Mamou : le Bafing à l’abandon, un joyau fluvial en voie de disparition…
MAMOU-Autrefois grand site touristique de la préfecture de Mamou, le Bafing un joyau fluvial est aujourd’hui en voie de disparition. Situé à une vingtaine de kilomètres de la ville carrefour, sur la nationale Mamou-Dalaba, ce confluent du Bakoye qui donne naissance au fleuve Sénégal n’est plus que l’ombre de lui-même. Il ne préoccupe plus les autorités. Par manque d’entretien ce fleuve situé dans la sous-préfecture de Tolo, a perdu de sa superbe d’antan. Même en saison des pluies, ce fleuve présente une image méconnaissable. Le niveau des eaux laisse à désirer. Un signe révélateur de sa dégradation très poussée. Et si rien n’est fait, le pire risque de se produire.
A maints endroits tout au long de la source du fleuve, on remarque la présence de jeunes venus se divertir. Entre visiteurs venus pour faire des séances photos, consommateurs de chanvres indiens et petits groupes de concubins, on voit tout. La concurrence est rude. Ce havre de paix est désormais pris en otage. Une situation qui inquiète les autorités locales.
Interrogé sur cette situation, le maire de la commune rurale de Tolo, Elhadj Thierno Madiou fustige les comportements des jeunes qui ont transformé ce fleuve en de débauche et demande l’appui de l’Etat pour sauver le Bafing qui au-delà d’être un fleuve, est un symbole pour Mamou voire même pour la Guinée.
« Le fleuve Bafing prend sa source à Morodé appelé encore Sala- mayo. Il traverse la sous préfecture de Tolo pour s’étendre jusqu’à vers Mauritanie puis au Sénégal là-bas. Une organisation de la Guinée, du Sénégal et du Mali appelée (O MVS), se charge de sa mise en valeur, mais le projet ne touche pas la source chez nous ici. Ils sont ailleurs et oublient la source. Mais on les a alertés. C’est vrai que les jeunes avaient pris ce lieu comme un lieu de débauche mais on lutte contre ça. Ils viennent fumer la drogue ici, boire de l’alcool et pleins d’autres mauvaises habitudes. On a informé les services de sécurité. Ils viennent faire des patrouilles ici. Car ces comportements ne sont acceptables par personne. Combien se sont noyés ici ? Les accidents sur la route on n’en parle pas. Le fleuve là pouvait bloquer toute traversée au niveau du pont par l’abondance des eaux. Mais aujourd’hui vous avez tout vu. A Sala-mayo où il prend sa source, les habitants sont en manque d’eaux. Le barrage hydro-agricole ne fonctionne plus. C’est les enfants qui viennent pour faire tout là-bas. On a tout fait mais en vain. Ils n’ont aucun forage. Et puis, il y a trop de barrage sur ce fleuve maintenant. Au niveau de l’ENAE de Tolo, il y a un autre barrage hydro agricole qui aussi ne donne plus. On a peur qu’il ne coupe par là. On demande à l’autorité de nous aider pour le nettoyage, l’entretien et tout ce qu’il faut pour préserver ce bijou pour le bien de la préfecture de Mamou. Ce lieu pouvait même remplir les caisses de la commune à travers le tourisme. Les blancs venaient ici mais ils ont cessé de venir à cause de son mauvais état», confie, inquiet le maire de la commune rurale de Tolo.
Rencontré, ce citoyen de Morodé centre où le Bafing prend sa source explique le calvaire dans lequel les habitants de cette localité vivent. Ils demandent de l’aide surtout en ce qui concerne l’eau potable. « On n’a que 3 puits pour tous le centre ici. Là aussi, l’un a complètement tari et les deux autres ne donnent pas assez d’eaux. Chaque femme n’a droit qu’à un seul bidon par jour. Le reste on puise dans la forêt. A chaque fois, les chimpanzés blessent nos enfants qui partent chercher de l’eau dans la forêt. On n’a aucun forage dans tout le district. Même les puits c’est maintenant là qu’on les a eus. Mais ça ne suffit pas. Les puits là tarissent vite et dans la forêt les animaux sauvages agressent nos enfants. On demande à l’état de nous aider à avoir de l’eau. C’est dans ce district que le fleuve Bafing prend sa source, et on a soif. Voyez-vous le paradoxe ? », s’exclame Mamadou Diouldé Bah.
Dans le secteur Salamayo où se trouve la tête de source du fleuve bafing, les témoignages sont pathétiques et les faits sont incroyables. Il faut seulement s’y rendre pour y croire. Là-bas même à ce stade du 21e siècle, il arrive des périodes où des gens creusent la boue pour se procurer de l’eau à boire. Certains témoignages glaçants.
« Je suis né ici. J’ai plus de 70ans aujourd’hui. Mais nos parents ont tout le temps lutté pour qu’on puisse avoir cette denrée de 1ère nécessité. Mais il faut dire que Dieu ne l’a pas voulu. Tous les jours des missions viennent ici. On nous a trop promis mais en vain. On a des puits qui tarissent vite. Vous avez vu que nous sommes sur un Bowal. Pendant la saison sèche, nos femmes peuvent aller creuser dans la boue pour nous trouver de l’eau. Et ça aussi, c’est après 3km de route. On n’a pas le choix. C’est ce que nous buvons et utilisons ici. On n’a aucun forage. Ce n’est pas notre secteur seulement. C’est tous le district qui n’a pas un seul forage. Le Bafing prend sa source ici. On ne peut pas aller jusqu’à là-bas mais on peut aller voir la forêt. Il n’y a pas d’entretien donc cette source ne donne plus. Le fleuve maintenant c’est en saison pluvieuse seulement qu’on peut le reconnaître. Et même ça vous avez vu maintenant. Nous on n’osait pas aller là-bas tellement que c’était mystérieux. Mais aujourd’hui, les enfants veillent même là-bas. Pour vous dire que rien n’est comme avant », a témoigné Moody Yaya Diallo.
Amadou Oury Bah renchérit : « C’est une réalité. On a besoin d’aide surtout par rapport à l’eau. Tous ceux qui viennent ici le savent. On les a montré les puits en saison sèche. On souffre énormément. Nombreux sont venus et viennent ici. On a besoin de l’eau car c’est ça la vie. On creuse dans les champs pour trouver de l’eau. C’est ce que nous buvons. En l’absence de la mère on se contente toujours de la grand-mère. L’état de la route on n’en parle pas. Car la main ne peut pas faire ce que les machines peuvent faire. On a trop lutté pour que cette route soit refaite, mais le cas qui nous inquiète de plus c’est l’accès à l’eau. Les autorités locales viennent ici, elles sont toutes informées. On fait l’agriculture et l’élevage mais le grand problème reste le manque d’eau potable », explique ce paysan.
Il faut noter que Salamayo est à 22 km seulement de la ville de Mamou. Le secteur relève du district de Morodé dans la sous préfecture de Tolo, préfecture de Mamou.
Habib samaké
Correspondant régional
D’Africaguinee.com à Mamou
Créé le 23 juin 2020 11:00Nous vous proposons aussi
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