Quand Damaro Camara défend Alpha Condé pour piétiner Sidya Touré
CONAKKRY- Après Mohamed Tall, l’ancien Premier Ministre Sidya Touré risque-t-il à son tour d’être délogé ? Alors que les cas de Kaporo-rails et de Kipé 2 suscitent encore des réactions, Amadou Damaro Camara vient de jeter un pavé dans la marre. Le chef de la majorité présidentielle a fait de nombreuses révélations sur Sidya Touré, notamment sur l’acquisition de son domicile privé sis à la Minière, ou encore les conditions de rétrocession d’une usine de cartoucherie à Boké. Exclusivité Africaguinee.com !
AFRICAGUINEE.COM : Le Président Alpha Condé a tenu un discours extrêmement violent au siège du RPG arc-en-ciel dans lequel il a invité ses partisans à se tenir prêt à l’affrontement. Beaucoup s’interrogent sur l’opportunité d’un tel ton alors que le pays est à la croisée des chemins. Quelle est votre réaction ?
AMADOU DAMARO CAMARA : Je ne dirais pas qu’on l’a sorti de son contexte mais je crois que tout le monde reconnaît que si le président Alpha Condé n’est pas un homme éloquent quand il parle, mais il est un homme sincère qui dit ce qu’il pense. Il faut comprendre par affrontement, une invite à un débat d’idées, de confrontations des différents courants d’idées. Il invite finalement les guinéens à ce que l’on apprenne à débattre des choses. Ce n’est pas une confrontation physique avec des armes, avec des cailloux ou des coups de points qu’il appelle, c’est une confrontation d’idées.
On peut l’interpréter comme on veut, mais devant tout ce qu’il y a aujourd’hui à faire en Guinée, si on élevait le niveau du débat, si on acceptait effectivement de débattre des choses relatives à la Guinée, je crois qu’une ou deux phrases du président devrait juste être mise dans son contexte. Et c’était au siège de son parti, il n’était pas au palais du peuple ou dans un forum international. Je m’amuse souvent de dire que généralement ce qui se dit dans les assemblées générales des partis politiques sont pour la consommation interne des partis.
C’est juste là l’inquiétude. Alpha Condé a tenu ce discours perçu par beaucoup comme un discours va-t-en-guerre au siège de son parti.
Non ce n’est pas un discours va-t-en-guerre. Au-delà du mot, c’est un discours qui demande de ne pas être violent, de répondre par les idées même s’il y en a qui emploient la force, qui veulent cette confrontation comme on l’entend dire tous les jours : le peuple va chasser les députés de l’Assemblée, on va le chasser du pouvoir, on va faire ceci ou cela. Ce sont des rhétoriques que nous ne prenons pas en considération parce que nous avons confiance en la maturité politique de ce pays.
On a suivi Alpha Condé ces derniers temps qui prônait l’apaisement, l’unité entre les fils du pays, mais ce discours tranche carrément avec son langage d’hier quand il dit dans un ton rageur à ses militants d’être prêts au débat mais aussi à l’affrontement. N’est-ce pas inquiétant ?
Nous avons perdu beaucoup de temps en Guinée à cause de ces affrontements inutiles. Combien de fois le président est sorti, il est rentré dans l’anonymat, parfois c’est l’hélicoptère qui le cherche à l’aéroport pour rentrer pour ne même pas déranger la circulation. Mais regardez la dernière fois, juste par soucis de confrontation, le chef de file de l’opposition vient, il organise une réception pour aboutir à quoi ? A un accident. Après on dit que les forces de l’ordre voulaient encore l’assassiner. Quand on est excédé, on peut tenir un langage pour dire à la limite (…), mais il a des intentions suffisamment éduquées.
Quand on était là où ils sont aujourd’hui, on n’a pas cassé. On nous a tués. Cellou se surprend aujourd’hui, pendant onze ans qu’il a été aux affaires, il y a eu beaucoup de militants du RPG qui sont tombés, mais on n’a jamais rien cassé. Je souhaite qu’on me dise le seul véhicule qu’on a cassé, ou la seule maison qu’on a cassée ici pendant les manifestations du RPG.
Réagissant à la sortie du Président Alpha Condé, Sidya Touré a indiqué que quand un président de la République appelle à l’affrontement dans son pays c’est symptomatique de l’état de la Guinée aujourd’hui. Il dit être prêt à s’assoir sur un plateau télé avec Alpha Condé pour débattre de bilans. Que lui répondez-vous ?
Mais il a été deux fois candidat à l’élection présidentielle. Ce sont les mêmes guinéens. Il a eu 13 et moins de 10%. Le peuple de Guinée le connaît. Il dit qu’il a donné le courant 24h/24 à Conakry. C’est vrai. Alpha aurait pu le faire, acheter deux groupes, mettre du mazoute dedans et donner le courant à Conakry. En réalité, le courant qu’il a laissé, c’est Alpha Condé qui l’a éteint ? L’eau qu’il a laissée couler lorsqu’il était Premier ministre, c’est Alpha Condé qui a fermé les robinets ? Toutes les routes qu’il a faites, est-ce que c’est Alpha Condé qui a enlevé le goudron ? Je me souviens en 2009, j’ai fait Kankan Kérouané, une distance de 145 kilomètres, on a mis 9h15 min dans un 4×4. C’était ça la Guinée en 2010.
Alors je ne sais pas de quel bilan il se fourvoie. Et de toute façon, il a atteint un niveau aujourd’hui où aucun parti politique, aucun homme politique ne peut parier sur Sidya Touré. Ni Cellou, ni Alpha, ni quelqu’un de l’opposition, ni quelqu’un de la mouvance. Il était le dernier des premiers, aujourd’hui avec sa COD (convergence de l’opposition démocratique), il veut être le premier des derniers. Il est un politicien atypique sur lequel personne ne peut parier aujourd’hui.
Il accuse que les résultats ont été modifiés en 2010. Et en 2015 ? C’était encore modifié ? Quel était son score ? Il est la troisième force politique du pays. Même si c’est une troisième lointaine. Il n’a jamais eu quelque chose sans l’aide de l’UFDG ou l’aide du RPG tant pendant les législatives que pendant les communales. On verra bien lors des législatives à venir.
Voulez-vous dire que les rêves de Sidya Touré de devenir président de la république sont chimériques ?
C’est des chimères. S’il fait la politique de cette façon, c’est des chimères. La guéria ou vouloir demander à ce que ça aille mal pour qu’il soit l’homme providentiel, il se trompe. Il n’a pas besoin de débat avec Alpha Condé à la télé, il a été candidat contre lui deux fois, il n’est même pas arrivé deuxième. C’est un troisième très lointain. Ça suffit ! Le peuple de Guinée le connait désormais. Il a été trois ou quatre années Premier ministre. Depuis plus de dix ans il est dans l’opposition, il a été deux fois candidat à la présidentielle, son score a prouvé qu’il a des militants, il est sur le terrain, mais son score ne l’a pas du tout approché de la présidence.
Vous l’accusez d’avoir acquis une cartoucherie par un décret signé par Alpha Condé. Pourquoi ?
Absolument !
Comment ?
C’est non seulement ça, mais même là où il habite, c’était notre dancing ça, c’était le siège de l’orchestre national Horoya band. Il l’a acquis aussi quand il était Premier ministre. C’est vrai c’est un décret, mais c’était un domaine public. Deuxièmement, il a acquis la cartoucherie. Il a reçu son décret le vendredi, le mardi il a démissionné. J’étais l’un de ceux qui ont participé à ces négociations. Je ne l’accuse pas, j’en ai la preuve. Il a eu le décret un vendredi qui a précédé sa démission le mardi.
Comment vous l’expliquez ?
Sa nature. C’est pourquoi j’ai dit que personne ne le croit plus. C’est aussi simple que ça. C’est un politicien atypique.
Pourtant Sidya Touré s’est tout vanté d’avoir offert son expérience au chef de l’Etat sans contrepartie. Mais vous l’accusez aussi d’avoir empoché l’argent du pouvoir au lendemain de la présidentielle de 2015. Avez-vous des preuves ?
Attention ! On m’a posé la question de savoir si Sidya a demandé des remboursements après la communale. J’ai dit OUI. Est-ce qu’il a reçu de l’aide pour les communales. J’ai dit OUI.
De la part de qui ?
Du président de la République.
Dans le but de faire sa campagne ?
Absolument ! Voilà. Je l’ai dit, je le répète et je l’assume. Je ne le dit pas en 2015 , mais pendant les communales.
A combien se chiffre le montant ?
Je ne connais pas exactement le montant. Je ne vais pas m’aventurer là. Mais je sais.
Là aussi disposeriez-vous de preuves ?
Je ne raconte pas d’histoires. Quand je ne connais pas un sujet, je ne l’aborde pas. Ce sujet, je le connais.
A suivre…
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tél. : (00224) 655 311 112
Créé le 26 mars 2019 11:02Nous vous proposons aussi
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