Almamy Aguibou Diallo : « Mes sept années de détention… »

Almamy Aguibou Barry

CONAKRY- Après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle, Almamy Aguibou Barry a décidé de parler. De son arrestation à sa libération, celui qui a passé plus de sept ans à la maison centrale de Conakry nous raconte son vécu.


Dans cette interview qu’il a accordée à notre rédaction, Almamy Aguibou Barry parle également de ses projets, mais également de ses désormais anciens co-détenus dont le Commandant Alpha Oumar Boffa Diallo « AOB ».

 

AFRICAGUINEE.COM : Comment vous vous êtes senti quand vous avez franchi le seuil de la porte de la prison ? 

ALMAMY AGUIBOU DIALLO :Quand les portes s’ouvrent d’un seul coup et que tout ce qui était défendu est permis aujourd’hui ça demande beaucoup de choses.  Mais avant tout, c’est la joie d’être libre, de revoir ma famille et mes proches. Ça n’a pas été facile mais l’émotion est très intense, elle n’est pas facile à décrire.  Je me sens bien. Je l’ai imaginé en mille manières quand je serais libre. Mais quand j’ai franchi le dernier seuil de la maison centrale  ce que j’ai ressenti c’était toute autre chose. Ça n’avait rien à voir avec  ce que je ressentais dans mes imaginations. Ce n’était pas facile à décrire mais aujourd’hui je suis vraiment heureux de retrouver ma famille mes amis, de serrer la main à toutes ces personnes qui m’ont soutenu durant ces longues  années.

Est-ce que vous vous reprochez de quelque chose dans l’attaque qui avait visé le domicile privé du Chef de l’Etat ? 

Je ne me suis jamais senti coupable dans cette affaire. J’ai toujours clamé mon innocence et jusqu’à présent je continue. Je n’ai rien fait qui mérite que je sois enfermé pendant près de 8 ans.  Je ne me reproche de rien. Au contraire je suis une victime.

A vous voir on a l’impression que vous ne venez pas d’une prison. Vous n’êtes jamais tombé malade à la maison centrale ? 

Quelques rares fois je suis tombé malade.  Ce n’est pas facile de vivre dans un environnement qui n’est pas propre. Il y a les moustiques  et tout genre de personnes,  l’hygiène n’était pas  au complet. Mais on s’est battu  pour créer des conditions propres à nous pour qu’on puisse éviter certaines choses. Mais parfois, il y avait des maladies comme le palu. 

Décrivez-nous vos conditions de détention… 

Les conditions de détention n’ont pas été faciles. Parfois c’était dur. Avec le temps, on a appris à se comprendre avec l’administration pénitentiaire. Ils nous ont étudié et ont vu que nous n’étions pas des dangers.  Ils ont été professionnels, l’administration a joué un grand rôle dans l’amélioration de nos conditions de vie  en nous donnant une certaine liberté de nous laisser sortir entre 8 heures à 9 heures et nous faire rentrer entre 17 heures et 18 heures parfois. Nous aussi  de notre côté on a créé des conditions  pour que notre famille et des personnes de bonne volonté puissent nous assister.  Tout cela fait que nous avions eu des conditions  qui nous ont permis de résister et de tenir le coup.  

Racontez-nous votre vie en prison…

La prison elle fait peur quand tu viens d’arriver. L’intégration a été très difficile mais on s’est adapté au fur et à mesure. Personnellement, dès après la condamnation j’ai eu l’idée d’écrire à l’administration pénitentiaire pour qu’elle m’accorde des faveurs en acceptant que je puisse suivre quelques  cours à la Maison Centrale, des frais que j’allais supportés moi même. Donc cela fut accepté et je passais mon temps  à étudier et faire quelques formations notamment en comptabilité, en réseau, en infographie et j’ai encore pratiqué un peu l’anglais (…). J’ai écrit un livre qui a pour titre le procès de la honte ou  les bonnes intentions du diable. Le livre est achevé mais il doit être restructuré  et si  tout se passe bien dans 6 mois le livre sera édité et publié.

Pouvez-vous nous faire un petit résumé de votre œuvre ?

Le livre parle de moi et de quelques  codétenus surtout ceux qui ont beaucoup subis dans ce dossier.  Il parle de mon arrestation, de ce que j’ai subi, des endroits où j’ai été envoyé et tous les autres codétenus qui ont eu des problèmes. En bref, il parle de ma vie  en prison et un peu du procès. J’ai soulevé quelques incohérences et les accusations. J’ai pu relever beaucoup de choses. J’ai raconté aussi nos relations avec  la garde pénitentiaire. 

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous en prison ? 

Quand parfois on ouvre la porte à 10 heures et tu n’as pas de douche interne dans ta cellule, et que réalises que tu dois attendre qu’on t’ouvre la porte pour aller faire tes besoins, c’est difficile. Quand on vient te dire des fois à 14 heures de rentrer sans aucune raison et on ferme les portes intérieures des prisons il n’y a pas de plafonds et il fait vraiment chaud.  Parfois,  il n’y avait pas de courant pour faire fonctionner les ventilateurs c’est tout récemment, il y a eu le courant. Donc, il y a la chaleur, le stress et pas mal de choses qui nous rendent nerveux. C’est très difficile à vivre.

Vous êtes libre aujourd’hui. Qu’est-ce que vous comptez faire ? 

Pour le moment je me consacre à ma famille. Je vais faire un recul pour voir comment les choses  vont évoluer. Je n’ai pas de projet pour le moment mais je me suis dit que je ne vais pas être le prisonnier de mon passé. A partir d’aujourd’hui, je vais être l’architecte de mon futur. 

Un message à lancer en faveur de vos codétenus qui sont toujours en prison ?

Je remercie d’abord Dieu qui a permis cette pénitence et aujourd’hui il nous a rendu notre liberté.  Je prie Dieu qu’il donne aussi la liberté à nos codétenus qui sont  là-bas comme le Commandant AOB et Jean Guilavogui. J’appelle les autorités à faire la même chose pour eux. Ce serait un acte salutaire, la grâce présidentielle, pour que les deux autres puissent recouvrer leur liberté.  

 

Interview réalisée par Bah Aissatou

Pour Africaguinee.com

Tél : (+224) 655 31 11 14

Créé le 13 janvier 2019 18:15

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