L’UE face à son « destin » lors d’un sommet décisif sur les migrations

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Les dirigeants des pays de l'UE tenteront de surmonter leurs profondes divisions face au défi migratoire lors d'un sommet sous tension jeudi à Bruxelles, qu'Angela Merkel juge décisif pour le "destin" même de l'Europe.


Ce sommet ponctuera plus de deux semaines de frictions autour de navires transportant des migrants secourus en Méditerranée, auxquels le gouvernement populiste italien a refusé l'accostage.

Il sera aussi marqué par la fragilité inédite de la chancelière allemande, dont l'autorité est défiée sur la question migratoire: son ministre de l'Intérieur menace de refouler aux frontières les migrants déjà enregistrés ailleurs, de manière unilatérale, faute de mesures européennes contre les déplacements de migrants dans l'UE.

"L'Europe a beaucoup de défis mais celui lié à la question migratoire pourrait décider du destin de l'Union européenne", a prévenu jeudi matin Angela Merkel devant la chambre des députés, en appelant à des solution "multilatérales" et non "unilatérales" de la part des pays membres.

"Soit nous trouvons une solution de manière à ce qu'en Afrique et au-delà les gens aient le sentiment que nous sommes guidés par des valeurs, et que nous prônons le multilatéralisme et non l'unilatéralisme, soit plus personne ne croira à nos valeurs, celles qui nous ont rendus si forts", a-t-elle ajouté.

"Le débat sur les migrations s'enflamme de plus en plus", a pour sa part souligné mercredi le président du Conseil européen, Donald Tusk, craignant que l'absence de solution européenne fournisse "un nombre croissant d'arguments" à des mouvements populistes "avec une tendance à l'autoritarisme manifeste".

– 'Coup fatal' –

La nécessité d'unité de l'UE est d'autant plus grande dans le contexte de vives tensions avec les Etats-Unis de Donald Trump, avec lequel les "divisions vont au-delà du commerce" et des taxes douanières, a-t-il souligné.

Pourfendeur du multilatéralisme, le président américain a annoncé mercredi qu'il recevrait le 30 juillet le nouveau chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, qu'il avait loué pour sa position "très ferme" sur l'immigration.

"Les enjeux sont très élevés. Et le temps est court", a mis en garde Donald Tusk dans sa lettre d'invitation aux dirigeants des 28, où il rappelle pourtant que les arrivées sur les côtes européennes ont chuté de manière spectaculaire comparé au pic enregistré à l’automne 2015.

Ce sera "un sommet décisif", a prévenu le président du Parlement européen Antonio Tajani, dans une tribune publiée mercredi par le Guardian. Car "l'absence d'un accord sur la manière de gérer la crise migratoire pourrait porter un coup fatal au projet européen", a insisté l'Italien, appelant à un accord sur la réforme du régime d'asile européen.

Le sommet devait initialement permettre de débloquer ce dossier, qui coince depuis deux ans. Mais cet objectif a été abandonné, les divergences étant trop fortes sur la réforme du Règlement de Dublin, qui confie aux pays de première entrée dans l'UE la responsabilité des demandes d'asile.

La Commission propose de déroger à ce principe ponctuellement en période de crise, avec une répartition des demandeurs d'asile dans l'UE. Mais des pays comme la Hongrie et la Pologne, soutenus par l'Autriche, s'y opposent frontalement, tandis que l'Italie exige au contraire un système permanent de répartition.

– Projet flou –

Face à cette impasse, Donald Tusk proposera jeudi aux dirigeants des pays de l'UE de se concentrer sur un objectif consensuel: la poursuite de la lutte contre les arrivées irrégulières.

Il mettra ainsi sur la table une proposition nouvelle, la création de "plateformes de débarquement hors de l'Europe" pour les migrants secourus en mer, qui "mettrait fin au modèle économique des passeurs", selon le projet de conclusions du sommet.

Débarquer les migrants hors de l'UE épargnerait aux Européens des bras de fer diplomatiques pour la prise en charge de navires. Mais les contours du projet restent encore très flous, et il suscite de nombreuses questions sur sa compatibilité avec le droit international.

"Pour l'instant, l'idée est juste de nous donner le feu vert pour y réfléchir", plaide un responsable européen.

Le texte sur lequel doivent s'accorder jeudi les dirigeants européens devrait aussi appeler les Etats membres à des mesures contre les "mouvements secondaires" de migrants (déplacements d'un Etat membre de l'UE à l'autre), au coeur du débat politique en Allemagne, y compris par des accords entre eux comme le souhaite Angela Merkel. La chancelière est mise sous pression par ses alliés conservateurs bavarois de la CSU.

Vendredi, au deuxième jour du sommet, la chancelière défendra avec Emmanuel Macron leur feuille de route commune pour la zone euro.

Mais leur proposition d'un budget pour la zone euro, modeste en comparaison de l'ambition initiale de la France, rencontre de fortes résistances parmi les Etats membres, Pays-Bas en tête, et ne devrait être mentionnée qu'implicitement dans les conclusions finales du sommet.

Ce débat à 27, sans la Première ministre britannique Theresa May, sera précédé plus tôt dans la matinée de vendredi d'une discussion sur la difficile négociation du Brexit, l'un des rares sujets qui cimente les pays qui resteront dans l'Union après le départ britannique fin mars 2019.

 

AFP

Créé le 28 juin 2018 13:42

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