Alhassane Sow, migrant rapatrié de la Libye : « S’ils tuent un noir, ils crachent sur le corps… »

Alhassane Sow

CONAKRY-C’est un témoignage pathétique que vient de faire ce jeune guinéen rapatrié de la Libye. Alhassane Sow, 27 ans, a quitté la Guinée il y a deux ans, dans l’intention de gagner l’Europe en traversant la méditerranée. Son aventure s’est transformée en un cauchemar. Ce jeune devenu orphelin de père à bas âge nous raconte son histoire. Il a aussi lancé un appel à l’endroit des autorités guinéennes. Exclusif !!!


AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Sow Alhassane bonjour. Vous êtes un jeune migrant rapatrié de la Libye. Dites-nous avec quelle intention avez-vous quitté la Guinée ?  

J’ai quitté la Guinée le 18 aout 2015. J’ai pris la route pour la Libye dans l’intention de traverser la méditerranée et rentrer en Italie.

Que s’est-il passé après ?

Quand j’ai quitté la Guinée, je suis passé par le Mali, ensuite le Burkina Faso. Mais là, j’ai un peu souffert à la frontière entre le Burkina et le Niger. Parce qu’ils nous ont tout dépouillé, pris tout notre argent. Je suis rentré à Niamey. J’ai appelé ma famille en Guinée qui m’a transféré de l’argent. A mon départ de la Guinée j’avais environs 200.000 FCFA (6.000 000 GNF), une somme qu’on m’a retirée à la frontière. De Niamey on a pris la route d’Agadez, on est arrivé. C’est dans cette ville qu’ on devait s’embarquer pour la Libye. On a fait une semaine dans le désert sans eau presque. On a beaucoup souffert. On est rentré en Libye précisément dans la ville de Gadron on y est resté deux jours avant de continuer vers Saba, une autre ville de la Libye. Là, on a rencontré un jeune guinéen (passeur) qui se surnomme Oustaz. Il était notre point focal. On est resté chez lui pendant deux semaines. Ensuite il  nous a embarqués pour la capitale Tripoli. On est allé jusqu’à Ben Walid, les arabes nous ont arrêté, emprisonné. J’ai fait trois mois de prison ferme dans cette ville. Ils nous ont demandé chacun 1.300 dinars. Mais même quand tu paies cette somme ce n’est pas facile de sortir de la prison. Les arabes ne sont pas bons.

Un jour, un groupe armé libyen est venu attaquer la prison. Ils ont défoncé les portes de la prison. Ils nous ont dit « barra ! ». Cela veut dire sortez et partez. Tout le monde est sorti la nuit. Je me souviens c’était un mercredi vers 00 heure. On s’est dispersé dans la ville. Mais là aussi, il y avait la patrouille. Les policiers ont ramassé beaucoup d’entre nous. Nous on est allé à la mosquée où nous nous sommes refugiés. Quand l’imam est venu, nous lui avons expliqué notre situation. C’était un homme bien. Il nous a bien accueilli, il nous a offert à manger. Ensuite il nous a conduits dans le quartier des noirs.

Arrivé là-bas j’ai appelé un autre passeur qui m’a aidé à rentrer en contact avec ma famille en Guinée. Elle m’a transféré de l’argent, une valeur d’un millions cinq cents mille francs guinéen. Le passeur m’a mis en contact avec un taximètre. Puisqu’il y avait trop de contrôle sur la route, en rentrant dans la capitale Tripoli, ils nous ont mis dans le coffre jusqu’à Tripoli. Une fois à Tripoli, on s’est rendu compte que pour y rester, ce n’était pas facile. Il y a des bandits armés qu’on appelle « asmaboys ». Ils font du trafic des noirs. S’ils te prennent, ils te revendent. La vie n’est pas facile à Tripoli. Un jour, j’ai essayé de traverser la mer méditerranée. Je suis allé jusqu’aux berges avec d’autres personnes. On y est resté pendant une semaine. Les policiers sont venus nous disperser. On s’est sauvé. On s’est retourné au quartier des Blacks,  Rigarich on y resté.

Un jour, je me souviens c’était un vendredi soir, les militaires, les policiers sont venus attaquer tout le quartier des noirs. Ils avaient des chars de combat, toutes sortes d’armes, ils tiraient en l’air. Nous étions logés au 3ème étage au bord de la route. Le samedi à 7 heures, ils sont venus défoncer les portes, ils sont rentrés. Au 3ème étage où j’étais avec d’autres il y avait quatre pièces et une douche. Dans cet appartement il y avait plusieurs nationalités (nigériens, sénégalais, ghanéens, burkinabé, guinéens, maliens). Certains dormaient aux escaliers même. Ils sont venus nous demander si on avait de la drogue, nous avons dit non. Ils nous ont ensuite demandé s’il y avait des femmes parmi nous, on a dit non. Ils pensaient que c’était un lieu de banditisme. Ensuite ils nous ont demandé de sortir. Quand on est sorti, ils ont mis le feu sur l’étage. On a perdu tous nos objets. Ils ont retiré notre argent. Nous sommes encore allés au bord de la mer avec eux. Ils avaient des armes et tiraient en l’air. Certains d’entre nous ont même été touchés. Sur place, ils nous ont intimé de retourner chez nous, là où nous avons quitté. Ils ont pris plus de 1000 noirs pour les envoyer dans la cour d’une mosquée. Ils nous ont tous réuni là-bas. Ensuite, ils ont envoyé des bus pour transporter les gens dans les prisons. Il y avait cinq bus. Quand le premier et le second convoi sont partis, la bande armée qu’on appelle les Asmaboys a pris les armes contre les autorités (policier, gendarmes) pour que eux aussi gagnent des noirs qu’ils vont revendre. Une fusillade a éclaté entre eux. Dans cet échange de tirs, beaucoup de noirs ont été tués par balles. Beaucoup, beaucoup sont morts. Nous qui avions eu la chance, on nous a envoyés en prison. Ils nous ont torturé, ils nous ont déshabillés, frappés. On y est resté deux jours après ils nous ont transféré dans le camp de l’OIM. C’est là que le représentant de l’ambassade de Guinée à Tripoli nous a trouvés. Il nous a aidés beaucoup. A chaque fois, ils nous rendaient visite. Il nous a aidés à régler les papiers de retour.

Quel âge avez-vous ?

Je suis âgé de 27 ans.

Que faisiez-vous en Guinée avant de prendre la route pour l’Europe ?

J’ai étudié jusqu’en 8ème année, mon papa est décédé. Il n’y avait personne pour financer mes études. J’ai abandonné l’école. Je me suis lancé dans le commerce du matériel de construction. J’ai mobilisé un peu d’argent pour tenter l’aventure. 

Avez-vous un appel particulier à lancer à l’endroit des jeunes guinéens qui veulent aller en Europe en passant par la Libye ou l’Algérie ?

Ce que je peux dire aux jeunes guinéens, c’est d’être patient, de travailler ici parce que la route est trop risquée. Elle n’est pas bonne. Même si tu n’as rien, mais si tu vis dans la paix, au nom de Dieu dis-toi que tu as quelque chose.

J’ai un appel à lancer au Gouvernement. C’est de tout faire pour aider les jeunes guinéens qui souffrent beaucoup en Libye. Il y a beaucoup de guinéens qui souffrent dans les différentes prisons de la Libye. Ils sont très nombreux. Il y a beaucoup de guinéens qui ont été tués devant moi, tirés par balles. S’ils tuent un noir, ils viennent cracher sur le corps comme si c’était chien. Le gouvernement n’a qu’à tout faire pour les enlever là-bas. Ils souffrent.

Qui fait ça ?

Ce sont les arabes libyens qui font ça. Je demande au gouvernement de voir aussi la situation de nous qui sommes rapatriés. Nous n’avons rien. Il faut qu’on recommence à zéro. L’argent que l’OIM nous a donné c’est 50 euros. Certains sont jusqu’à Nzérékoré, Yomou, Siguiri, cette somme est peu pour rentrer chez soi. Certains de nos amis ne connaissent personne à Conakry ici. Je remercie l’OIM qui nous a sauvé la vie, je remercie le représentant de l’ambassade de Guinée à Tripoli. C’est un vrai homme. Il aime ses compatriotes.

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 16 mars 2017 15:13

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