Guinée : Dr Ousmane Kaba dénonce un « abus de pouvoir »… (Interview)

Dr Ousmane Kaba, leader du PADES

CONAKRY- Ancien allié du Président de la République, Dr Ousmane Kaba dit être victime d’injustice. Le chef de file du « Parti des Démocrates et de la Solidarité » n’entend pas se laisser faire. Dr Kaba promet de saisir les juridictions compétentes pour dénoncer ce qu’il a qualifié « d’abus de pouvoir » de la part de l’Etat. Dans cet entretien exclusif accordé à notre rédaction, l’ancien Ministre de l’Economie et des Finances a exprimé quelques regrets… (Interview-Première partie)


 

AFRICAGUINEE.COM : Depuis plusieurs jours le secteur de l’éducation est paralysé par une grève déclenchée par une des centrales syndicales. En tant qu’acteur du secteur de l’éducation, quelle lecture faites de vous de cette grève ?

DR OUSMANE KABA : En tant qu’enseignant et propriétaire d’école, je déplore qu’il y ait la grève puisqu’elle a pour conséquence de mettre les jeunes en retard dans le déroulement des programmes. Le rattrapage n’est pas facile dans un système où nous ne sommes pas déjà très performants. L’école c’est l’avenir d’un pays. Mais ce que je déplore un peu c’est le déficit de dialogue au niveau du ministère. Je pense que les acteurs devraient s’assoir autour de la table pour apaiser la cité. C’est très important. J’entends beaucoup de choses sur la légitimité de ceux qui ont déclenché la grève mais moi je suis un homme pratique. Ceux qui donnent les mots d’ordre de grève ne forcent personne à arrêter les cours dans les salles de classes. Je pense qu’il y a vraiment un déficit de dialogue. Il faut s’assoir autour de la table dans un esprit apaisé où il y a moins de menaces pour les grévistes pour qu’on puisse trouver un terrain d’entente surtout qu’il y avait déjà un accord préalable entre le Gouvernement et les différentes organisations syndicales. Est-ce que cet accord est respecté ou pas ? Qu’est-ce qui a amené les gens à déclencher cette grève ? Ce sont des choses que l’on peut résoudre facilement pour vu qu’il y ait un dialogue.

Le président Alpha Condé a qualifié cette grève de sauvage et d’illégale. Est-ce que selon vous de tels propos pourraient aller dans le sens d’un dénouement heureux de cette crise ?

Je pense qu’on devrait plutôt chercher à apaiser parce que c’est le problème de la légalité de la grève. Mais j’ai entendu des syndicalistes à la radio qui expliquaient que c’est la suite de la grève précédente et qu’elle n’était que simplement suspendue. Donc dans pareils cas elle n’est pas illégale parce qu’une grève, on n’a pas à refaire les mêmes procédures. Mais encore une fois, il faut chercher à apaiser au lieu d’envenimer la situation.

En quoi faisant selon vous ?

En appelant tout le monde autour de la table pour que les uns et les autres s’expliquent. Ce n’est quand-même pas difficile.

Il n’y a pas que l’enseignement pré-universitaire qui est confronté à des difficultés. Tout récemment, il y a eu la grogne au niveau de l’enseignement supérieur également

Ecoutez, ce n’est pas le même problème (…), pour l’enseignement supérieur il y avait deux volets. Il y a les universités privées qui avaient assez de difficultés dans le payement des arriérés que l’Etat contractait vis-à-vis de ces universités. Et aussi pour les universités publiques qui étaient confrontées aux assistants pour la revalorisation de leurs salaires.

Moi je pense personnellement que la Guinée a une marge de discussion avec le secteur éducatif dans son ensemble puisqu’en tant que pays, nous dépensons peu pour le secteur éducatif. Je rappelle que c’est 13 % de son budget que la Guinée octroi à l’éducation tous cycles confondus. Pour d’autres pays, c’est de 35 à 40% dans la sous-région. Ce qui veut dire qu’il faut que le Gouvernement guinéen fasse un effort pour consacrer beaucoup plus de ressources au secteur de l’éducation, parce que c’est central (…), le capital humain est la pièce maitresse du développement économique d’un pays.

En tant qu’ancien ministre des finances, quel regard portez-vous sur la réunion du Groupe consultatif sur la Guinée qui s’est tenue à Paris ?

Effectivement j’ai vu les images à la télévision nationale que j’ai suivies avec beaucoup d’intérêts puisque je suis spécialiste de ce domaine. Je dis que c’est une très bonne chose (…), on aurait dû faire cela depuis cinq ans parce qu’un pays comme la Guinée ne peut pas se suffire à lui-même. Nous avons besoin de l’épargne extérieure et des investisseurs aussi bien pour les investissements publics et privés. Ceci dit, une réunion de bailleurs de fonds n’est qu’une suite d’intentions de financement que beaucoup de gens confondent avec des enveloppes de financement. Il n’y a aucun accord de financement dans une réunion de bailleurs de fonds, ce sont les intentions des uns et des autres. Maintenant quelle est la capacité de l’administration guinéenne pour que ces intentions deviennent une réalité, ceci est une autre question. Je rappelle qu’on a eu des réunions précédentes avec des bailleurs de fonds à Abu-Dhabi par exemple. On avait levé 5 milliards (…), mais quel est le projet qui a pu se matérialiser, je n’en connais aucun. Donc il faut être prudent et tout dépendra de la capacité du Gouvernement et de l’Administration à mettre en œuvre les projets prioritaires de la Guinée pour pouvoir mobiliser effectivement ces fonds pour la Guinée. Dans le cadre du plan national de développement économique et social qui est déjà une bonne projection en soi, mais je crois que c’est un progrès.

Est-ce que vous pensez que le gouvernement actuel en est capable ?

Je n’en sais rien (…), mais au vu de tout ce qui s’est passé dans le passé, je serais vraiment étonné. Parce que nous avons une faible capacité de mise en œuvre des projets et nous avons toujours le gros problème d’études de projets. A l’époque, j’avais demandé au président de la République de mettre un fonds d’étude en place pour qu’on ait de très bonnes études qui puissent être bancables et qui puissent être financés par les institutions et les banques. Je ne suis pas sûr encore que cela soit opérationnel. L’autre aspect, c’est le secteur privé, dans cette enveloppe, vous avez près de 7 milliards qui représenteraient l’apport du secteur privé. Si j’ai un conseil de professionnel à donner au Gouvernement, ce qu’il faut faire la paix avec le secteur privé à l’intérieur de la Guinée. Les PME guinéennes doivent être encouragées dans la réalité. Mais c’est très difficile de faire la guerre à son propre secteur privé et d’imaginer que les autres viendront investir dans votre pays. Je crois que c’est une erreur logique simplement (…), les investisseurs privés ne viendront pas en Guinée à l’exception du secteur minier qui attire les investissements étrangers en fonction de la demande extérieure et de la politique des multinationales. Ces investissements n’ont pratiquement pas grand-chose à voir avec la politique intérieure du pays. Un des problèmes que nous avons, c’est la détérioration des relations entre l’Etat et les entreprises privées guinéennes. Chaque fois que l’Etat accumule des arriérés, on ne paye pas les PME guinéennes (…), pourtant, l’Etat est un acteur central dans les dépenses publiques et ces dépenses publiques constituent une partie importante du PIB. Donc si l’Etat ne respecte pas ses engagements financiers, il est très difficile pour les PME de survivre. Sans compter qu’il n’y a pas de mécanisme d’aide aux PME guinéennes. Maintenant en ce qui concerne le secteur minier, il faut dire que ce n’est pas un secteur qui emploie beaucoup de main-d’œuvre. Si vous prenez l’exportation de la bauxite, cela ne demande que juste quelques chauffeurs et des machinistes, puisque la bauxite est exportée brute, chose que nous avons dénoncée à plusieurs reprises puisqu’il faut aller vers l’industrialisation dans ce domaine, avoir des usines d’Alumine pour retenir la valeur ajoutée en Guinée.

Récemment la Banque Mondiale a classé la Guinée parmi les pays les plus attractifs. Quels avantages la Guinée pourrait en tirer ?  

L’attractivité de la Guinée se cantonne dans le secteur minier. L’impact de ce secteur en termes d’emplois est assez limité. Il aurait fallu regarder comment vivent les entreprises guinéennes. Quelles sont les relations avec l’Etat (…), je vous donne un exemple, actuellement nous sommes en train de signer les contrats des étudiants en 3ème année. C’est-à-dire que ce sont les étudiants qui ont déjà fait la première année et ont fait la 2ème année et c’est maintenant qu’ils sont en 3ème année que l’on est en train de signer la convention avec l’Etat. C’est vous dire l’accumulation des arriérés (…), ce qui n’est jamais arrivé auparavant.  Bien sûr il y avait la biométrie qui a retardé mais on aurait pu faire un peu plutôt tout ce processus. Donc c’est un exemple entre les déclarations et la réalité, il y a un écart énorme.

Jusqu’à présent des entreprises qui ont travaillé dans le cadre des fêtes tournantes ne sont pas payées plusieurs années après, vous voyez le désastre que cela fait pour une petite et moyenne entreprise. Ce sont des choses pratiques dont moi je parle, vous savez que l’économie ce n’est pas de la théorie c’est vraiment une des choses les plus pratiques.

Votre formation politique, le PADES, attend toujours son agrément. Pourquoi avez-vous pointé du doigt le Ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation ?

Il faut d’abord clarifier le débat (…), nous avons bel et bien un agrément du parti RDI (Rassemblement des Démocrates Indépendants), Ce que nous avons demandé, c’est de changer simplement le nom en PADES, c’est ce qui fait tout ce bruit. Voilà, nous sommes tout à fait libres de faire un changement. Je rappelle que le RPG-Arc-En-Ciel s’appelait RPG mais après il a changé de nom, l’UFDG s’appelait l’UFD. C’est tout à fait légal et tout ceci dépend de l’article 10 de la constitution qui octroi à tous les guinéens de faire des activités politiques de notre choix lorsque quelqu’un qui a été candidat à la présidence, qui est député à l’Assemblée Nationale a tant de difficultés pour juste faire reconnaitre un parti, cela veut dire que le guinéen moyen de votre génération n’a absolument aucune chance, ni de faire un nouveau parti ni de changer le nom d’un parti.

C’est pour cela que je dis que la lutte pour la liberté est une lutte globale, pas la lutte du PADES ou seulement de Docteur Kaba que je suis (…), c’est la lutte de tous les guinéens. Il faut que les droits soient respectés dans la pratique. Alors le ministère nous a renvoyé une première lettre dans laquelle il dit que nous avons fait une demande avec un retard en ce moment nous avons refait le congrès et en deux semaines nous avions déposé, donc à partir de là le ministère n’avait aucune objection technique. Alors ils ont réécrit encore pour donner d’autres arguments (…), ce qui reste déjà illégal et qu’on appelle l’abus de pouvoir.

Lorsque l’administration vous écrit pour dire voilà il y a un problème et lorsque vous arrivez à résoudre ce problème, on a plus le droit de dire qu’il y a d’autres problèmes aussi. Donc c’est complètement illégal et comme nous voulons respecter la paix dans ce pays, nous allons saisir les instances de ce pays. Nous sommes en discussion avec nos avocats pour saisir, ou la cour suprême ou la cour constitutionnelle ou l’INIDH (institution nationale indépendante des droits de l’Homme), parce que c’est cela l’architecture judiciaire en Guinée. (…) Ceci dit, il faut éviter qu’il y ait beaucoup de frustration dans un pays (…), ce n’est pas seulement le PADES, ce sont des milliers de personnes qui sont derrières, si toutes ces personnes sont frustrées, avec malheureusement assez de frustrations accumulées, où les droits les plus élémentaires sont bafoués, ça amène à la violence dans un pays et c’est ce qu’il faut éviter.

Est-ce que selon vous c’est l’une des conséquences de votre départ de la Majorité présidentielle ?

Evidemment, j’ai été exclu du parti. C’est-à-dire que c’est une injustice incroyable. Nous avons mis notre parti PLUS dans la balance pour faire le RPG-Arc-en-Ciel, nous avons accepté la fusion pour aider le Président de la République, dès que la fusion est faite, plus tard vous nous excluez sans nous donner notre parti PLUS pendant ce temps ceux qui avaient refusé de faire la fusion n’ont aucun problème, ils sont même à la présidence de la République en grand nombre. En terme éthique ce n’est qu’une ingratitude en réalité et c’est inacceptable en termes de comportement. Vous ne pouvez pas utiliser le parti de quelqu’un, vous le renvoyer du RPG arc-en-ciel et vous l’empêcher d’avoir un parti.

Est-ce que vous regrettez d’avoir fusionnez avec le RPG ?

Je le regrette amèrement. Je ne savais pas qu’il y avait tant de trahison en politique moi. Je le regrette parce que ça n’a absolument aucun sens, si c’était à refaire, je ne le ferai jamais.

La fusion, ou le soutien au président Alpha Condé ?

Nous parlons de la fusion qui est la forme de soutien la plus extrême. Nous nous sentons trahi et c’est cela la vérité.

 

Entretien réalisé par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

Créé le 26 novembre 2017 10:08

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