Hadja Rabiatou Sérah Diallo: » ce que je demande à Alpha Condé et Cellou Dalein… »
CONAKRY- Face à la crise politique que traverse son pays, la Présidente du Conseil Economique et Social a livré un message à l’endroit des acteurs politiques guinéens. Hadja Rabiatou Sérah Diallo qui a dirigé le Conseil National de la Transition avant de se retrouver à la tête de cette institution transversale, donne son avis sur l’invitation faite au Chef de file de l’opposition pour une rencontre avec Alpha Condé.
AFRICAGUINEE.COM : Hadja Rabiatou Sérah Diallo bonjour !
HADJA RABIATOU SERAH DIALLO : Oui bonjour !
La semaine dernière une manifestation de l’Opposition s’est soldée par la mort d’un jeune. Comment observez-vous la crise politique actuelle qui secoue le pays ?
Je voudrai d’abord vous remercier de nous donner l’opportunité d’intervenir et dire aux uns et aux autres que ça n’a pas de sens de perdre un guinéen dans ce genre de circonstance. Aujourd’hui chaque guinéen qui réfléchit a mal au cœur quand on perd un guinéen surtout un jeune. Alors qu’auparavant, il y a eu des appels de part et d’autres. Des religieux ont lancé un appel, les medias aussi. Même en temps que guerre on finit par se retrouver autour de la table. Alors pourquoi ne pas commencer par ça ? Ensuite, nous sommes entre guinéens. Tous ces acteurs politiques, du Président au Chef de l’Opposition ainsi les autres leaders des partis politiques, tous ont lutté pour apporter un changement en République de Guinée. Il n’y a pas de raison aujourd’hui qu’on n’arrive pas à s’entendre. Or c’est la jeunesse qui est toujours victime. Mais espérons que chacun va tirer les leçons pour nous faire éviter encore des victimes. Parce que tous les évènements qui se sont succédés ce sont les jeunes et les femmes qui sont les plus victimes. Il faut qu’on arrête ça et qu’on médite sur ce qui s’est passé dans notre pays, tirer les leçons pour que ça marche. Apporter le changement. J’aime le dire, le changement, c’est de changer aussi les méthodes de travail. Cela interpelle tout un chacun de nous. Avec toutes les bonnes volontés, nous devons le faire.
Vous dirigez une institution transversale. Que faites-vous pour aller dans ce sens ?
Le Conseil Economique et Social est une maison de dialogue et de paix. Nous sommes apolitiques. Chacun peut appartenir à un parti politique mais dès que tu rentres dans cette maison tu laisses des chaussures de politique dehors parce que c’est une maison de dialogue et de paix. Sans la paix, il ne peut pas y avoir de développement. Nous donnons nos avis et recommandations. Nous avons nos stratégies, nous faisons du porte-à-porte. Nous invitons les religieux, les sages, le Gouvernement, les leaders des partis politiques, le Président de la République. Parce qu’on ne peut pas le mettre en marge de ces activités. C’est la première Institution du pays, il faudrait qu’il soit interpelé pour le dialogue. Le Chef de file de l’opposition aussi a une responsabilité. Il est chef de file de l’opposition parce qu’il représente quelque chose dans ce pays. Il n’y a de raison aujourd’hui que ceux qui ont lutté ensemble, qui se connaissent bien ne puissent pas dialoguer. Et je rappelle qu’à l’époque, on ne parlait pas ethnie, c’est la Guinée qui était mise en avant. Depuis notre indépendance, je n’ai pas connaissance qu’on a changé notre hymne national ou les couleurs de notre drapeau. Nous sommes tous des guinéens, et donc quand on parle de la Nation guinéenne, ils doivent s’écouter, se parler, se donner la main, analyser ce qui a marché et ce qui n’a pas marché, tirer les leçons pour aller de l’avant.
A travers toutes les déclarations faites de part et d’autres, pour les interpeller, on se retrouve dans les décisions qui sont en train d’être prises actuellement. Si le Président a accepté d’écrire au Chef de file de l’Opposition, je pense que le chef de l’opposition avec ses collègues doivent aussi accueillir cette invitation pour échanger. Je pense que les deux seulement (Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo) peuvent se retrouver, se parler et chacun va se retrouver vers sa base et avoir des mots d’apaisement. Parce que la Guinée ne mérite pas du tout des violences. Les destructions, les violences appauvrissent encore le pays. Or, le guinéen a besoin aujourd’hui de se nourrir, se vêtir, se soigner, éduquer ses enfants. Si cela n’existe pas à quoi bon ? Tout cela ne peut être résolu que par chacun de nous. Chacun a une responsabilité qui qu’il soit. Et quand on veut on peut. Nous avons de très bonnes initiatives, nous donnons des leçons aux autres. Il faut chacun puisse prendre sa responsabilité et qu’on sache que même devant Dieu demain, au-delà de tout, nous aurons des comptes à rendre. Dire que ce n’est pas moi qui ai tué, ce n’est pas moi qui ai tiré, chacun a une responsabilité devant Dieu. On pouvait empêcher de tuer un guinéen. Il ne faut pas toujours s’arrêter pour dire que c’est le destin. Dieu t’aide sur le chemin sur lequel il t’a trouvé.
Pensez-vous que la main tendue du Chef de l’Etat au Chef de l’opposition est une avancée majeure pour la décrispation de la crise ?
Il faut féliciter le Président de la République qui a entendu les appels lancés à tous les niveaux. Cela doit être entendu aussi par l’Opposition pour apaiser les uns et les autres. Parce qu’on a besoin de ça. Il faut positiver, féliciter et encourager. Mais que ça ne s’arrête pas à ça. Une fois qu’ils vont trouver la solution, il faut continuer sur cette lancée. Il s’agit du grand-frère et du jeune-frère. Quand on était dans les évènements de 2006, 2007, on était frères et sœurs, on était guinéens tout court. On luttait pour la Guinée. Pourquoi ne pas le faire maintenant. Puisque ce fauteuil là aussi n’appartient qu’à une seule personne. Si vous vous entendez, vous voyez la nation en face qui vous a accompagné, vous devez la récompensée. Mais le plus souvent, il y en a des gens qui se plaisent dans les crises. Ils attisent les crises parce que sans la crise, ils n’ont pas leur compte. Eux ils ne voient pas l’intérêt de la nation mais l’intérêt personnel qu’ils défendent. Mais il ne faut se prêter à leur jeu. Il faut encourager les uns et les autres à se parler. Il y en a qui, s’ils ne sortent pas le matin, ils ne trouvent pas quoi manger. Or quand il y a des mouvements tout est arrêté. Et le pays devient encore plus pauvre. Il faut qu’on évite cela.
Etes-vous déçue de la classe politique guinéenne ?
Etre déçue, c’est peut-être trop dire parce qu’il y a eu quand même du bon côté, il faut le reconnaitre. Mais j’avoue que je n’ai pas aimé leur façon de faire. Parce qu’on ne tire pas les leçons du passé. Chacun aurait dû chercher à savoir d’où on est venu. Qu’est-ce qui a été fait jusque maintenant pour ne pas répéter les même bêtises et avoir pitié de ces guinéens qui ont tant souffert. Je me dis que quand le Chef recul ce n’est pas une faiblesse. On est tous des chefs. Il ne s’agit pas du Chef de l’Etat seulement ou du chef de l’opposition, le peuple ne veut que de bons résultats. Le rail ou la rail pourvu que le train passe. C’est les résultats qui comptent pour le peuple. Et il faudrait que les partis politiques de tout bord pensent à comment résoudre les problèmes sans violences. Mais s’il faut à tout interpeler l’extérieur pour nous aider alors que nous avons de bons cadres, de bonnes ressources, il n’y a pas de raisons. On peut résoudre nos problèmes à l’interne. Chacun peut abandonner un peu de son orgueil pour voir la nation en face.
Le reproche qu’on fait souvent aux institutions de la République c’est d’appeler au dialogue, mais de ne pas veiller au respect des accords. Que répondez-vous ?
Vous savez, le respect des accords, incombe d’abord ceux qui les ont signés. Ils sont en première ligne. Tout le monde doit pouvoir suivre. C’est pourquoi il est important de mettre un cadre de concertation en place pour le suivi des accords. Il ne faut pas attendre que la crise soit là tout le temps pour se réveiller en sapeurs-pompiers. Il faut prévenir, prendre les devants. Au niveau de la fonction publique par exemple, il existe un cadre de concertation tripartite (Etat-syndicat-patronat) qu’on appelle la commission consultative. Elle prévient les grèves. Ils se retrouvent pour discuter, déceler les problèmes, ils trouvent des solutions. Mais ici le problème, quand nous prenons des décisions le plus souvent il n’y a pas de suivi. Il faut suivre le niveau d’exécution des décisions. Si c’est fait, cela peut nous éviter des discussions stériles alors qu’on a besoin de développer le pays. Il faut qu’on réfléchisse tous comment prendre des dispositions avant que la crise ne s’annonce. Il faut que désormais, on fasse le suivi de toutes nos activités pour que chacun soit réconforté dans sa position.
Interview réalisée par Diallo Boubacar
Pour Africaguinee.com
Tel. : (00224) 655 31 11 12
Créé le 26 août 2016 17:37Nous vous proposons aussi
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