Ahmed Kanté : « ce qu’il faut pour booster l’investissement dans le secteur minier guinéen… »

Ahmed Kanté

CONAKRY-Comment booster l’industrie minière en Guinée? Que faut-il pour attirer davantage de nouveaux investisseurs dans ce secteur névralgique de l’économie guinéenne?  En marge du symposium minier qui s’est tenu à Conakry du 09 au 11 mai, l’ancien ministre Ahmed Kanté qui dirige la Société guinéenne du patrimoine minier (SOGUIPAMI) s’est confié à notre reporter.


 

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Ahmed KANTE bonjour ! La Guinée a abrité la cinquième édition du symposium minier. Qu’est-ce que cet évènement pourrait apporter comme avantage à notre pays ?

AHMED KANTE : L'organisation d'un forum vise à regrouper l'ensemble des acteurs guinéens du monde minier, quelquefois même l’élargir aux universitaires, aux bureaux d'études afin qu'ils puissent donner leurs expériences sur un thème. Or cette année le thème c'est le développement minier, comme étant bien sûr l'un des acteurs de cette croissance. Vous conviendrez avec moi que ça été une réussite, avec plus de 500 invités, qui ont bien voulu répondre présent à ce forum de Conakry, qui sera animé à travers plus d'une dizaine de sessions. Donc on ne peut que s'en réjouir parce que ça fait une certaine ouverture du monde minier guinéen sur l'extérieur, et ça marque aussi la confiance que les différents acteurs ont par rapport à ce qui se passe en Guinée. Par rapport à toute l'évolution institutionnelle qui a été enregistrée.

Le patrimoine minier guinéen demeure pour la plupart inexploité. Est- ce qu’à travers cette rencontre on peut s’attendre à la venue d’autres investisseurs ?

Bien sûr. Nous avons déjà tout un ensemble d’investisseurs avec lesquels nous sommes en train de discuter des différents projets qu’ils nous ont soumis. Et ces projets pour l’essentiel portent sur la construction des infrastructures.  Puisque vous comprenez qu’avoir des ressources minérales dans le sous sol ne fait pas la richesse d’un pays. Et le grand problème que nous avons toujours eu, c’est celui des infrastructures. Et je pense que la réponse à ce problème d’infrastructures se fait à travers les différents projets. Nous sommes en train de travailler sérieusement sur la mise en valeur des anciens blocs de bauxite de Boffa. Là-dessus, il y’a tout un ensemble d’infrastructures qui nous ont amené à réfléchir un peu sur ce que pourrait être le développement minier dans les années à venir. C’est un développement qui ne peut pas se faire sans les infrastructures minières. A savoir des chemins de fer, des routes minières, des ports fluviaux et des ports en eau profonde.

Il y a une carte qui explique le travail que nous faisons. Sur cette carte vous voyez que là vous avez en rouge le chemin de fer de la CBG (Compagnie des bauxites de Guinée, Ndlr), vous avez en vert la route nationale qui va de Sangaredi  jusqu’à Kamsar et en noir vous avez les routes actuelles, du corridor fluvial Katougouma-Dapilon et qui forme le secteur qui est entièrement en train d’être exploité par la société minière de Boké (SMB).  Là, vous avez un projet : c’est le projet de Taigbé. C’est le futur port qui va être développé sur cette côte. Taygbé sera relié au riche plateau de Santou, de Haouda, de Boffa nord, Allufer, etc, jusqu’au port de Taydbé. Et si ce trajet est réalisé, ça nous fait une plus grande ouverture de la Guinée sur le monde de la bauxite. Ça nous fait encore une production beaucoup plus importante, sans compter que sur la zone industrielle Taygbé, il est prévu la construction d’une usine d’alumine donc on rentrera aussi dans la transformation. Et vous voyez ici, ça c’est un nom que vous allez retenir parce qu’il va être présent bientôt dans le vocabulaire minier guinéen, c’est le port fluvial de KoKaya. C’est dans Boffa et c’est au bord de la Fatala. Ce port fluvial va desservir deux grandes sociétés à savoir Chinalco qui est là et de l’autre coté la société ERAZIAN qui en est le promoteur. Donc Chinalco va alimenter ce port là à partir d’un convoyeur, cette fois-ci ce n’est pas des véhicules mais un convoyeur qui est long de 21 kilomètres, alors qu’avec ERAZIAN nous auront un chemin de fer qui partira jusque dans Télimélé. Donc ça sera l’un des plus grands ports fluviaux au niveau de la Guinée, qui permettra d’exporter la bauxite sur un chenal de près de 40 kilomètres entre le port de Kocaya.  C’est ce que pourra être le développement des infrastructures minières dans sous peu au niveau de la grande région bauxitique Boké-Boffa-Télimélé.

Actuellement nous sommes en discussion. Le port de Taygbé qui va être construit, ce n’est pas simplement un port minier mais c’est une zone industrielle. C’est un ensemble de quais miniers, de quai commerciaux, d’industrie pour la transformation de la bauxite, d’industrie également pour le traitement des produits agricoles que sont l’anacarde, les palmiers à huile, les mangues etc.

Où en est-on avec ce projet ?

Le projet est en étude. Et nous pensons comme il ya des gens qui sont vraiment engagés sur le bloc de Boffa et qui sont pressés parce qu’il ya une fenêtre qui est ouverte où tout le monde est pressé de produire la bauxite, tout le monde est pressé également de produire l’alumine. Nous avons un des promoteurs qui veut construire une raffinerie d’alumine au niveau du port de Taygbé. 

Ces entreprises minières sont déjà là. Le problème maintenant c’est la concrétisation de leurs projets. Cette fois-ci soyez sûrs que  ce n’est pas comme avant où on signait des choses qu’on ne suivait pas. Aujourd’hui  je pense que la grande reforme au niveau des mines, c’est qu’il y a un suivi du cadastre qui est vraiment professionnelle. Il y a un système informatique qu’on appel le PROXI qui est là et qui ne revalide les permis que si vous avez respecté l’ensemble de vos obligations. Ce sont des obligations financières mais aussi ce sont des obligations de travaux. Donc ce n’est plus les interventions et autres, tant que vous n’avez pas payé, jamais le système ne va valider. Cela est déjà très intérressant.

Deuxièmement aussi, sur l’ensemble des accords que nous signons, il y a un timing de démarrage des travaux. Il y a un timing après lequel votre permis s’autodétruit si jamais vous ne travaillez pas. Donc on pense qu’on a à faire à une nouvelle famille d’accords qui n’ont rien à voir avec les anciens et avec une meilleure maitrise du suivi des processus des permis, on peut effectivement s’attendre à ce que dans les années à venir, avant l’horizon 2020, qu’il y ait un changement notable à ce niveau.

Le gouvernement a relancé récemment des recherches géophysiques au niveau cent millième. Qu’est-ce que cela pourrait apporter comme avantage ?

Ce n’est pas recent. En fait ce travail a été lancé depuis plus de 40 ans. C’est un travail qui date de la première République. On l’a complété. Parce qu’avant c’était les levées géophysiques aéroportées simplement, aujourd’hui on a ajouté à ça une banque de données, avec la formation de ceux qui vont animer cette banque de données. Elle sera en mesure de produire les cartes et de les mettre à la disposition de l’institution qui sera indiquée pour pouvoir les vendre aux différents opérateurs.

Donc la SOGUIPAMI est intervenu dans le travail de finalisation de ce projet, puisqu’elle a financé le reliquat qui empêchait la finalisation du projet et ça été vraiment un très grand honneur pour la SOGUIPAMI d’y intervenir. Parce qu’en réalité le patrimoine minier ne peut être que le nombre de société qui est en phase de production. Le reste on en parle beaucoup mais en réalité ça ne nourrit personne sauf les spéculateurs. Donc mettre en place un système où des informations sont disponibles pour ceux qui auront accès à des permis, signifie raccourcir déjà les délais de la recherche, ça signifie leur donner beaucoup plus de possibilités pour aller très rapidement sur la phase de production. Voilà où est-ce que nous en sommes. Et je pense que cela est une très bonne chose. Déjà vous pouvez voir sur ce secteur-là ENAM CHINE a commencé à produire, ici vous avez deux ou trois permis qui vont renter en production dans deux ans maximum, je suis sûr ces projets là vont commencer à être exploités. Il y a au moins trois sociétés qui vont commencer à produire et à alimenter le Corridor fluvial de Dapilon. Donc c’est en marche et je pense qu’il n’y a qu’à voir ces évolutions pour être sûr qu’on est passé d’un monde où on était purement des spectateurs vers un monde où on est vraiment acteur et où l’administration minière joue effectivement son rôle, où la SOGUIPAMI aussi en tant que société à 100% appartenant à l’Etat joue son rôle d’accompagnateur, joue son rôle de propulseur pour que le plus grand nombre d’entreprises puisse parvenir à la production. Parce que c’est ça le but. Tant que nous ne sommes pas à la production, on n’a pas créé de richesse. Et ce n’est que la richesse qu’on peut partager, c’est pas le potentiel.

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 13 mai 2017 12:56

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