Maintien d’ordre en Guinée : Amnesty International interpelle le président Condé…

Le président guinéen Alpha Condé

DAKAR-Le vote de la Loi sur le maintien d’ordre par l’Assemblée Nationale  autorisant les forces de l’ordre à faire usage d’armes à feu suscite des réactions. L’ONG de défense des droits humains, Amnesty International demande au président guinéen Alpha Condé à ne pas promulguer une telle Loi, qui selon elle, est susceptible de criminaliser toute dissidence, a appris Africaguinee.com.Nous vous proposons de lire cette  déclaration d’Amnesty International intitulée « Guinée : Il faut renforcer la liberté de réunion et d’expression afin de prévenir les violences électorales », qui vient de parvenir à notre rédaction.


"Quatre mois avant les élections nationales en Guinée, le président Alpha Condé doit agir en vue de renforcer une nouvelle loi adoptée par l’Assemblée nationale qui pourrait contribuer à mettre un terme aux violences récurrentes dans le pays, et rejeter une autre loi, qui est susceptible de criminaliser la dissidence, a déclaré Amnesty International.

Le 2 juin, l’Assemblée nationale a adopté un texte de loi sur le maintien de l’ordre public, qui définit quand et comment la force peut être utilisée en vue de maintenir l’ordre lors des manifestations. Selon des informations recueillies par Amnesty International, au cours des 10 dernières années, au moins 357 personnes sont mortes et des milliers ont été blessées lors de manifestations.

« Le passé récent de la Guinée est marqué par la répression violente des manifestations, et les victimes se comptent par centaines. Si nous saluons la nouvelle loi visant à garantir que la force ne soit utilisée qu’en tout dernier recours et dans le respect de conditions strictes, il importe de la consolider et de l’appliquer afin d’enrayer les violences en Guinée lors des prochaines élections », a déclaré Francois Patuel, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest francophone à Amnesty International, qui se trouve en mission dans le pays.

Tout en se félicitant des mesures destinées à définir les rôles et les responsabilités des forces de sécurité guinéennes, Amnesty International a mis en garde contre le fait que la nouvelle loi – que le président doit encore promulguer – comporte des lacunes majeures susceptibles de devenir des poudrières lors de futures contestations et d’entraver le respect, la protection et la réalisation du droit de se réunir pacifiquement.

Point crucial, la loi n’autorise pas les réunions spontanées, et les forces de sécurité conservent le pouvoir de disperser les groupes de manifestants pacifiques si elles estiment qu’une seule personne porte ou cache une arme. Amnesty International craint que ces dispositions ne soient invoquées pour interdire ou réprimer des manifestations pacifiques.

« Les autorités guinéennes doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faciliter la contestation pacifique, en vue de respecter la liberté de réunion et de garantir la stabilité et la sécurité à l’approche d’élections majeures. En prévoyant de limiter les réunions spontanées et de disperser les manifestations pacifiques sans véritable justification, les nouvelles dispositions maintiendraient un risque élevé de violences électorales. Le président doit prendre des mesures en vue de faire modifier la loi avant sa promulgation », a déclaré Francois Patuel.

Cette loi a été adoptée en l’absence de l’opposition, qui continue de boycotter l’Assemblée nationale ; elle doit désormais être promulguée par le président – ou être renvoyée à l’Assemblée nationale pour de nouveaux amendements.

Depuis l’annonce du calendrier électoral en mars 2015, au moins six personnes sont mortes et 57 ont été blessées, dont des membres des forces de police et de gendarmerie, lors d’affrontements qui ont éclaté entre manifestants et forces de sécurité en raison des prochains scrutins. L’élection présidentielle est prévue en octobre 2015 et les élections locales en 2016.

En septembre 2009, plus de 150 personnes ont été tuées et au moins 1 500 blessées lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur un rassemblement de l’opposition dans un stade de la capitale Conakry. Bien qu’une enquête judiciaire a été ouverte, les principaux auteurs du massacre n’ont jamais été traduits en justice.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté une autre loi lors de la même session le 2 juin, qui prévoit notamment des sanctions pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et de lourdes amendes pour insulte, calomnie, offense ou diffusion de « fausses informations » au sujet du président et de responsables publics. Considérant que ces mesures sont une restriction totalement injustifiée de la liberté d’expression qui permettrait de criminaliser la dissidence, Amnesty International demande au président de ne pas promulguer cette loi".

Source: Amnesty International

Créé le 9 juin 2015 20:57

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