Le Sabre d’Elhadj Oumar Tall rendu au Sénégal : Qu’en disent les autorités guinéennes ?
CONAKRY- L’engagement du Président français Emmanuel Macron à rendre les œuvres spoliées par la France à ses anciennes colonies commence déjà à faire tâche d’huile ! Le sabre du marabout et résistant du XIXe siècle, Elhadj Oumar Tall, jusqu’ici exposé au musée des Invalides à Paris vient d’être restitué au Sénégal, au grand dam de la Guinée.
Pour les autorités en charge du Patrimoine Historique de la Guinée, le Sénégal a anticipé sur la Guinée pour s’approprier ce sabre chargé d’histoires. C’est du moins ce que soutient Aboubacar Sidiki Condé, le Directeur National du Patrimoine Historique Guinéen.
‘’ Pour le cas du sabre d’Elhadj Oumar, c’est une anticipation que le Sénégal a faite (…), c’est une question de procédure, celui qui anticipe très souvent peut avoir un avantage » dit-il, avant d’ajouter : « La question demeure parce que nous avons participé à une réunion sous régionale où le débat avait été posé. Nous avons dit à l’interne qu’il n’est pas opportun de dire qu’un vestige appartient, au Mali, au Sénégal ou bien à la Guinée », a-t-il confié.
El Hadj Omar Tall est un érudit musulman de la confrérie des Tidianes dont il est le guide. Vaillant guerrier, il combattit les troupes françaises de 1857 à 1859 avant la signature d’un traité de paix en 1860. Il disparut mystérieusement dans les falaises de Bandiagara, au Mali en 1864.
Le Président Sénégalais Macky Sall s’est réjoui de la restitution de ce sabre chargé d’histoire.
« Je me réjouis de la restitution historique du sabre d’El Hadj Omar Tall. Un symbole mythique de la résistance d’un grand érudit. Cette restitution ouvre une ère nouvelle, sur le plan culturel, entre la France et nos États, dans le cadre du rapatriement du patrimoine africain », a lancé le président Sénégalais.
Les autorités guinéennes elles ne semblent pas vouloir engager des polémiques. Car selon elles, ce qui importe dans le contexte actuel, c’est le retour des biens spoliés à l’Afrique par l’ancien colon. « Ce qui compte d’abord c’est le retour et après on verra. Même au jour d’aujourd’hui la Guinée a plein d’archives au Sénégal (…) Il y a des biens qui ont été pris chez nous et qui sont amenés dans la métropole et qui sont considérés comme sénégalais. A l’époque c’était Dakar qui était considérée comme étant la capitale de l’Afrique Occidentale Française (AOF). Et à ce titre il couvrait toute la sous – région y compris notre pays », a relativisé Aboubacar Sidiki Condé, le Directeur National du Patrimoine Historique Guinéen.
Il explique que les biens qui ont été spoliés à la Guinée et envoyés à Dakar sont des biens de l’AOF (Afrique Occidentale Française). Après les Indépendances, ces biens ont été considérés comme des biens Sénégalais. Selon Aboubacar Sidiki Condé, le retour du patrimoine africain vers les anciennes colonies est un programme sous régional que l’Afrique de l’Ouest voudrait mener ensemble.
A date, précise le Directeur National du Patrimoine Historique, le Sénégal peut revendiquer dans un premier temps la paternité de cette propriété mais prévient-il, c’est un débat scientifique et juridique qui va se poser après. ‘’ Nous allons demander tout d’abord comment le sabre est arrivé à Paris et à partir de quelle époque il a été enlevé et à partir d’où ? La réponse est à trouver ultérieurement. Cette recherche est en cours et les informations futures nous permettront de faire des revendications judicieuses afin de nous remettre sur nos droits des plus légitimes. Toutefois, des dispositions sont en train d’être prises chez nous. Mais à chaud, le débat sur la propriété n’est pas encore opportun », explique Aboubacar Sidiki Condé, qui estime qu’une guéguerre entre Africains n’est pas responsable au moment de la restitution desdits biens sur le continent.
D’après lui, un travail de fond est en train d’être réalisé et qu’à temps opportun la Guinée va brandir des arguments scientifiques et juridiques pour revendiquer sa paternité sur cette œuvre. « En tout état de cause l’histoire nous apprend que l’on dit souvent que la communauté des Toucouleurs, dont est issue,Elhadj Oumar est venue du Sénégal, mais c’est à cheval. Vous savez le découpage colonial nous a causé assez de préjudices (…). Ce sont des régions qui se trouvent en partie en Guinée, au Sénégal et au Mali, c’est cela le problème’’ a-t-il expliqué. Aux dires d’Aboubacar Sidiki Condé, ce débat n’est pas tranché.
‘’ Nous sommes en train de créer un Comité National pour la restitution des biens culturels de la Guinée au niveau du Ministère pour faire la lumière sur tous les biens spoliés dont nous disposons en France. Une mission se rendra bientôt à Paris à cet effet », a précisé le Directeur National du Patrimoine Historique en exclusivité au micro d’Africaguinee.com.
BAH Boubacar LOUDAH
Pour Africaguinee.com
Tél. (+224) 655 31 11 13
Créé le 18 novembre 2019 18:03Nous vous proposons aussi
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