Violences postélectorales en Guinée : Que demandent les religieux ?
CONAKRY- Suite aux violences enregistrées dans certains quartiers de Conakry au lendemain de l’élection présidentielle du 11 octobre, les Co-présidents de la Commission Provisoire de Réflexion sur la Réconciliation Nationale ont adressé un message d’urgence aux guinéens. Monseigneur Vincent Koulibaly (archevêque de Conakry) et El-Hadj Mamadou Saliou Camara (grand imam de Conakr) lancent un appel d’urgence à la paix et à la cohésion sociale au regard de la situation politique tendue depuis l’élection du dimanche 11 octobre 2015.
Nous vous proposons ci-dessous le contenu de la déclaration des deux religieux…
« Message d’appel d’urgence à la paix et à la cohésion sociale des Co-présidents de la CPRN
Guinéennes et Guinéens,
Chers frères et sœurs,
En notre qualité de leaders religieux, nous, El hadj Mamadou Saliou Camara, Grand Imam de la Mosquée Fayçal de Conakry et Monseigneur Vincent Coulibaly, Archevêque de Conakry, venons une fois encore vers vous après notre message du samedi 10 octobre 2015.
Depuis quelques jours, dans le cadre de l’élection présidentielle du 11 octobre 2015, notre pays traverse des moments difficiles marqués par des violences de toutes sortes. Après avoir constaté avec beaucoup d’amertume ces actes qui continuent dans notre beau pays et analysé les discours des acteurs politiques ainsi que de certains de nos concitoyens nous sommes très inquiets. Les populations nous interpellent pour partager avec nous leur peur face à la tournure que prennent les événements de ces derniers jours.
C’est pourquoi nous vous adressons ce message d’appel pressant à la paix et à la raison.
Guinéennes et Guinéens,
Le droit de vote est un droit sacré car il constitue le canal principal par lequel s’exprime de façon concrète la volonté du peuple. Aussi, les conditions d’exercice de ce droit doivent-elles être exemplaires et revêtir les qualités de transparence, d’impartialité, de neutralité et d’objectivité. C’est pour cette raison que les personnes chargées de l’organisation des élections doivent travailler avec responsabilité afin que ce droit sacré soit respecté. Dimanche dernier, nous l’avons tous vu, les guinéennes et les guinéens se sont levés comme un seul homme pour exercer ce droit dans la paix en dépit de quelques dysfonctionnements que nous avons toutes et tous constatés dans l’organisation logistique de cette élection.
Depuis, c’est avec tristesse que nous observons que notre pays est en proie à des violences de toutes sortes, à des appels à la haine, à l’instrumentalisation des fibres ethniques à des fins politiques.
Face à cette situation qui ne nous honore pas et qui donne à notre pays, l’image d’une Nation dans laquelle ses fils et ses filles s’affrontent, au lieu de s’unir autour des valeurs de tolérance, de compréhension, de l’acceptation de l’autre, de dialogue sincère et de responsabilité, par conséquent, nous devons nous poser un certain nombre de questions.
Avons-nous le droit de brûler cette demeure commune que nos ancêtres nous ont léguée au prix de mille sacrifices ? N’y-a-t-il pas d’autres voies ou mécanismes pacifiques et légaux pour régler définitivement les contentieux qui entourent nos processus électoraux ? Comment pouvons-nous faire avancer notre pays si fragile si nous prônons la violence et la haine ? Quel message voulons-nous transmettre aux générations futures ? Avons-nous une idée de ce que c’est que la guerre ?
Tous ces jeunes, filles et garçons qui ne cherchent qu’à bien vivre et à réussir peuvent-ils prospérer dans le chaos ? Que faisons-nous des préceptes religieux dans lesquels nous avons été moulés ? Quelle est notre vision de la Guinée ? Avons-nous oublié notre passé si chargé de violations des droits de l’homme ?
Ces préoccupations doivent nous orienter pour que rien ne puisse nous amener à précipiter notre pays dans une situation dont nous ne connaissons ni les tenants ni les aboutissants.
Le langage de la violence n’a jamais rien réglé dans un pays. Les peuples qui l’ont expérimenté savent qu’il a engendré des conséquences regrettables.
Bien aimés frères et sœurs guinéens,
L’heure est venue pour nous de sauvegarder notre pays en ce tournant décisif de notre histoire. Chaque parole doit être pesée. Chaque acte doit être mûrement réfléchi.
Aussi, voudrions-nous convier au nom de Dieu, tous les leaders politiques et leurs militants à faire preuve de sagesse et de retenue, à proscrire les manifestations violentes et à épargner notre pays du désastre.
De grâce, épargnons à nos enfants, cette vallée de larmes dans laquelle d’autres pays se retrouvent.
Nous partageons avec vous ce proverbe de la sagesse orientale, (et je cite) : « En ce monde, la haine n’a encore jamais dissipé la haine. Vivons donc heureusement, sans haïr ceux qui nous haïssent. Seul l’amour dissipe la haine. »
Et l’amour vrai consiste à vivre notre différence en respectant l’autre sans le nier, ni l’agresser ».
Africaguinee.com
Créé le 15 octobre 2015 10:55
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