Drame à Monrovia : Témoignage d’Abdoul Aziz Diallo, un des rescapés de l’incendie…
MONROVIA- C’est un témoignage qui frise l’insoutenable ! Abdoul Aziz Diallo, l’un des cinq rescapés du gigantesque incendie qui a décimé le centre de mémoration du Coran au quartier RedLight à Monrovia, revient sur la nuit noire du 17 septembre 2019. Le jeune homme âgé de 24 ans que nous avons interrogé est encore sous le choc.
Originaire de Gaoual, Aziz Diallo est parti au Liberia en 2017 pour poursuivre ses études coraniques. C’est dans une grande émotion qu’il a accepté de nous livrer son témoignage sur le drame qui a coûté la vie à au moins 28 guinéens, la plupart des enfants…
« C’est difficile d’expliquer ce qui s’est passé dans cet incendie surtout lorsqu’on pense à toutes ces âmes qui ont péri dans ces feux sans pouvoir échapper. On aurait voulu éviter ce feu, mais ça n’a pas été le cas. C’est seulement quelques personnes qui ont échappé. Les choses se sont passées très vite. Nous étions tous dans un sommeil profond entre minuit et 1 heure du matin quand j’ai été réveillé par les appels de détresse d’un ami du nom de Mamadou Aliou Sow. J’ai entendu mon nom Abdoul Aziz, Abdoul Aziz, feu ! Feu ! Feu ! Du coup j’ai sursauté lui et moi nous avons foncé en vitesse vers la porte du couloir de la maison. Nous avons enlevé le crochet de la porte pour nous retrouver dehors sans aucune égratignure. Quand nous sortions toute la toiture et le plafond étaient en flamme avec une allure qui ne dit pas son nom. Nous sommes sortis avant que le toit ne retombe sur le bâtiment.
Une fois dehors, nous avons crié au secours. Quelques-uns au nombre de 3 se sont réveillés pour foncer vers la sortie. C’était 3 garçons, l’un a été victime de brulure au niveau de la tête et aux pieds, l’autre au niveau des bras, le troisième a eu des brûlures partout avec des ampoules qui se sont formées sur son corps. Seulement 5 parmi nous sont sortis. À notre sortie j’ai entendu les cris de certains enfants. Quelques instants après, on n’entendait personne. C’est le crépitement du feu qui se faisait entendre. La fumée a affaibli les gens avant même que le feu ne les atteigne.
Personne n’a compris d’où est parti le feu. A notre réveil tout le bâtiment était en flamme avec une force énorme, surtout au niveau du couloir, au plafond, à la porte d’entrée, il y avait une épaisse fumée. Je peux vous dire que le feu avait avalé plusieurs pièces de la maison quand mon ami s’est rendu compte avant de me réveiller. Là où il y avait nos chambres par là-bas il y a une seule sortie, les autres sorties c’est par derrière. C’est de ce côté où se trouve le logement de l’imam de la mosquée et sa famille. Le bâtiment compte en tout 6 chambres.
Nous les talibés avec notre maitre coranique occupions 4 chambres de l’autre côté. L’imam et sa famille occupaient les deux autres chambres. Ce qui fait 6. C’est l’unique bâtiment qui a brûlé, la mosquée était à côté mais les secours ont réussi à empêcher le feu de la toucher. Dans notre bâtiment le feu était plus fort, tout a été réduit en cendre avec les vies humaines.
L’imam Mamadou Lamine Barry aussi a pu échapper avec sa famille par derrière. Ses deux femmes et de petits enfants sont sortis. L’imam a été bloqué un moment dans la maison parce que le feu avait pris la porte entière, il a fallu qu’il prenne un pardessus pour se couvrir afin de pouvoir traverser le feu et sortir. Ils sont tous sous le choc. Mamadou Aliou Sow qui m’a réveillé, depuis qu’il a vu le drame, il n’a pas parlé jusque maintenant. Même quand vous lui adressez la parole, il vous regarde sans parler.
Nous étions déjà une famille mais le feu a décimé cette famille que nous composions y compris notre maitre coranique Oustaz Amadou Oury Bah qui était le seul marié parmi nous. Nous les survivants sommes sous le choc. Nous avons eu une leçon qui va nous hanter toute la vie. Assister à la mort de toutes ces personnes avec lesquelles on partageait tout est difficile à oublier. Avec ce qu’on a vu, notre foi s’est encore une fois consolidée de plus. Nous demandons aux parents des élèves décédés de s’en remettre à la volonté de Dieu et de se consoler ».
Propos recueillis par Alpha Ousmane Bah
Pour Africaguinee.com
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Créé le 23 septembre 2019 14:27