Bantama Sow : « Personne ne peut parler au nom du Peuple… »

Sanoussi Bantama Sow, Ministre de la Culture, des Sports et du Patrimoine historique

CONAKRY- les partisans du Président Alpha Condé affichent une détermination sans faille pour l’organisation d’un référendum. Malgré les critiques de l’opposition, le parti au pouvoir tient à l’adoption d’une nouvelle Constitution.


Sanoussi Bantama Sow, l’un des « inconditionnels » du Président Alpha Condé revient ici sur les motivations du RPG Arc-en-ciel en ce qui concerne le projet de référendum. Le Ministre guinéen de la Culture, des sports et du patrimoine historique revient également sur les prochaines consultations électorales qui pourraient se tenir avant la fin de cette année. Exclusif !!!

 

AFRICAGUINEE.COM : Quels sont les arguments du RPG Arc-en-ciel pour convaincre les guinéens à adhérer au projet de nouvelle constitution ? 

SANOUSSI BANTAMA SOW : D’abord je vous remercie et je remercie le site Africaguinee qui fait aujourd’hui du bon boulot et qui a réussi à se faire une place sur le terrain médiatique en Guinée.

En tant que responsables du parti nous sommes en train aujourd’hui de nous battre pour qu’il y ait une nouvelle constitution.  Je crois que ça fait partie de la mission qui a été confiée au Président de la République, Président fondateur du RPG. En 2010, avant d’aller aux élections présidentielles, c’était une recommandation faite à tous les hommes politiques du pays en disant qu’après les élections, n’importe quel candidat qui serait élu, devrait soumettre une constitution. Parce que la constitution en vigueur avait été rédigée par le CNT (Conseil National de la Transition, Ndlr), qui n’a pas été soumis au suffrage universel. Donc, il fallait nécessairement soumettre ça pour que le peuple entérine. Parce qu’on fait les lois pour le peuple. Personne n’est au-dessus du peule, c’est le peuple qui doit décider et dire voilà le chemin que nous devons emprunter. Donc un petit groupe ne peut pas se retrouver sous des climatiseurs faire des lois et dire que c’est pour tout le monde. Même si c’est cette loi qui est en vigueur aujourd’hui, il faut nécessairement la soumettre au peuple de Guinée, pour qu’il se prononce. C’est pourquoi nous pensons quelque soit le temps que le président fera, même s’il doit partir en 2020 ou même avant 2020, mais nous serions très heureux demain de dire que notre parti a contribué à mettre sur pied la constitution en vigueur et la soumettre au peuple de Guinée qui est le seul souverain. 

Quels pourraient être vos arguments ? 

C’est ce que je viens de vous expliquer. La première des choses, quand tous les hommes politiques se sont retrouvés à Ouagadougou, on avait dit que la loi en vigueur n’était pas celle qui avait été soumise au peuple de Guinée. Mais même si la loi en vigueur était mauvaise, il fallait l’utiliser pour sortir de la transition et mettre le pays sur les rails, après la revoir. C’est ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui. Et quand vous parcourrez la constitution, je ne suis pas juriste, je suis un citoyen guinéen, mais quand je vois ce qui se passe aujourd’hui, même l’application de certains textes dans le pays pose problème. Je prends l’exemple sur vous de la presse, ce sont les journalistes de la presse qui se sont retrouvés au CNT et qui ont écrit la loi en leur faveur. C’est pourquoi on dit qu’un journaliste peut faire ce qu’il veut, on ne peut pas mettre la main sur lui pour le traduire en justice. C’est les Thierno Soulyemane qui ont écrit.  Quand vous prenez certaines lois qui concernent la justice, c’est les juges, avocats et Hommes de loi qui étaient au CNT qui avaient écrit les textes de loi. Si chacun écrit la loi en sa faveur, le cultivateur, le paysan qui est à Yomou ou ailleurs qui n’étaient pas représentés au CNT sont défavorisés. C’est pourquoi nous avons dit qu’il faut revoir tout ça, et voir qu’est ce qui est bien pour la Guinée. Aujourd’hui, il y a combien d’institutions républicaines qui apportent quoi en réalité ? La Cour des comptes, la Haute Cour de la magistrature, la Cour suprême, il y a tellement d’institutions républicaines.  Est-ce que le budget de la Guinée peut supporter tout cela ? Tandis qu’il y a plein de priorités.  

Les gens doivent savoir que la Guinée ne peut être du jour au lendemain comme la démocratie américaine ou la démocratie française. Il faut aller pas à pas. Ce n’est pas ce qui est vrai en France qui peut être vrai en Guinée. Nous devons faire des lois en tenant compte de nos coutumes et notre éducation pour que chacun se sente concerné. C’est pourquoi même pas en tant citoyen, il faut nécessairement qu’on revoit cette constitution. Je ne dirais pas qu’elle est mauvaise parce qu’elle nous a permis de traverser une période sensible, la période des militaires.  Ça nous a permis d’aller aux élections et d’amener l’armée dans les casernes.  Il faut reconnaître cela mais il faut la revoir, la soumettre au référendum populaire pour la rendre crédible. Il faut la soumettre au peuple pour qu’il se prononce. 

Justement puisque vous parlez de démocratie américaine ou française, les Etats-Unis ont exprimé leur position sur le referendum en Guinée en indiquant qu’ils soutiennent l’alternance démocratique. Qu’en pensez-vous ? 

Qu'est-ce que ça veut dire l’alternance ? Vous voulez que le RPG quitte et que l’UFDG vienne ? Non, ce n'est pas possible ! L’alternance, nous dans notre vision c'est de permettre au RPG de rester au pouvoir tant que nous sommes là. C'est de faire comme l’ANC. Alpha Condé va faire son temps, après lui un autre du RPG viendra.  On a eu l’occasion de le dire plusieurs fois. Maintenant, les autres pensent quand on dit l’alternance, c’est pour que Alpha Condé et le RPG quittent pour qu’ils viennent. 

Deuxièmement, la Guinée est un pays souverain. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de quelqu'un. Les Etats-Unis c'est un pays démocratique mais là-bas chacun connait son rôle et sa place. Pour que les Etats-Unis sont ce qu’ils sont aujourd’hui, ils ont traversé beaucoup d’étapes. Nous connaissons la ségrégation raciale que certains leaders noirs qui ont vécu dans ce pays (…). C'est pourquoi nous félicitons la démocratie américaine. Donc, la Guinée ne peut pas brûler les étapes. Aux Etats-Unis les gens se mettent derrière un programme de société. Tu peux voir un démocrate voter contre un candidat démocrate au profit d’un candidat républicain s’il trouve que dans son programme de société dans la ville donnée va dans son intérêt en tenant compte de certains sujets débattus dans la société américaine. Mais en Guinée, dès qu'on dit vote, on regarde le leader. Es-ce qu’il est peulh, malinké ou soussou ? Les gens suivent l’ethnie. Les projets de société n’ont pas de place en Guinée. 

Aujourd’hui, le problème que nous avons, si tu es peulh tu n’es pas derrière Cellou, tu es à abattre. Tandis que lorsqu’on se battait en 1992 quand on agréait les partis, Cellou était avec le pouvoir. Cellou était avec Lansana Conté contre les Bâ Mamadou et les Siradjo. En 2001, quand ils ont voulu changer la constitution en disant qu’il fallait 7 ans pour un mandat, nous on était contre le changement de constitution.  Mais tout le monde a vu ici Sidya dire au président Conté « ton pied mon pied » et soutenir ça. Les Cellou ont fait le tour du Foutah pour faire la campagne de cette constitution, mais c’était leur droit. Mais en ce moment nos parents peulhs n’ont pas dit que Cellou était un traitre parce que Siradjo n’était pas avec eux.  En ce moment ses intérêts étaient avec le régime en place. D’ailleurs je lui concède cela parce qu’il a été nommé par le Général Lansana Conté. Il ne pouvait pas faire le contraire, c’était de la loyauté.  Donc aujourd’hui il ne doit pas menacer les autres. Chacun est libre d’aller là où il veut.  On n’a pas dit parti ethnique, on a dit parti politique. Et pour accéder au pouvoir, chaque parti est appelé à présenter son projet de société devant le peuple et qu’il se détermine. Aujourd’hui dans l’intérêt de la Guinée, nous devons accepter de mettre  des lois que chaque guinéen devra respecter. Aujourd’hui, les guinéens peuvent dire que cette loi ce n’est pas nous. C’est moins de 500 personnes qui se sont retrouvées pour faire cette constitution. Aujourd’hui il faut soumettre cette constitution au peuple de Guinée qui doit dire oui ou non. 

Parlez-nous du contenu de la nouvelle constitution…

Vous savez, les gens ne sont pas de bonne foi en Guinée. (…). Nous avons dit que nous nous battons pour une nouvelle constitution. Nous ne nous battons pas pour la constitution. C’est pourquoi le Chef de l’Etat s’est adressé à la Nation. Il a confié une mission au premier Ministre pour consulter tout le monde. Si la majorité se dégage pour travailler sur une nouvelle constitution, il y aura une commission nationale et qui comprendra toutes les sensibilités pour écrire.  En tout cas jusqu’à preuve de contraire, je n’ai pas vu un texte qui dit qu’il y a déjà un document prêt. La Guinée est un pays hautement responsable. On ne peut pas nous imposer une constitution.  Le président Alpha Condé c’est le peuple qui l’a mis là où il est. Donc, il ne peut pas dire qu’il va présenter quelque chose au peuple. 

L’appel que je lance à toutes les sensibilités, en 1958 quand la Guinée a voulu sortir sous le joug français on a dit à De-gaulle à Conakry que nous voulons notre liberté, notre indépendance. De-gaulle a dit qu’il ne fera pas obstacle, mais il a dit qu’il faut aller au référendum. C’est ainsi le 28 septembre nous sommes allés au referendum. Seul le peuple peut décider. Aujourd’hui, c’est vrai Cellou, Sidya et tous ces leaders qui disent qu’ils ne veulent pas, c’est leur droit absolu. Mais personne ne peut parler au nom du peuple. Ils ne peuvent pas dire que la majeure partie du peuple se trouve derrière eux. Maintenant, s’ils disent qu’ils ne sont pas pour une nouvelle constitution, et nous nous disons non. C’est le peuple qui peut nous départager.Cela ne va pas nous amener à provoquer la violence. Personne n’a à gagner dans la violence. C’est pourquoi le Président a confié cette consultation au Premier Ministre afin d’enlever ce débat dans la rue et l’amener dans un cadre structuré et organisé. C’est simple. Je demande à tous ceux qui ne veulent pas, de venir rencontrer le Premier Ministre pour discuter et donner leurs points de vue.  C’est très simple. 

Maintenant, si la majeure partie des gens consultés dégage contre une nouvelle constitution,  je pense que le Premier ministre va rendre compte au Président. Jusqu’aujourd’hui, le président ne s’est pas déterminé pour dire on va à un référendum pour une nouvelle constitution.Il pouvait le faire en créant une commission nationale de rédaction, mais il a dit qu’il va écouter tout le monde dans l’intérêt supérieur de notre pays. 

Comprenez-vous la posture de l’opposition qui a décidé de boycotter ces consultations ? 

 Je l’ai déjà dit, c’est leur droit. Mais ils n’ont qu’à savoir qu’ils ont été consultés. Il y a certains qui parlent déjà en disant qu’ils n’ont pas été invités. Vous savez nous sommes dans un pays organisé et structuré. Pour avoir un parti politique il faut constituer un dossier, le déposer au Ministère de l’administration et du territoire. Ensuite que le dossier soit étudié et on donne l’agrément.  Je pense que le Premier Ministre doit rencontrer les structures qui sont autorisées et légalisées dans ce pays. Je pense qu’il y a un groupe de partis politiques et d’associations ils ne peuvent être invités. Mais s’ils sont intelligents, ils peuvent se rallier avec des partis qui sont reconnus dans ce pays pour pouvoir donner leur point de vue. Je l’avais dit que le Front national pour la défense de la Constitution, c’est une structure qui n’existe nulle part. C’est l’association des partis politiques reconnus.  Et je pense que chacun peut être invité dans le cadre de cette structure. Le front je crois que c’est une structure qui leur permet de coordonner tout le monde mai c’est une structure qui n’a pas d’agrément et qui n’est pas légale. Logiquement on ne peut pas les inviter. Donc quand tu invites Sidya, l’UFDG c’est comme si tu as invité les autres. Les partis politiques ont compris aujourd’hui que l’UFDG seul ou l’UFR seul ne peut pas mener la bataille contre le régime. Donc il faut faire en sorte que tout le monde se retrouve sur une plate-forme pour aller dans ce sens.  On a vu la bataille de leadership qui se passe en France et Madeleine qui a été renvoyée des partis des écologistes comme elle ne peut rien. Aujourd’hui, elle veut prendre la tête du Front en France mais ils sont en train de se bouffer.  C’est sont les leaders des différents partis politiques qui représentent le Front ailleurs. Mais le Front ça n’existe pas. Ce sont les partis politiques déguisés, c’est l’UFDG déguisé.  

La CENI vient d’annoncer que les élections législatives pourraient se tenir avant la fin de l’année. Comment le parti présidentiel a-t-il accueilli cette nouvelle ? 

Depuis un certain temps, le RPG est en train de travailler, parce que l’Assemblée nationale aujourd’hui, son mandat est fini. On savait que les élections devraient avoir lieu depuis longtemps. Nous sommes en train de travailler ardemment pour remobiliser nos troupes. Aujourd’hui, on a des missions sur l’ensemble du territoire pour demander aux gens de se préparer pour s’enrôler. Parce qu’il y avait des jeunes qui n’avaient pas l’âge de voter. Ils doivent aller se recenser et avoir tous les documents qui les permettent de voter.  Chaque jour qui passe nous sommes  en réunion du bureau politique. Les autres structures, le bureau national de la jeunesse, le bureau des femmes etc (…). Donc nous nous sommes prêts à aller aux élections. Nos frères doivent savoir que le boycott n’a jamais payé. Si tu es absent là où on doit prendre les grandes décisions,  tu auras perdu le train de l’histoire. Venez au sein de la consultation, donnez votre point de vue. Mais ceux qui ne savent pas, une fois que le Premier ministre adresse une correspondance à X pour dire que je souhaiterais te rencontrer pour qu’on échange, c’est ton droit de dire oui ou non. Mais quand tu dis non,  tu as été consulté. Donc vaut mieux venir devant l’équipe du Premier ministre pour dire moi  je ne suis  pas pour une nouvelle constitution. C’est plus simple que de rester ailleurs pour dire qu’on parle au nom du peuple. Aujourd’hui, seul Alpha Condé peut se prévaloir le droit de parler au nom du peuple. C’est vrai, il y a des députés qui ont été élus dans certaines préfectures comme député uninominal, mais leur mandat est fini. 

Donc aujourd’hui, Alpha Condé est la seule personne  à qui le peuple a accordé sa confiance. Même lui, il ne peut pas prendre une constitution l’exhiber en disant voilà ce que le peuple veut. C’est pourquoi il a dit au Premier ministre de consulter les gens. Tous ceux qui disent que le peuple s’oppose, s’ils sont sûrs d’eux, ils n’ont qu’à nous amener aux élections. C’est simple, avec un bout de papier le peuple peut dire non. Et s’il dit non, quelque soit la force du président Alpha Condé, il ne peut pas s’opposer au peuple.

Comment vous préparez ce rendez-vous ? 

On ne peut pas vous donner nos stratégies. Rassurez-vous  ue le parti se prépare. Nous nous sommes prêts. Si la CENI nous dit fin novembre je vous rassure déjà en tête nous connaissons qui seront nos candidats dans les différentes circonscriptions. Mais je ne vous dirais pas ici la stratégie que le RPG va mettre pour que mes chers frères Cellou et Sidya prennent ça pour nous contrecarrer. Le Général ne va pas dévoiler à la télévision son plan de guerre.

Votre mot de la fin…
Les gens doivent se ressaisir et mettre en avant l’intérêt supérieur de la Nation.  Chacun de nous fait un temps dans ce pays et demain l’histoire dira ce que chacun a apporté à ce pays. Nous devons faire en sorte que nos attitudes, nos propos ne portent pas préjudice à l’unité de ce pays. Que nos propos ne poussent pas à la violence. Les Hommes passent mais la Guinée reste. La Guinée a connu de grands Hommes.  Donc nous aussi, tous ceux qui exercent une parcelle de responsabilité dans ce pays doivent faire en sorte qu’aujourd’hui, quelques soient nos différends, faire en sorte que la Guinée gagne. Parce que tous les partis politiques dans leurs projets de société parlent au nom de la Guinée. Ils disent  que s’ils ont le pouvoir voilà les bonnes choses qu’ils pourront faire pour la Guinée. Chacun doit rester dans ça  pour dire quelque soit notre contradiction, la vérité de la Guinée doit rester dans le maintien de la paix. La loi dont on parle aujourd’hui, ceux qui disent oui ou non c’est leur droit. Mais c’est seul le peuple qui peut nous départager.  

Je lance un appel à la paix, à la cohésion. Quand  tu regardes tous ces leaders aujourd’hui, si tu fais une enquête tu verras que nous sommes tous liés au-delà de la politique, les familles sont les mêmes. J’en suis sûr si les personnes qui m’attaquent ou que j’attaque si on fait des enquêtes sociologiques nous arriverons à la conclusion que nous sommes liées quelques parts. Evitons que la politique détruise ce pays. L’opposition ne doit pas toujours dit non, elle doit être constructive quand c’est bien fait reconnaitre et pousser les autorités à continuer dans ce sens. Quand ce n’est pas bien fait, dénoncer. 

 

Interview réalisée par Bah Aissatou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 14

Créé le 16 septembre 2019 13:47

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