pu étendre leur mainmise sur l’ensemble du Mali sans une intervention internationale à l’initiative de la France, qui se poursuit. Les violences djihadistes, souvent mêlées à des conflits communautaires et à du banditisme, se poursuivent et se sont même étendues depuis 2015 au centre du Mali et aux pays voisins, Burkina Faso et Niger.

Le Mouvement du 5-juin reproche aux dirigeants africains de voir dans la crise actuelle un «simple contentieux électoral» relatif aux législatives de mars-avril. Il regrette aussi que les recommandations de la Cédéao «ne tiennent pas compte de la profondeur et de la gravité de la crise» et des attentes de la population.

Si elle a été déclenchée par l’invalidation par la Cour constitutionnelle d’une trentaine de résultats des dernières législatives, la crise actuelle s’enracine dans un climat d’exaspération nourri par des années d’instabilité sécuritaire dans le centre et le nord du Mali, le marasme économique ou une corruption jugée endémique. Le 10 juillet, la troisième grande manifestation contre le pouvoir avait dégénéré en trois jours de troubles meurtriers à Bamako, les pires dans la capitale depuis 2012, qui ont fait entre onze et 23 morts.

«Sanctionner IBK»

Pour sortir de l’impasse, la Cédéao a réclamé une «commission d’enquête» sur ces violences, la «démission immédiate des 31 députés» contestés, une «recomposition rapide de la Cour constitutionnelle» et la formation d’un «gouvernement d’union nationale» incluant l’opposition.

Mais les dirigeants de l’organisation ouest-africaine, dont le président Keïta est un pilier, ont exclu un départ forcé du chef de l’État malien, «ligne rouge» infranchissable pour la communauté internationale. Pour le M5-RFP, les solutions prônées par la Cédéao «reposent sur des approximations très improbables telles que la démission hypothétique de députés» ou «l’injonction» de nommer «aux forceps» une nouvelle Cour constitutionnelle.

L’organisation régionale, estime l’opposition malienne, devrait plutôt sanctionner la «mauvaise gouvernance» du président Keïta et mettre fin à la «protection dont ses pairs semblent le couvrir». «On pensait qu’ils avaient arrêté d’être un syndicat de présidents» mais ils «ont ignoré les vrais problèmes des Maliens», regrettait mardi un étudiant de l'université de Bamako, Yaya Ouattara.

AFP

Créé le 29 juillet 2020 08:36

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