Ibrahima Chérif Bah prévient : « je ne céderai pas au chantage ou aux menaces… » (interview)

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CONKARY- L’ancien gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), Ibrahima Chérif Bah, aujourd’hui opposant au régime d’Alpha Condé ne fait la dentelle quand il faut répondre à ses détracteurs. Le vice-président de l’union des forces démocratiques de Guinée chargé de la communication prévient qu’il ne cèdera pas au chantage encore moins aux menaces. Dans une interview qu’il a accordée à notre rédaction, M. Bah fait aussi quelques confidences sur son passage à la BCRG. Lisez ! Exclusfi…


Vous êtes aujourd’hui vice-président de la principale formation politique d’opposition. Vos détracteurs disent que vous vous êtes lancé dans la politique pour vous faire une couverture. Qu’en dites-vous ?

Durant le régime actuel et même sous la transition militaire, j’ai été le haut cadre le plus convoqué dans les missions d’audits. A un moment donné d’ailleurs les compatriotes commençaient à murmurer en se demandant si Chérif était le seul qui a géré dans ce pays. Je mets au défi quiconque  qui a un dossier sur moi qu’il le publie, je l’ai dit. C’est la troisième fois que je le dis aujourd’hui, je n’ai aucune crainte. Je me rappelle même un jour , lorsque j’ai quitté la BCRG, quelqu’un a confié à un ami, ça c’est au temps de feu Président Lansana Conté qu’on est allé derrière moi à la banque centrale pour chercher des traces de bons parce qu’on parlait de bons de plusieurs millions de dollars qui étaient sortis en faveur d’un opérateur économique de la place à l’époque. Ils ont fouillé et n’ont rien trouvé .Je suis là, je me battrais pour mes idées, mes convictions qui coïncident avec celles du parti politique qui est l’UFDG pour que ce pays change, c’est cela même l’opposition. Une opposition constructive ; on se bat non seulement pour le pouvoir mais on se bat aussi pour que ce gouvernement change ses façons de faire pour le bien-être de ce peuple guinéen qui a beaucoup souffert, donc cette bataille continue.

Aucune menace, aucun chantage que les gens ont fait ou peuvent faire sur ma petite personne ne peut marcher au regard de notre vision pour la Guinée,  je suis en Guinée, je suis chez moi, je suis un patriote parce que j’ai fait des choses pour ce pays, je ne suis pas un patriote de la 25e heure comme certains qui se révèlent aujourd’hui en se disant patriote. Nous on est resté ici, on a marché à pied dans la poussière pour aller enseigner des gens qui sont devenus aujourd’hui ministres, il y’a certains même dans le gouvernement actuel donc nous resterons fiers de cela on a servi ce peuple de Guinée de manière honnête et digne.

Aujourd’hui le débat politique s’est beaucoup radicalisé entre mouvance et opposition. Ne peut-on pas craindre l’escalade ?

La responsabilité incombe en premier lieu au gouvernement. Il a la tâche de gérer le pays de manière à ce qu’il n’y ait pas ce genre de choc. Si les gens donnent un langage extrémiste c’est qu’ils parlent avec leur cœur. Une personnalité comme le président de l’UFDG, naturellement calme, pacifiste négociateur et un haut cadre compétent, si cette personne arrive à hausser le ton dans certaines situations, c’est qu‘il est dépassé. Le fait qu’il y ait deux morts dans ces manifestations-là, des morts évitables engendrés par nos forces de l’ordre n’ont pu que le choquer. Donc il a haussé le ton lors de l’Assemblée générale du samedi dernier. Alors de l’autre côté quand ils disent que nous faisons de la violence, nous disons au contraire que c’est eux de la mouvance qui ont le monopole de la violence. Nous manifestants, nous n’avons pas d’armes mais plutôt c’est eux qui ont le monopole de la violence et pas nous. C’est eux qui tirent sur les citoyens marchant pacifiquement. C’est pour cela que pendant les négociations des accords politiques, ils ne voulaient pas qu’on mène des enquêtes pour situer les responsabilités de ces meurtres des citoyens guinéens lors des marches pacifiques. Ils ont été violents avant d’avoir le pouvoir en 2010 et ils continuent d’exercer le pouvoir avec violence..

Depuis leur accession au pouvoir on a dénombré  plus des centaines de morts. On peut citer des zones comme Zaoro, Galapaye, Womey, Siguiri, Kérouané, Boké, Conakry, alors si ce gouvernement veut la paix dans ce pays, c’est lui qui doit mettre la balle à terre  et faire en sorte qu’il soit calme. C’est simple à faire puisqu’il s’agit tout simplement de bien gérer la chose publique et d’appliquer la loi sans obstruction. Très souvent je dis, quand un gouvernement a accédé au pouvoir avec 18% des voix et qu’il a fallu une deuxième élection et non un second tour pour monter à un autre ratio, ceci combiné à des facteurs qu’on ne peut pas décrire aujourd’hui, ce gouvernement n’aura pas la volonté de faire des élections. Il a peur des élections parce qu’il connait son poids réel dans le sentiment populaire du pays (…), il a une légitimité insuffisante et c’est ce qui fait que nous soyons dans cette situation. Si au moins il cherchait à faire des résultats cela aurait été mieux mais hélas la situation est catastrophique.

A voir l’état de nos routes on se rend compte automatiquement pourquoi on est dans cette situation. Le fonds routier existe, il est un fonds où chaque guinéen contribue par le carburant que nous achetons pour nos engins roulants ou une portion des frais de transport payée aux routiers. Ce fonds a été dilapidé par ce gouvernement qui l’a utilisé pour acheter les consciences dans les campagnes électorales. Pourtant une route s’entretient faute de cela voilà où on en est aujourd’hui, la conséquence de la mal gouvernance. Il faut carrément reconstruire toutes les routes : quel gâchis !

Vous êtes un technocrate reconnu par tout le monde, aujourd’hui vous êtes dans la politique. Quel est l’élément qui vous a motivé à vous engager dans la politique alors que vous aviez peut-être d’autres opportunités?

Je suis membre de l’UFDG depuis 2010  ; quand on croit qu’on peut apporter quelque chose à  son pays on s’engage en politique, j’aurais pu rester consultant et faire des factures ou à se pavaner dans des avions partout dans le monde pendant que le pays brûle ou est en situation difficile. Pour éviter que ce pays ne sombre il faut  donc s’engager (…), c’est pour cela que je suis venu aux côtés du président Cellou Dalein Diallo que je connais depuis des décennies, qui a été formé dans ce pays et qui y a passé toute sa carrière professionnelle .

Mais je connais aussi Sidya Touré, Lansana Kouyaté, Kassory Fofana. J’ai choisi Cellou parce que son programme me convenait. J’ai vu le programme qu’il voulait pour ce pays et j’ai regardé la charte des valeurs de ce parti. Cette charte décrit que ce pays-là n’a jamais connu le bonheur, c’est pratiquement un peuple martyr. Elle dit aussi que des guinéens se sont regroupés dans une association politique appelée UFDG pour se battre afin de restituer à ce pays son bonheur, sa dignité, de faire en sorte que les droits des citoyens soient respectés dans ce pays (…), c’est pourquoi j’ai rejoint ce parti et l’on se bat pour  cela. Comme on le dit je ne suis pas un novice non plus parce que j’ai été formé dans l’école du PDG-RDA, où notre génération a fait la formation à l’Ecole des cadres du parti,( entendez PDG-RDA ), la formation militaire avec des officiers cubains à l’époque et j’en passe. Donc c’est pour vous dire que je connais ce pays. Moi je n’ai pas deux passeports, j’ai un seul. D’ailleurs l’une des choses dont  j’ai horreur c’est de demander un Visa pour aller dans un pays étranger, j’aime mon pays et je reste ici. Je voyage rarement maintenant.

Pourquoi accusez-vous l’actuel gouvernement d’avoir favoriser l’exclusion, la  communautarisation de l’Administration guinéenne ?

J’ai attaqué ce gouvernement parce qu’il a construit un Parti-Etat. Un Parti Etat c’est un Etat où les gens du parti jouent le rôle de fonctionnaires, compétents ou pas. Bien sûr il y’a quelques-uns dans le gouvernement  et dans l’administration qui ont une certaine  compétence mais noyé dans une mer d’incompétences avec des procédures totalement viciées donc rien ne marche. C’est pour cela que j’ai attaqué ce gouvernement sur cet aspect-là et j’ai dit que je vais le faire parce que moi j’ai  montré que l’on peut faire autrement les choses choses et aussi lorsque j’étais à la BCRG mon équipe et moi avons beaucoup investi dans les constructions d’agences BCRG l’une à N’Zérékoré que j’ai fait construire et d’autres à Labé, Kindia ; ça devrait continuer mais j’ai quitté mes fonctions avant la fin du programme. A Boké notamment et dans chaque agence j’ai mis un guinéen d’une  région de notre pays ; ils m’ont critiqué d’avoir nommé même à l’une des agences quelqu’un du RPG soit-disant qu’il est dangereux, de l’enlever. J’ai dit que je ne le ferai pas parce qu’il est compétent il ne peut pas me nuire, il y est resté d’ailleurs plusieurs années après mon départ.

De qui voulez-vous parler ?

Je ne dirais le nom de personne (…), en tout cas pour les agences que j’avais mises en place, les quatre régions naturelles étaient représentées.

Est-ce Kory Kondiano, actuel président de l’Assemblée Nationale de Guinée ?

Pour Kory c’est autre chose (…). Lui il était un haut cadre à la BCRG. Là-bas  aussi on m’a dit que Kory est un agent d’Alpha Condé, je leur ai dit que je ne l’enlève pas pour plusieurs raisons. Il est un des pères de la réforme économique en Guinée, il a été ministre dans ce  pays (…), donc on ne peut pas humilier de tels cadres. D’ailleurs quand Kory Kondiano et un autre de ses collègues en la personne de Sampiring Diallo sont venus me voir pour me dire au revoir parce qu’ils vont à la retraite, ma réponse a été de leur dire que je les gardais à mes côtés. Pour mettre cette décision à exécution, j’ai monté un projet sur la monnaie guinéenne. Au moment où nous étions aux affaires, on était très proche d’adhérer à la deuxième zone monétaire avec la monnaie ECO. J’ai estimé qu’avant que le Franc Guinéen ne disparaisse en faveur de l’ECO , qu’il fallait que  nous élaborions une histoire de notre monnaie nationale, c’est en ce moment que j’ai coopté ces deux cadres. J’ai d’ailleurs quitté avant que le projet ne finisse. D’autres ont tenté de remettre en cause le projet mais ils n’ont pas réussi.

Donc  ce projet a continué jusqu’au temps du Gouverneur Nabé qui l’a terminé. Il m’a même invité à la présentation du livre intitulé « Les 50 Ans de la Monnaie Guinéenne » qui est une bonne référence de l’histoire économique et monétaire guinéenne pourquoi pas de l’histoire guinéenne tout court. Ces rappels prouvent que  moi  je ne tiens pas compte de ce genre de choses divisionistes, l’essentiel c’est de juger  les gens au poste. Un chef a besoin de résultats, si le professeur Alpha Condé depuis 2011 avait agi de la sorte, peut-être que la Guinée aurait eu un visage différent de celui lamentable et piteux qu’elle a aujourd’hui. En perpétuant ce qu’il est en train de faire là, il s’est privé de ressources  humaines extrêmement importantes  qui auraient pu servir la Guinée.  Ce gouvernement nous a mis en retard pour plusieurs années encore. C’est ce qui me fait dire que le premier mandat est négatif  et maintenant lors du second mandat largement entamé, on se presse, on veut des résultats rapides en montant des projets du genre Chine-Guinée pour se précipiter et vendre de la terre. J’entends dire que les présidents guinéens et Chinois sont des amis, mais ce sont des histoires car les Etats n’ont pas d’amis mais plutôt des intérêts. Ce monde-là est sans pitié, les pays défendent leurs intérêts, pour que les Accords soient gagnant-gagnant. Mais dans ce cas de figure on n’est pas gagnant-gagnant parce que cette terre-là va partir et nous n’aurons pas d’usines d’Alumine ni d’emplois, c’est de la poussière qu’ils vont nous laisser.

Il est souvent reproché à l’UFDG de favoriser le débat ethnique. A travers certaines de vos sorties où celles de votre président qui a dit récemment que le président Alpha Condé se priverait d’identifier les coupables des assassinats de ses militants car issus d’une seule communauté. Que répondez-vous ?

S’il s’avère que ces critiques-là sont injustes, qu’ils les corrigent alors ! Quand moi j’ai parlé des fonctionnaires qui sont exclus, j’ai demandé également qu’ils fassent ouvrir des enquêtes sur les assassinats des 85 manifestants tombés sous leurs balles et qu’ils sanctionnent les coupables, mais ils ne l’ont pas fait. Ils prennent juste la part de ce que j’ai dit sur les fonctionnaires et ils occultent cette autre partie sur les assassinats ciblés des enfants du Foutah. Je donne raison à notre monument national, l’écrivain Tierno Monenembo, qui dit qu’il n’y a pas de problème d’ethnocentrisme en Guinée. Il est créé par les gouvernants. Donc si j’observe ce qui se passe depuis 2011, je lui donne raison et croyez-moi, ceci va disparaitre à la chute de ce régime. L’arme de la division est le recours d’un gouvernement incapable de produire des résultats ; il fait recours à cette stratégie de division(…), le diviser pour régner c’est la tradition des gouvernements faibles. Moi je suis un métis de tous les côtés et très loin de cette manière de gérer ce qui est commun à tous les guinéens.

Voulez-vous dire qu’on fait un mauvais procès à l’UFDG ?

Absolument, ils veulent orienter le débat là où il n’y en a pas. Au lieu de régler les problèmes qui minent ce pays, on crée des problèmes artificiels, des épiphénomènes pour occuper la population. Il faut résoudre les problèmes réels, que les gens mangent à leur faim, qu’ils aient le courant et des centres de santé, qu’ils aient une ville propre. C’est cela qu’il faut.

A suivre…

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

Créé le 6 octobre 2017 10:29

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