Salif Kébé : « le Mali a organisé des élections législatives-présidentielles alors que la moitié du pays est en guerre… »

Maître Salif Kébé, Président de la CENI

CONAKRY- Les élections législatives couplées avec le référendum constitutionnel pourraient-elles avoir lieu le 15 mars prochain ? Le Président de la Commission électorale nationale indépendante vient d’apporter des précisions. Salif Kébé a dans cette interview levé un coin du voile sur la mission des experts de la CEDEAO qui est arrivée à Conakry cette semaine. 


Au micro d’Africaguinee.com, le Président de la CENI a également évoqué le sujet lié à l’organisation des élections législatives, mais également du référendum constitutionnel. 

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez rencontré ce mercredi 4 mars 2020 la mission des experts électoraux déployés par la CEDEAO. De quoi avez-vous parlé ?

SALIF KEBE : C’était une première prise de contact.  Tous les experts sont là, plus les gens qui les accompagnent.  Ils vont travailler avec les techniciens de la CENI dans les dix jours à venir. On va leur montrer  la base des données et tout. Ils vont lancer les requêtes pour voir ce qu’on leur a demandé de vérifier. Puis, ils vont rendre compte à leurs mandants. 

Le travail commencera quand ? 

Ils vont commencer le travail aujourd’hui même (Mercredi 4 mars 2020, Ndlr).  

Qu’est-ce que ces experts sont censés vérifier au juste ? 

Ecoutez, je n’ai pas leurs termes de référence. Mais ce que j’ai lu, comme vous peut-être, c’est de vérifier que le logiciel utilisé par la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) est un logiciel efficace qui remplit les conditions normales de gestion d’une base de données. Et aussi la question des 2.490.000 personnes, qu’en est-il ? Est-ce que ce sont des personnes qui existent ? Quelle est leur origine ? Certains ont tendance à croire que ce sont des fictifs, d’autres disent que c’est des gens qui devraient être radiés. Tout le monde pense quelque chose de ces électeurs. J’ai même entendu des choses ahurissantes là-dessus par des hauts techniciens électoraux. 

Est-ce que c’est un nouvel audit du fichier que ces experts électoraux vont faire ou un travail de vérification ? 

C’est un audit. Mais même si c’est circonscrit à un certain nombre de questionnements, mais c’est un travail d’audit. C’est clair. 

Mais il y a déjà eu un travail similaire de par le passé…

Mais à l’issu de cet audit de 2018, il nous a été demandé de faire un certain nombre de choses pour aller aux élections législatives de 2019. Est-ce que ces choses là ont été réalisées ? Tout cela va passer à la Moulinex pour voir est-ce que nous avons réalisé ou mis en œuvre les recommandations de l’audit de 2018. Si cela a été fait, à quelle proportion ? Si ça n’a pas été fait, pourquoi ? Est-ce que c’est une volonté délibérée de refus de la CENI ou bien c’est des impossibilités légales ? C’est des questions comme ça qui sont à répondre. 

Mais quand la classe politique ne s’entend pas sur une chose, la CENI a du mal à travailler. Et c’est le cas aujourd’hui en Guinée. C’est extraordinairement difficile. 

Nous avons appris que  si la CENI n’a pas pu extirper ces quelques deux millions d’électeurs problématiques, c’est parce que sur le plan légal elle était bloquée. Est-ce le cas ?

Le nouveau code n’a pas pu passer à l’Assemblée Nationale, mais ça c’est une chose. Parce que si la classe politique était restée attentive, on les aurait appelés tous à un Comité Inter partis pour discuter et savoir qu’est-ce qu’on fait des 2.430.000 électeurs qui ne sont pas repassés devant l’agent de recensement. Comme ça la classe politique nous aurait répondu en nous disant ce qu’il faut faire de ces gens-là : recherchez-les, améliorez votre travail, ne produisez pas leurs cartes etc. Mais la classe politique s’était divisée. L’opposition s’est retirée du processus électoral. Toute idée de réunion était devenue impossible. 

Donc, nous nous sommes retrouvés pour décider que nous CENI, nous n’avons aucune compétence d’éliminer quelqu’un. Il était plus facile de garder le statu quo que d’éliminer quelqu’un et puis se retrouver devant la justice en train de justifier pourquoi sans base légale on a éliminé telle ou telle personne. 

Est-ce que c’est après le travail d’audit des experts de la CEDEAO que la CENI en concertation avec la Cour Constitutionnelle va proposer  une nouvelle date des élections ? 

Là également ce n’est pas bien défini. Les experts ont dix jours, du 3 au 13 mars. Mais du 13 au 15 mars, nous ne pouvons pas demander aux guinéens  de se rendre aux urnes. Il faut un minimum de temps pour que les électeurs puissent se préparer. Que le dernier guinéen qui est au fin fond de la Guinée soit informé que tel jour, il doit aller voter.  Ce n’est pas en deux jours qu’on peut faire ça. Donc, si la CENI doit attendre le rapport des experts pour décider autour de la date, ça  va être compliqué. J’espère seulement qu’on aura un fin-mot avant la fin des dix jours, pour que nous puissions saisir la Cour Constitutionnelle pour demander que l’élection ait lieu à telle ou telle date. 

Donc les deux semaines de report vous semblent assez courtes ?  

Si je devais décider aujourd’hui par exemple de convoquer une plénière demain, d’ici la fin des deux semaines, on arrivera à bout. Mais s’il faut attendre que les experts utilisent dix jours dans les deux semaines, là ça devient compliqué. 

Du matériel électoral a été incendié dans certaines localités. Quel est le plan B de la CENI ?  

Il y a toujours des solutions préconisées dans ces cas-là. Mais est-que ce serait suffisant ? Est-ce que nous n’allons pas nous retrouver avec des cas de répétition ? Vous savez le Mali a organisé des élections législatives-présidentielles alors que la moitié du pays est en guerre. Ce n’est pas notre cas. Donc tant qu’on peut organiser les élections, on le fera. N’oublions pas aussi qu’il y a des partielles qui peuvent être organisées par endroit, mais nous nous battrons toujours pour remplacer le matériel détruit. Mais sachez que les élections, ce n’est comme ça qu’on les empêche. 

Comment la CENI va-t-elle travailler pour que les résultats du référendum-s’il se tient-  puissent être connus le même jour ? 

Ça c’est une colle. La CENI n’a pas les moyens techniques pour faire remonter les résultats tout de suite après l’élection. Ça se passe dans d’autres pays, mais nous n’en sommes pas encore là. Donc, je continue à croire qu’une fois qu’on aura les procès verbaux, c’est en ce moment qu’on va annoncer les résultats. Parce que la Loi dit par les moyens les plus rapides, mais nous n’avons pas les moyens les plus rapides. Les moyens que nous avons, c’est par eux que nous allons donner les résultats. 

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 4 mars 2020 16:12

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