Dialogue politique, menaces de manifestation en Guinée : Le Ministre d’Etat François Fall brise le silence ! (Interview)

François Lounceny Fall, Ministre d'Etat aux Affaires étrangères

CONAKRY- L’accord politique du 3 juillet 2013 prévoyait-il l’organisation des élections locales en Guinée ? Après l’annonce de la reprise des manifestations de rue par l’opposition, le Gouvernement guinéen vient de lancer un appel à l’endroit des acteurs politiques. Le Ministre d’Etat aux Affaires étrangères, François Lounceny Fall, qui avait présidé le dialogue politique de juillet 2013, revient sur les différents sujets qui avaient fait l’objet de débats au Palais du Peuple de Conakry.  Dans cette interview exclusive accordée à notre rédaction, le Chef de la diplomatie guinéenne revient aussi sur les mesures que compte prendre le Gouvernement pour assurer une meilleure transparence aux prochaines consultations électorales.


  

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur François Lounceny Fall bonjour !

FRANÇOIS LOUNCENY FALL : Bonjour Monsieur Souaré !

Au terme d’une plénière tenue ce lundi à Conakry l’opposition guinéenne a décidé de reprendre ses manifestations. Votre réaction ?

Je crois que la décision de reprendre les manifestations de rue est contraire aux recommandations de l’accord du 3 juillet 2013. Puisque tout le monde se réfère à cet accord, il stipulait clairement que  les parties s’étaient engagées à renoncer définitivement à la rue et de privilégier le dialogue pour trouver des solutions. Je crois que nous ne sommes pas à des moments propices pour l’organisation des manifestations de rue compte tenu de l’urgence sanitaire que vit le pays. En plus je ne vois pas de raisons fondamentales pour l’opposition de choisir la rue alors qu’elle dispose de toutes les voies légales pour se faire entendre.

En vérité, de quoi il s’agit ? L’opposition estime que la loi été violée. Et, dans un Etat de droit, puisque tout le monde travaille aujourd’hui pour l’instauration d’un véritable Etat de droit en Guinée, si l’opposition estime  que la Constitution a  été violée, nous pensons que c’est la Cour Suprême qui est la gardienne des lois qui doit être saisie. Parce que la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) qui a fait le  chronogramme. Donc dans ce sens-là, s’il y a violation, il faut absolument que l’opposition plutôt  que de s’adresser à la rue utilise les voies légales.

Vous préconisez le respect de l’accord politique du 3 juillet 2013 alors que l’opposition dénonce justement la violation du contenu de ce document…

Moi je prends à témoins tous les leaders de l’opposition qui étaient présents au dialogue politique que j’ai présidé, les conclusions de cet accord n’ont à aucun moment mentionné l’organisation des élections locales. Les points qui étaient inscrits à l’ordre du jour, il y en avait quatre. Il y avait la grande question de Waymark, qui a été réglée dans la mesure où Waymark a été maintenue avec l’assurance de la communauté internationale que l’organisation de l’élection présidentielle on aurait changé d’opérateur. Ce qui est déjà fait. Ensuite, il y avait le problème du vote des guinéens de l’étranger sur lequel le Gouvernement a cédé. On a rouvert la révision de la liste (…), et aussi les enquêtes sur les violences qui s’étaient passées. Nous n’avons à aucun moment décidé d’organiser les élections locales. Si tel avait été le cas, je serais le Premier défenseur aujourd’hui de cet accord. Nous n’avons pas mentionné cela dans les conclusions qui sont d’ailleurs signées par toutes les parties.

Que dites-vous de l’additif qui a été signé par les différents facilitateurs ?

L’additif ne m’engage pas en tant que président du dialogue. Cet additif pêche dans la forme et dans le fond .Parce que quand vous savez que les guinéens ont passé beaucoup de temps à se tirailler, cet additif aurait dû revêtir le saut non-seulement de la mouvance présidentielle, mais de l’opposition en même temps que des facilitateurs internationaux et du président du dialogue. Ce qui n’a pas été fait. Ce qui fait que la valeur réelle qu’on peut accorder à  cet additif à mon avis, ça laisse à désirer.

Que préconiseriez-vous alors pour une rapide sortie de crise ?

Je vais dire que le  chronogramme (des élections) n’a pas été établi par le Gouvernement. C’est la CENI qui est l’organe indépendant qui a fait le chronogramme et pour l’élection présidentielle et pour les élections communales. Elle a présenté les deux chronogrammes à la communauté internationale.  Elle a indiqué qu’elle est dans l’impossibilité d’organiser les deux élections cette année.

On dit qu’on a changé les mairies en délégations spéciales. Mais ces mairies sont en place depuis 2005. Il y a eu 28 mairies qui ont été changées en délégations spéciales à cause de la mauvaise gestion. 314 sont encore en fonction. Même dans ce cas, la CENI fait un travail, elle n’est pas au-dessus de la loi. Si l’opposition estime que la CENI a violé la loi, au lieu de prendre la rue, elle aurait mieux fait  dans un cadre de l’Etat de droit de saisir la Cour Suprême. J’en appelle donc à l’opposition pour éviter encore des manifestations de rue qui n’honorent personne, et de privilégier la voie du dialogue. De répondre à l’appel lancé par le ministre de la justice pour que les deux parties se retrouvent pour conclure ce dialogue que le ministre de la justice a présidé.

Selon vous quelle est la position de la  communauté internationale dans votre bras de fer avec l’opposition ?

Je le dit avec une grande certitude que toute la communauté internationale appelle pour le dialogue. Aucune puissance, aucun pays, ne soutient les manifestations de rue en Guinée. Tout le monde considère qu’on en a suffisamment fait, il y a eu déjà suffisamment de morts, il y a eu suffisamment de destructions et la Guinée a suffisamment de problèmes avec Ebola. La communauté internationale privilégie le dialogue. Je crois que c’est  le message que la communauté internationale a pour l’opposition. Si l’Opposition va dans la rue, elle ira seule, et elle ira à ses risques et périls et avec toutes les responsabilités qui peuvent en découler.

Puisque tout semble se résumer en une crise de confiance entre vous et l’opposition, quelle garantie pouvez-vous donner aujourd’hui sur les mesures que le Gouvernement compte prendre pour garantir la transparence des prochaines élections à travers notamment la participation des observateurs internationaux ?

Nous avons déjà écrit au Secrétaire Général des Nations-Unies, nous avons saisi l’Union Européenne, l’Union Africaine, la CEDEAO. Tous seront les bienvenus aussi bien pour les élections présidentielles que pour les élections communales. Le pays est ouvert. Nous avons des engagements vis-à-vis de la communauté internationale, ils seront respectés. Les correspondances sont déjà parties et certainement les premières missions d’évaluation sont attendues à Conakry très bientôt.

Avez-vous un appel à lancer ?

En tant que guinéen, en tant que président du dialogue, je demande à mes frères, à tout le monde, de privilégier le dialogue, de maintenir la paix dans ce pays. La Guinée a déjà trop souffert. Nous sommes dans une situation de santé très grave avec Ebola. Il ne faut pas ajouter d’autres souffrances à celles que nous avons déjà endurées. Il y a encore une fenêtre d’opportunité pour maintenir la paix, il faut saisir cette opportunité. 

 

Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

Créé le 30 mars 2015 19:18

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