RTS, Mines, Thiaghel : Ibrahima Chérif Bah se confie à notre rédaction (interview)
CONAKRY-Alors que l’instauration de l’impôt sur les salaires continue de susciter des vagues, l’ancien gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) vient de donner sa lecture. Pour M. Ibrahima Chérif Bah, vice-président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée les taux fixés ne sont pas élevés. Il explique la réprobation de cet impôt par les syndicats par le manque de justice fiscale en Guinée. Dans cette première partie de l’interview qu’il nous a accordée, nous avons également évoqué la condamnation du directeur de la cellule de communication de l’UFDG, Souleymane Thiaghel Diallo. Lisez…
Monsieur Chérif Bah, bonjour : Merci d’être venu dans les locaux d’Africaguinee.com. L’adoption par les députés de la loi des finances initiales 2018 a suscité assez de débats notamment dans son volet RTS. Le gouvernement a d’abord indiqué que cette disposition n’allait pas être appliquée alors que le Président de la République a promulgué ladite loi. Qu’en pensez-vous ?
La RTS veut dire quoi ? Ça veut dire Retenu sur Traitements des Salaires. C’est un impôt sur les salaires, c’est un impôt sur le revenu des salariés. Le gouvernement comme vous le savez cherche de l’argent et de recettes. Ces recettes font parties des groupes qu’on appelle recettes intérieures c’est-à-dire celles qui sont encaissées dans le pays. Il cherche par tous les moyens à capter des sources de revenus de taxes afin d’arrêter sa caisse. Je pense que l’initiative prise par le gouvernement pour taxer un peu plus les salaires ressort du fait qu’il cherche de l’argent. Cela a soulevé une polémique parce que les citoyens se rendent compte qu’il n’y a pas de justice fiscale (…), c’est-à-dire que ce sont ceux qui sont dans le secteur formel qui payent l’impôt et non les autres.
Ce problème de la RTS touche ceux qui ont un salaire, ceux du secteur de l’Etat et du privé. Donc il y a tout un tas d’informels ou autres qui ne payent pas l’impôt, il n’y a non pas encore chez nous un impôt sur le revenu contrairement dans d’autres pays où chaque année on remplit la feuille de déclaration d’impôt. Le fisc suit chaque citoyen et chaque bien pour l’imposer. J’ai compris avec la RTS, le gouvernement voulait plus que ce qui est actuellement adopté où le salaire à moins de un million de GNF ne paye pas l’impôt, celui de un à trois millions paye 5%, celui de 3 à 5millions paye 15% et celui de 5 millions à 10 millions paye 15% et ceux de plus de 10 millions payent 20%. Si je fais une moyenne, le salaire de 3 millions paye 5%, si vous gagnez jusqu’à 5 millions vous payerez 9% et si vous gagnez jusqu’à 10 millions, vous payerez en moyenne 12% parce que les différentes tranches sont imposées différemment mais si vous gagnez jusqu’à 15 millions vous payerez 14.66%. Ce n’est pas très élevé.
Mais il y a eu des revendications notamment des cadres les mieux payés c’est-à-dire les banques, assurances et autres parce qu’ils se rendent comptent qu’ils sont dans les tranches de 15%. Normalement ce n’est pas trop. S’ils sentaient une justice fiscale dans le pays, certainement ils n’allaient pas protester ou revendiquer, mais ils sentent que c’est le formel qui est visé, c’est eux, dont les salaires sont dans les états de salaire et fiches de paye qui sont taxés pendant que d’autres ne le sont pas. La RTS ne touche pas seulement les fonctionnaires même ceux qui sont dans le privé et déclarés à la CNSS et déclarés aux impôts doivent payer.
Il y a ce que l’on appelle aussi les retenus et revenus non salariaux qui sont saisis et payés, il y a aussi la RTS secteur privé. Je veux dire ceci, la justice fiscale manque parce que l’Etat peut faire mieux en faisant en sorte que l’assiette fiscale soit mieux saisie, c’est-à-dire que la part du PIB dans le pays soit identifiée, saisie et fiscalisée. De ce point de vue, la Guinée est très en retard, c’est ce qui d’ailleurs justifie notre pauvreté, notre manque de financement à l’interne. Sur 100 mille milliards de GNF de PIB (…), cette somme représente la valeur des biens et services produits en Guinée en un an, l’Etat ne prélève que 16,2% d’impôts. C’est très faible, la moyenne dans la sous-région est au moins de 20%. Nous sommes très en retard, l’Etat n’a pas saisie cette assiette fiscale pour l’imposer. Certes ce n’est pas très élevé mais ils ont raison de dire d’aller chercher ailleurs et pas seulement eux.
Manifestement le gouvernement semble avoir reculé après les menaces des syndicalistes. Selon vous le gouvernement ne devrait pas donc reculer ?
Mais on m’a dit qu’elle a été appliquée, mais d’autres reviennent pour dire le contraire….
Une réunion entre gouvernement et syndicat est prévue le 17 janvier. Mais tout porte à croire que la mesure ne sera pas appliquée cette année ?
Attention ! Nous avons affaire à une loi, le budget de l’Etat voté par l’Assemblée National est une loi des finances. Cette loi qui gère toute la gestion de l’argent de l’Etat pour l’année pour l’année 2017-2018. Pour changer cette loi il faut une session de l’Assemblée Nationale, donc le Président ne peut pas par un décret ou passer par un autre stratagème pour changer la loi. Faut-il l’attendre à la session des lois du mois d’Avril 2018 pour le faire, qui sait ? Faut-il attendre la loi rectificative des finances du mois de juillet 2018 pour changer la loi, il faudra voir. Mais sentant déjà les difficultés de l’Etat pour avoir un milliard je ne le vois pas reculer devant cette mesure. Mais c’est n’est pas un truc élevé ça.
Notre président Cellou a dit plusieurs fois que nous devons faire en sorte qu’on ait beaucoup plus d’argent dans les mines et aussi des emplois, c’est ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. J’ai relevé quelques chiffres du budget 2018 (…). 2885 milliards a été tirés des mines en 2018, c’est presque le même montant en 2017 et on se vante de dire qu’on est le premier exportateur de Bauxite dans le monde. Où est l’argent ? Où est la taxe ? C’est pour cela nous à l’UFDG nous avons a dit qu’il est regrettable que l’on ne voit que la terre qui est transportée. Le mois dernier j’ai parcouru Boké, j’étais sur des routes poussiéreuses ou boueuses (…), les camions ne font que transporter de la terre rouge bauxitique 24H/24. Quand vous voyez sur des collines de bauxite de la lumière vous pensez à des cités construites mais c’est de la lumière faite pour des excavateurs qui enlèvent la bauxite tous les jours.
Nous avons dit que cette terre qu’on extrait et que l’on exporte ne nous sert à rien, cette terre est en train de donner de l’emploi aux chinois et aux européens pendant que nos jeunes de Boké et de Guinée perdent des emplois. C’est pour cela que le président Cellou a indiqué plusieurs fois que si la Guinée devait travailler avec ces compagnies , l’on devrait exiger que 50% soit traité en alumine sur place et que l’autre partie aille ailleurs, en ce moment-là ça serait du gagnant-gagnant. Mais c’est du gagnant-perdant parce que c’est la Guinée qui est en train de perdre. Nous perdons la richesse qui s’en va, nous perdons la richesse et les impôts. C’est pour cela que toute l’année 2O18, 2885 milliards seulement de Francs Guinéens sont tirés des mines et on dit qu’on est le premier exportateur avec ça. Ce ne sont que 18% de toutes les recettes encaissées en Guinée. C’est zéro et on se demande où va l’argent, la terre va, elle n’est pas taxée et il n’y a pas d’argent.
Le président semble avoir pris conscience que forcement l’exportation des matières premières n’est pas la solution. Il a insisté que ceux qui exploitent doivent penser à construire des usines de transformation sur place. Et on a suivi récemment le consortium SMB-Winning annoncé la construction prochaine d’une usine de transformation. Ne pensez-vous qu’au fur et à mesure l’on ne pourrait pas rattraper ce retard ?
Il faut commencer puisqu’on est déjà en retard. Nous aurions aimé une annonce plus solennelle que formelle. En tous les cas, nous de notre côté nous allons attaquer et critiquer ce gouvernement tant qu’il n’aura pas fait une première usine d’alumine en Guinée. Nous allons continuer à le faire puis que c’est faisable dans ce pays. Il semble qu’ils ont annoncé des choses comme ça, mais vous connaissez bien les promesses de notre professeur Président. Mais dans tous le cas nous allons continuer à indiquer le chemin à ce gouvernement parce que nous sommes une opposition constructive qui lui dira ce qu’il doit faire, s’il manque d’expériences ou la volonté de faire , nous, de notre part nous lui indiquerons ce qu’il doit faire. Je vous ai indiqué que cet argent on ne le voit dans les chiffres du budget. Donc ceux du secteur formel qui critiquent la RTS actuelle en disant que le taux est élevé, je ne suis pas d’accord avec eux mais ils ont raison de protester parce qu’on peut taxer d’autres secteurs aussi.
Pour cette année, l’on a assisté à une chose inédite à l’Assemblée Nationale où l’UFDG s’est joint à la majorité pour voter cette loi des Finances 2018 que beaucoup ont d’ailleurs décriées. Pourquoi ?
Parce qu’à chaque fois que nous tentons de nous abstenir pour dire attention à tel ou tel paragraphe ou à une question, l’on nous dit qu’on n’est pas pour le progrès de la Nation. Chaque fois qu’on attaque un projet qui pourrait aller dans un village même s’il est mal fait on dit qu’on est contre ces habitants-là, alors finalement nous avions dit qu’il serait mieux de voter et les regarder à l’œuvre. Mais nous avons dit qu’il faut que le RPG-arc-en-ciel accepte qu’au courant de cette année pour ce budget en exécution que l’Assemblée Nationale fasse l’un des volets de son vrai travail, c’est-à-dire le contrôle du gouvernement. Nous de l’opposition, nous avons toujours initiés des enquêtes parlementaires qu’ils ont bloqué. Sinon face aux différents scandales que la presse dénonce tous les jours il y a matière à travailler pour les députés pour autoriser des groupes d’enquêtes. Ils doivent pouvoir recruter des auditeurs pour vérifier tel ou tel aspect. Par exemple au niveau de l’énergie c’est un endroit où des milliards de dollars ont été engloutis et on n’a pas de résultats probants aujourd’hui.
Comment avez-vous accueilli ce verdict condamnant à défaut à perpétuité le directeur de communication de l’UFDG dans l’affaire Mohamed Koula Diallo ?
Ce verdict a été accueilli par nous avec un grand choc, une grande déception. Ce monsieur ainsi condamné n’a même pas été cité comme témoin n’a jamais été entendu par un juge d’instruction, il est absent du pays pour des soins médicaux (…) et n’était même pas présent sur le lieu du crime. Alors voilà une affaire dans laquelle on le condamne, on n’a pas un coupable condamné et on le fait sur quelqu’un qui n’était même pas là. Cette décision a été accueillie chez nous comme une décision carrément politique (…), c’est-à-dire on en veut à l’UFDG, ce grand parti d’opposition qui fait peur au pouvoir et qu’il faut donc frapper. C’est une déception pour nous parce que ce monsieur ne mérite pas une telle sanction d’autant plus que même le procureur n’a pas demandé qu’il soit condamné (…), c‘est une décision qui est tombée comme ça sur nos têtes. Nos avocats ont déjà fait appel.
Envisagez-vous d’autres actions ?
L’UFDG est un parti légaliste qui croit malgré tout à la justice et c’est pour cela à travers ses avocats, nous menons des démarches dans le sens que la justice autorise de faire. Donc partout avec tous nos moyens légaux possibles nous nous battrons pour que justice soit rendue. De cette manière, nous allons amener notre justice à se corriger graduellement. Nous ferons recours à elle dans tous les cas de figure et c’est à travers cela qu’elle sera amenée à se corriger et à s’améliorer. Nous n’avons pas d’autres recours que celle-là. Nous allons expliquer dans l’opinion publique que c’est le parti qui est visé et pas une autre personne, c’est à celui-là que le gouvernement s’attaque avec sa justice qui lui est inféodée. C’est cela qui est note conception de la chose et nous nous battrons par tous les moyens légaux possibles.
Si le parti n’est pas satisfait, à la Cour d’Appel, peut-on s’attendre à ce que l’UFDG se tourne vers la justice de la CEDEAO pour que lumière soit faite autour de cette affaire?
Je dois relever un point qui est toujours un point erroné, évoqué durant le dossier. Votre collègue a été tué pas au siège de l’UFDG mais aux environs du siège. Il y a une ruelle dans les environs où le drame a eu lieu. Je vous l’ai dit nous sommes guinéens et patriotes et nous devons continuer à croire à notre justice (…), nous allons faire tout notre possible pour l’améliorer. Nos avocats vont faire ce travail et je pense que d’étape en étape cette justice devra s’amender et s’améliorer pour rendre la vraie justice. Bien entendu vous avez dit qu’en toute fin de figure, si nous n’avons pas d’autres solutions, bien-sûr il y a d’autres recours qui pourront exister mais à l’étape actuelle nous sommes en Guinée avec notre justice.
Au cours de l’enquête, après le drame il y a eu l’arrestation d’une vingtaine d’agents de l’UFDG. Un d’entre eux a perdu la vie en détention. Envisagez-vous de porter plainte par rapport à ce décès ?
Je ne suis pas au courant avec nos avocats d’une telle procédure pour le moment. Le fait même que toutes ces personnes soient libérées démontre que notre parti dans cette affaire est indemne et il n’a rien à voir dans ce crime. Quand l’on fait une enquête sur un crime il faut trouver le criminel et l’arme du crime, décrire les faits et avoir même des images s’il le faut. Tout ceci est inexistant dans ce cas-là, ce qui fait ceux qui ont été libérés et celui qui est décédé est mort en détention dans une injustice flagrante et dans les locaux de la justice. Ceci est un crime.
La partie civile constituée dans cette affaire par Bah Oury a considéré que cette balle qui a fauché notre confrère lui était destinée. Au cours du procès il s’est retiré et en accusant l’UFDG notamment son leader d’avoir corrompu le juge. Que répondez-vous ?
D’abord il est étonnant que ce soit Bah Oury qui se porte partie civile dans cette affaire, ensuite le fait d’accuser l’UFDG n’est pas fondé comme je vous le dit. D’ailleurs notre parti à travers son président a entendu des rumeurs comme quoi, le groupe de l’autre s’apprêtait à faire des troubles lors de cette réunion organisée par l’UFDG. Ce jour le parti a écrit aux services de sécurité de l’Etat pour dire venez sécuriser notre réunion. Il l’a fait parce qu’il y avait des menaces sur la réunion (…), ça, ce sont des preuves de bonne foi qui indiquent que notre parti est toujours légaliste, toujours ouvert pour éviter des troubles qui peuvent nuire à la paix sociale. Nous souhaitons que la justice se ressaisissent à travers la démarche de nos avocats qui est en cours afin qu’elle se ressaisisse et qu’elle reste sereine et rendre la bonne justice (…), c’est ce qui est attendu par tout le monde.
A suivre…
Interview réalisée par Diallo Boubacar
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224)655 311 112
Créé le 16 janvier 2018 10:56Nous vous proposons aussi
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