Migrants: en Loire-Atlantique, des familles d’accueil pour des mineurs isolés
«On m’a demandé de choisir entre l’appartement et la famille, j’ai choisi la famille»: comme Oumar, Guinéen de 16 ans, quatorze mineurs isolés étrangers sur quelque 500 ayant immigré en Loire-Atlantique sont hébergés par des familles, dans le cadre d’un dispositif d’accueil solidaire testé depuis un an par le département.
Orphelin, poussé par sa grand-mère et sa sœur à fuir la Guinée, Oumar est arrivé précisément «le 17 août» 2015 à Nantes, après un périple de quatre mois sur les routes d’Afrique et d’Europe, et en mer, raconte l’adolescent, enfoncé – maillot du PSG sur le dos et chaussons Mario Bros aux pieds – dans le canapé du salon de la famille Suteau, à Ancenis.
C’est dans cette maison en bord de Loire que le jeune migrant a posé ses valises en février. «Avant, j’étais à l’hôtel sans personne, sans aucun ami, je ne parlais pas français non plus, quand on me parlait je ne comprenais rien, mais depuis que je suis arrivé dans la famille, ça va mieux», dit-il d’une voix timide.
Après avoir suivi des cours dans un collège allophone de la périphérie de Nantes, Oumar a rejoint à la rentrée un lycée professionnel d’Angers en CAP chaudronnerie, un métier dont il a «toujours rêvé». «Le soir à la maison, j’ai quelqu’un pour m’aider à réviser. Surtout en maths, c’est difficile», relate le jeune mineur.
Quand le conseil départemental lance en septembre 2015 un appel à la solidarité citoyenne pour faire face à l’afflux d’enfants et adolescents étrangers, en Loire-Atlantique – où le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance est passé de 51 en 2011 à 272 en 2015, et 500 à l’heure actuelle – comme dans beaucoup de départements français, Stéphane et Nadège Suteau n’ont pas beaucoup hésité.
– 'Acte militant' –
«Ça a été étudié, réfléchi en famille, et on a confirmé très vite. (…) C’était une démarche des plus naturelles» pour le couple et ses cinq enfants âgés de 16 à 25 ans, dont quatre ont été adoptés, indique M. Suteau. «Oumar a les mêmes droits et les mêmes devoirs que nos autres enfants. Parfois, il oublie de nous dire quand il rentre, donc on lui fait les mêmes observations», cite-t-il affectueusement en exemple.
Encore expérimental, le dispositif d’accueil solidaire concerne 14 adolescents, des garçons essentiellement originaires d’Afrique de l’Ouest. Si 80 familles étaient à l’origine volontaires, beaucoup se sont désistées après la première réunion d’information en octobre, pensant qu’elles allaient héberger de jeunes enfants, explique-t-on au département.
Lancé après une série de condamnations – une quinzaine – à l’été 2015 par le tribunal administratif de Nantes pour non mise à l’abri par le département de mineurs isolés étrangers, l’accueil par des familles reste marginal, une «goutte d’eau» pour les associations, qui militent pour la scolarisation de tous ces jeunes migrants, même ceux dont la minorité est contestée et qui se retrouvent à la rue ou dans des squats.
Alors qu’on estimait en mars à 6.000 environ les «mineurs non accompagnés» présents sur le territoire, un nombre en constante augmentation, «si nous ne sommes pas mieux accompagnés, y compris financièrement, par l’État (…) il y a un risque que les départements ne puissent plus assumer cette responsabilité», faute de moyens et de places d’hébergement suffisantes, alarme Philippe Grosvalet, président (PS) du département de Loire-Atlantique, le seul en France avec la Meurthe-et-Moselle à tester ce type de dispositif d’accueil «complémentaire».
Heureux de leur «acte militant», les Suteau s’inquiètent déjà de «l’après». «Quand Oumar sera majeur, qu’il ne sera plus pris en charge par le département, est-ce qu’il deviendra un clandestin?», s’interroge le «père d’accueil»
AFP
Créé le 17 octobre 2016 11:46Nous vous proposons aussi
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