Pr Salifou Sylla avertit: « il y a une volonté de modifier la Constitution… »

Le Pr Salifou Sylla

CONAKRY-Le professeur Salifou Sylla, juriste Constitutionnaliste vient de se prononcer sur le décret d’Alpha Condé démettant Kèlèfa Sall de son poste de président de la Cour Constitutionnelle. Ce professeur de droit précise que cet acte du Chef de l’Etat n’a pas obéi aux règles. L’ancien membre du CNT (conseil national de la transition) avertit que le Président de la République, en actant l’élection de Mohamed Lamine Bangoura, il montre clairement qu’il a une volonté de modifier la Constitution. Il s’est confié à notre rédaction.


 

AFRICAGUINEE.COM : Le président a signé le décret destituant le président Kelefa Sall de la cour constitutionnelle. Est-ce que ce décret respecte le droit ?

PR SALIFOU SYLLA : Le président a la capacité de prendre des décrets, mais la manière dont cette destitution est intervenue, pour ma part  n’est pas conforme au droit. Nous avons eu à dénoncer cette tentative de destitution de Kelefa Sall au mois de mars dernier et nous avons fait savoir que ce qu’ils avaient fait n’était conforme ni à la loi organique ni à la constitution. Alors nous avions développé les arguments et je crois qu’ils sont revenus en arrière mais c’était un simple repli de leur part (…), cette fois-ci, j’ai entendu dire qu’il y a un problème d’opacité dans la gestion et bien d’autres éléments. Je réponds en de toutes les façons que ce qui s’est passé à la cour constitutionnelle n’est pas conforme au droit et que véritablement cette histoire était prévisible depuis très longtemps (…), cette cour est allée de crise en crise.

Vous savez, la particularité du droit constitutionnel est que vous ne pouvez jamais le dissocier des problèmes politiques, c’est pourquoi souvent les auteurs disent, droit constitutionnel et politique ; parce que ce n’est pas possible de les différencier parce que dans cette affaire ce n’est pas le droit qui a été fait. Il y a un aspect politique dans cette affaire et il n’y a aucun doute là-dessus (…), celui qui a pris ce décret était tout à fait favorable à la destitution de Mr Kelefa Sall depuis longtemps. Il faut que les gens se disent la vérité dans ce pays et c’est lui qui a instrumentalisé cette affaire.

Etes-vous de ceux qui pensent que derrière ce décret se cachent une volonté du Président d’aller au-delà de 2020, c’est-à-dire vers un troisième mandat ?

De toutes les façons je pense que tous les indices nous conduisent vers la volonté de  modifier cette constitution, de la remplacer. Mais il faut dire déjà que la constitution et les lois sont bafouées dans ce pays depuis un certain temps. Les autorités  ne respectent pas la constitution, elle est régulièrement violée aussi bien à la Cour constitutionnelle que dans les élections. Personnellement je dénonce ces violations à tout  moment. Je pense qu’il ne faut pas se mettre derrière cet aspect purement juridique. Il y a un problème fondamental qui se posera en Guinée, les institutions sont perverties. Elles marchent sur la tête. Elles sont bloquées et ne fonctionnent pas normalement. Elles sont domestiquées, ici toutes les institutions à part le Président de la République, elles n’exercent pas correctement leur fonction. Elles sont soumises et mises sous boisseaux. Celui qui ne dit pas ça, ce qu’il  ne voit  pas comment fonctionne la Guinée.

 Depuis un certain temps on s’inscrit  dans un pays du non-respect du droit. Les institutions ne fonctionnent pas correctement. Elles apparaissent toutes comme soumises. Il y a une institution ici, qui fonctionne à dominante et qui ne respecte pas les lois, c’est le pouvoir exécutif (…), quand on dit pouvoir exécutif dans notre pays, c’est le président de la République.  Il ne faut pas que les gens se voilent la face, nous sommes dans cette situation. Nous nous sommes installés dans le non-respect du droit dans ce pays. Nous avons estimé qu’il faut substituer aux structures juridiques institutionnelles des structures informelles comme ce qu’on appelle ici le comité de suivi, comme ces histoires d’accord et de consensus. Un Etat  ne fonctionne pas comme ça, nous avons mis l’Etat à l’écart.  Nous nous sommes installés dans cela, et quand vous êtes installés dans une telle situation ne soyez pas surpris que toutes les règles soient bouleversées et mises de côté. Et c’est ça la vérité, si on ne dit pas ça on ne veut pas voir ce qui se passe réellement en Guinée. Ce n’est plus une question de Kelefa Sall, c’est  une question d’institutions. Un pays doit fonctionner selon les institutions mais hélas ce n’est pas le cas en Guinée.

Comment sortir de cette situation ?

Cette cour constitutionnelle a perdu toute crédibilité, elle est allée de scandale à scandale. Une institution qui a la mission de garantir le respect de la constitution et des lois, contrôle la constitutionnalité des lois, contrôle des élections nationales et referendum, contrôle du respect par les différentes institutions et de leurs attributions respectives et j’en passe. Une institution qui est investie d’une telle mission qui devrait être  la garante de l’Etat (…), quand cette institution a des scandales publics tous les jours (…), les cours constitutionnelles sont des cours dont on n’entend même parler dans les autres pays, tellement qu’elles sont entourées de respect et de dignité ; mais quand cette cour constitutionnelle est dans la rue, je pense qu’elle a perdue toute crédibilité. La vérité est à ce point-là. Ce qui serait bon pour ces gens, s’ils avaient le sens du respect de leur honneur et de la Guinée, ils devraient quitter cette cour, c’est qui est mieux pour eux.

Donc une démission collective vous voudrez dire ?

Ceux qui sont dans cette cour constitutionnelle, pour beaucoup que je connais n’ont pas cette capacité ; cet honneur et cette dignité de partir. Il y a des gens qui ne doivent même pas être là-bas (…), qui ne remplissent pas les conditions d’âge. Je ne parle même pas du peu de compétence qu’a la plus part d’entre-deux en matière constitutionnelle. Celui qui a pris la place de Kelefa Sall, c’est bien (…), tant qu’il va respecter ce qu’on lui dicte, il restera là, si ce n’est pas le cas il sera éjecté comme Kelefa Sall. Votre manière d’accéder à un poste  va déterminer le respect qu’on a pour vous. Voilà et c’est cela qui manque ici.

 

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 5 octobre 2018 11:21

Nous vous proposons aussi

TAGS

étiquettes: ,

TOTAL

ECOBANK

UNICEF

LONAGUI

LafargeHolcim

cbg_gif_300x300

CBG

UBA

smb-2

Consortium SMB-Winning

Annonces

Recommandé pour vous

Annonces

Siège de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS)