Bah Oury se confie à Africaguinee.com : « Quand je suis arrivé au siège de l’UFDG… »
CONAKRY- Bah Oury a t-il encore changé ? Le leader de l’Union pour la Démocratie et le Développement était la semaine dernière en compagnie de Cellou Dalein Diallo et d’autres acteurs politiques. Bah Oury, cet homme politique qualifié d’atypique par certains affiche une détermination sans faille dans le combat contre le changement constitutionnel. A ceux qui se demandent pourquoi il a rejoint les rangs du FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution), Bah Oury a une réponse particulière. Sa nouvelle vision de la politique, notamment ses relations avec Cellou Dalein Diallo, le Président de l’UDD en parle également.
Bah Oury était dans nos locaux. Nous l’avons reçu et nous lui avons posé quelques questions. C’est une exclusivité Africaguinee.com !
AFRICAGUINEE.COM : Après un petit moment d’hésitation vous avez finalement décidé de rallier le FNDC dans son combat contre le changement constitutionnel. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
BAH OURY : Il n’y a pas eu hésitation. Dans la première étape, il y avait une lecture différente de la stratégie qu’il fallait mettre en œuvre. Les uns ont préféré bouder la concertation que le Président avait instruit à son Premier Ministre d’organiser, d’autres comme nous ont préféré répondre à cette invitation pour délivrer de la manière la plus claire notre message par rapport aux questions qui étaient en litige, notamment la question autour de la Constitution. Nous avions pensé que c’était la meilleure manière au lieu de privilégier une attitude de refus de rencontre, de la discussion, que les questions soient d’abord posées autour de la table. En espérant ainsi que le Président de la République en connaissance de cause prendrait les dispositions pour répondre à l’attente et aux aspirations de ceux qui veulent que la Guinée évolue dans la stabilité et dans la sécurité. Depuis lors, c’était la fin du mois de septembre que ces rencontres ont eu lieu, entretemps il a reçu le rapport du Premier Ministre. Mais depuis lors, il y a un silence autour de la promesse que le Président avait faite de s’adresser au peuple guinéen pour expliquer son point de vue par rapport à la question. Entretemps aussi il y a des actions qui sont engagées sur le terrain pour rallier d’une manière ou d’une autre un certain groupe de personnes autour de l’idée d’une nouvelle constitution.
Le FNDC à partir du 14 octobre s’est engagé également dans cette mobilisation de masse pour montrer qu’une majorité de la population ne veut pas de ce changement constitutionnel et vous avez vu les tueries, les arrestations, beaucoup de situations très dramatiques qui ont été occasionnées lors des manifestations que les forces de l’ordre ont fait avec vigueur, notamment le 14 octobre, la manière assez troublante dont les autorités ont géré les corps des 11 jeunes qui ont été tués le 14 et 15 octobre dernier. Ça du point de vu de notre histoire, de notre culture et de notre éducation, c’est quelque chose que je considère comme abominable. Jeter des gaz lacrymogènes dans la mosquée, dans le cimetière, ne pas respecter les morts, j’ai trouvé ça particulièrement très irrespectueux de nos coutumes et de ce que nous croyons au plus profond de nous-mêmes. C’est-à-dire quelqu’un qui meurt, il faut lui accorder les hommages.
Voulez-vous dire que c’est tout ça qui constitue le déclic ?
Il y a tout cela qui a joué. Entretemps il y a eu la déclaration sibylline pour engager le pays dans cette direction de troisième mandat. Donc, il va de soi qu’après le 14 et le 15 octobre, la première manifestation qui a eu lieu le 24 octobre à laquelle nous n’avions pas participé mais que nous avons salué ensuite, nous sommes allés à Dakar à l’appel de la société civile sénégalaise pour manifester notre refus d’une nouvelle constitution en Guinée et en phase avec une opinion africaine qui soutient le peuple guinéen. Ça c’était le 2 novembre à Dakar. Ensuite le 7 novembre nous avons participé à la manifestation ici Conakry, le 14 novembre également, une manifestation autorisée mais qui a été dispersée par les forces de l’ordre et à la dernière manifestation également. Peu importe le début, ce qui est important aujourd’hui, c’est que l’ensemble des forces démocratiques et citoyennes qui veulent que la stabilité de la Guinée soit assurée et que nous puissions préserver la quiétude institutionnelle et sociale de ce pays se mobilise pour dire non à cette nouvelle constitution, pour dire non à un projet qui ne ferait que créer des problèmes à la Guinée. Donc j’en suis heureux aujourd’hui que la frange la plus vaste des forces civiles et positives de ce pays indépendamment des positions politiques se retrouvent pour mener ce combat de la défense de notre constitution, parce qu’il y va de la paix et de la stabilité de la Guinée.
Ces derniers temps vous avez toujours demandé de privilégier le dialogue en fustigeant parfois les appels à des manifestations. N’êtes-vous pas en contradiction avec vous-même ?
Non il y a deux choses : la question de la Constitution est une chose ; La question des litiges entre groupes politiques par le passé est une autre chose. Mais la question sur la stabilité et l’intérêt de la Guinée dans le contexte actuel comme dans les années 2000-2001 nécessite une mobilisation citoyenne pour dire non à tout ce qui peut remettre en cause la stabilité institutionnelle de notre pays et également sa stabilité politique. En définitive mettre en cause la paix en Guinée et dans la sous-région.
Lorsque vous avez annoncé votre arrivée dans les rangs du FNDC beaucoup avaient exprimé une certaine inquiétude quant à votre entente avec Cellou Dalein Diallo. Des observateurs craignent un bicéphalisme au sein du FNDC. Qu’en pensez-vous ?
Non il n’y aura pas de bicéphalisme. L’objectif du FNDC est unique, s’opposer au changement constitutionnel, réunir toutes les forces vives de ce pays autour de cet objectif utile. Maintenant naturellement tous les partis veulent être les plus importants. Donc la rivalité entre les partis politiques, ça c’est autre chose.
Les débats d’idées entraînent forcément des contradictions…
C’est normal, il faut que les meilleures idées l’emportent pour qu’on ait les meilleures stratégies, pour qu’il y ait un coup politique et un coup humain amoindri parce que ce pays a trop souffert pour continuer à souffrir inutilement.
Il n’y a pas des guerres d’égos ?
Non, je ne suis pas dans ce cadre-là. Je ne suis pas dans une logique où je veux exprimer un certain nombre de préoccupations à titre individuel. J’ai vu suffisamment de personnes souffrir et mourir dans les combats que nous avons menés jusqu’à présent pour être à couteaux tirés sur des questions subalternes. Ce qui est le plus important, c’est que la Guinée aille dans la stabilité et la paix, vers une alternance démocratique concertée. Et aujourd’hui je viens d’une réunion au quartier général de l’UFDG, de l’ensemble des forces inscrites dans l’opposition plurielle.
Quand vous êtes arrivé au siège de l’UFDG qu’est-ce qui vous a traversé la tête ?
On est en train de faire l’histoire. Faire l’histoire c’est réprimer ses propres ‘’égos’’, voir l’intérêt du pays, mobiliser notre énergie dans ce sens. Et je pense que ce n’est pas courant dans ce pays où très souvent les gens préfèrent sacrifier la Guinée au profit de leurs propres égos. Nous, nous voulons mettre en avant la Guinée pour qu’on avance. La réunion s’est bien tenue et c’est pour dire il y a une autre manière de faire la politique dans ce pays. On peut vivre nos contradictions sans pour autant alimenter toujours la haine et puis les rancœurs. Il y a une autre manière d’exister et c’est dans ce sens comme j’ai dit l’esprit Mandela c’est comme ça que le monde avance et je veux que cela soit inscrit dans nos traditions, dans les mœurs politiques nouvelles, qu’on peut avoir des contradictions mais sans pour autant utiliser la violence, en ayant un discours, une approche qui permettent à tout moment demain ou après-demain dès que les chemin se croisent. Ainsi va la vie.
A un moment donné vous ne vous êtes pas dit « C’est moi qui devais être à la place de Cellou Dalein » ?
Non je ne suis pas dans cette logique. L’objectif est que la Guinée gagne, que la Guinée avance, que les forces positives de ce pays ne se dispersent pas à un moment où nous vivons une période très dangereuse.
S’il arrivait que vous vous retrouviez seul avec Cellou Dalein Diallo, est-ce que vous auriez par exemple un message particulier à lui délivrer. Si Oui lequel ?
Chaque chose a son temps, ne soyons pas pressés. L’intérêt de la Guinée en ce qui me concerne prime sur toute autre considération de ma propre subjectivité. J’ai une haute conscience de ma responsabilité dans le contexte actuel. C’est pour cela je fais fi de beaucoup de choses.
Donc il n’est pas exclu qu’un jour vous vous retrouviez de nouveau au siège de l’UFDG à la minière ?
Rien n’est exclu.
Qu’est-ce qu’on peut retenir de la réunion de l’opposition de ce jeudi ?
C’est une volonté nouvelle du fait du contexte qui est en train de bouger, de rassembler toute l’opposition politique pour qu’on puisse avoir la même approche, le même langage, la même dynamique pour que le pays puisse avoir dans une certaine mesure une union sacrée des forces positives pour que la Guinée évolue de manière stable. On a trop connu des aléas, des retours en arrière pour qu’on continue encore de faire comme si de rien n’était alors qu’il y a des menaces extrêmement élevées qui guettent notre pays et la sous-région. Donc c’est cela. De tous les bords politiques on devrait prendre en compte pour se rendre utile, plus responsable et beaucoup plus attentif à ce qui se passe pour ne pas être en marge de l’histoire qui est en train de s’écrire.
Est-ce qu’un changement de stratégie est envisageable selon vous ?
C’est trop tôt pour en parler mais je pense que de manière plus concertée et paisible, que l’ensemble des forces se retrouvent c’est déjà bien. Il y a des choses qui bougent, monsieur Lansana Diawara, le Président du Mouvement de la Maison des Associations qui est l’un des promoteurs des brassards rouges est actuellement au tribunal pour apporter l’expression de sa solidarité à Abdourahmane Sanoh et autres qui sont de la PECUD. Comme vous le savez il y avait des tiraillements mais aujourd’hui de part et d’autre la nature de la situation amène de plus en plus tous les responsables, qu’ils soient de la société civile, qu’ils soient politiques, des forces syndicales à prendre en compte que nous vivons des moments extrêmement importants. Donc il faut s’oublier un peu pour prendre en compte l’intérêt de tous, c’est-à-dire être beaucoup plus en cohérence avec la nécessité de se donner la main pour que le pays puisse sortir d’une période violente.
Pensez-vous à une renaissance des forces vives comme en 2006-2007 ?
Tout est possible. L’essentiel de manière posée, structurée et concertée, capitalisons sur les erreurs que nous avons connues sur des dizaines d’années pour permettre à la Guinée d’avancer et de réussir un cap très important pour son histoire.
Aviez-vous parlé des prochaines consultations électorales ?
L’objet de la réunion c’était surtout pour échanger sur les contours de l’ensemble du processus électoral en cours et je pense que la déclaration du chef de file de l’opposition est tout à fait explicite.
Serez-vous candidat lors des prochaines élections ?
Insha’Allah l’UDD a une ambition d’être présente aux prochaines élections nationales, législatives et présidentielles.
Quelle va être la touche de Bah Oury ?
Vous êtes en train de voir la touche de Bah Oury quotidiennement. Chaque chose a son temps.
Quelles sont les circonscriptions que vous visez ?
Chaque chose a son temps.
Un dernier mot ?
Je crois à l’avenir malgré que la situation soit difficile, j’espère que le Président Alpha Condé sera beaucoup plus attentif à l’appel de son peuple qui veut la sérénité et le calme et qui veut d’une vraie alternative démocratique. Je souhaite que le Président Alpha Condé soit l’artisan du processus qui permettra une alternance démocratique en Guinée. ça lui permettra de sortir par la grande porte et d’être de ce point de vue un personnage qui restera dans l’histoire de la Guinée comme celui qui a ancré la Guinée dans le processus irréversible de la démocratisation.
Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 655 31 11 11
Créé le 2 décembre 2019 10:47Nous vous proposons aussi
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