Gadiri Diallo de l’OGDH révèle : « Dadis Camara nous a dit… »

Abdoul Gadiri Diallo

CONAKRY-Neuf ans après le massacre du 28 septembre 2009 qui a coûté la vie à plus de 150 civils, de nombreux portés disparus, une centaine de femmes violées selon une enquête des Nations-Unies, les victimes attendent toujours justice. Abdoul Gadiri Diallo, le président de l’organisation guinéenne des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) qui s’est confié à notre rédaction parle de l’attente des victimes. Dans cet entretien, nous avons également évoqué avec lui le sujet lié au retour de Dadis Camara et l’identification des fosses communes.


 

 Neuf ans après le massacre du 28 septembre 2009, il n’y a toujours pas de date pour l’ouverture du procès. L’attente n’est-ellepas de trop pour vous qui accompagnez les victimes ?

ABDOUL GADIRI DIALLO : Nous avons soif de justice certes, mais on ne voudrait pas une justice bâclée. C’est en ça que nous sommes en train de concilier à la fois notre besoin d’avoir dans les meilleurs délais une justice, et le besoin de ne pas bâcler cette procédure en vue de déboucher sur un procès qui sera attaquable. Neuf ans après les évènements du 28 septembre, il y a eu du retard c’est indéniable, mais quand vous faites une course, ne voyez pas que ceux qui sont devant vous, retournez votre regard sur ceux qui sont derrière vous.  Entre ce qui a été fait et ce qui reste à faire, certes ce qui reste à faire est plus important mais beaucoup de choses ont été faites aussi. Je veux parler de la clôture du dossier, de l’inculpation de 14 personnes,  de l’audition de beaucoup de témoins et de victimes.

Nous pouvons dire que si jusqu’à présent l’arrestation d’un Toumba Diakité, l’inculpation d’un Dadis relevaient du domaine des rêves, c’est devenu une réalité. Il faut  espérer que ceux qui ont eu le courage d’arriver à ce stade pourront poursuivre le processus. Nous avons des garanties du ministère de la Justice et de son chef de département qui nous ont rassuré que le processus est irréversible dans la mesure où il est enclenché (…).

Certains inculpés sont toujours en fonction dans l’administration ou  circulent librement tandis que d’autres comme Dadis Camara sont hors du pays. Est-ce que ça ne vous inquiète pas ? 

Nous avons discuté de ça avec le garde des sceaux lorsqu’il nous a accordé son audience. Il nous a dit que le jour J, tous ceux qui sont encore de hauts commis de l’Etat qui soient inculpés, ils ne seront plus à cette place parce qu’ils vont être démis. La jurisprudence nous indique d’ailleurs ça. Chaque fois que dans d’autres pays, un haut commis de l’Etat est éclaboussé dans une affaire, la première précaution qu’il prend c’est de démissionner. S’il ne le fait pas on le limoge. Nous espérons que la Guinée ne va pas faire exception. Lorsqu’il sera question du procès, ceux qui sont à de hauts postes de responsabilité vont être obligés de démissionner pour faire face à la justice.

Dadis Camara nous a dit qu’il veut revenir. Ce n’est pas nous qui allons empêcher Dadis Camara de revenir, non plus la justice. Si déjà il a exprimé le souhait d’être présent à ce procès, on le prend aux mots. Il suffit tout simplement de créer les conditions pour lui permettre de venir répondre.

Les inculpés ont été renvoyés devant le TPI de Dixinn pour être jugés alors que  la question liée aux fosses communes n’est toujours pas réglée. N’est-ce pas une faille pouvant jeter le discrédit sur le procès ?

L’impératif d’avoir une justice nous impose de commencer par ce qui est facilement réalisable. Cela ne signifie pas que la question des fosses communes ou des portés disparus ne constitue pas une préoccupation pour nous. Mais c’est de manière progressive qu’on va avancer. Imaginez que jusqu’à présent, on est en train de faire le procès des Nazis. Le tribunal de Nuremberg, c’était en quelle année ? C’est dans les années « 50 », mais jusqu’à présent on continue à traquer les nazis.

Là en l’occurrence, la procédure de l’enquête a été clôturée…

Ça ne veut pas dire que c’est la fin de la poursuite contre les présumés auteurs. Aussi longtemps qu’on en découvrira, ils passeront devant les tribunaux.

Si les résultats de l’enquête sur ces fosses communes ne sont pas versés dans la procédure comment pourrait-on s’y pencher ?

Oui mais ça ne veut pas dire que c’est clos. Les fosses communes peuvent constituer un sujet de droit qui va être soulevé plus tard.

Voulez-vous dire que pour le moment ce n’est pas une priorité ?

Non on ne dit pas que ce n’est pas une priorité. L’idéal serait qu’on le fasse, mais imaginez un peu l’identification de ces fosses communes, l’identification de ces ossements. C’est un travail de spécialistes, et c’est beaucoup de ressources. Entre l’impératif de rechercher les disparus maintenant et celui préparer le procès pour les personnes qui sont déjà présumés responsables de ces crimes, quel est l’impératif le plus important ? C’est le financement du procès actuel ou bien c’est le financement pour l’identification des fosses commune ?

Est-ce que les deux ne sont pas liés ?

Oui mais nous n’avons pas les fonds.

Le ministre de la Justice disait il y a un an qu’il s’est rendu au Mali pour prendre de l’expérience allant dans le sens de l’identification des fosses communes. Est-ce qu’un peut de volonté politique on ne peut pas y arriver ?

Cela ne signifie pas qu’ils vont automatiquement commencer le travail. C’est une question de compétence, de technicité et de ressources. Si les bailleurs de fonds sont prêts à nous accompagner sur des questions liées autres crimes commis, on espère aussi que ce procès va créer les conditions pour aller au-delà et suivre l’étape relative aux disparus. L’idéal aurait été qu’on le fasse en même temps. Mais entre deux maux, qu’est-ce qu’il faut choisir ?

Vous qui accompagnez les victimes dans leur globalité, n’avez-vous pas une exigence dans ce sens ?

Notre exigence s’arrêtera là où les possibilités sont établies. Il ne faut pas avoir l’ambition de demander quelque chose d’irréalisable dans un temps très bref. Mais ça ne veut pas dire qu’on va abandonner. On va poursuivre. Si on obtient cette étape là aujourd’hui, demain on aimerait aller au-delà de cette étape. Donc, c’est toujours un challenge qui se pose. Les disparus ne sont pas oubliés.

 

 Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 1 octobre 2018 15:20

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