Hadja Biya Diallo: Pourquoi la CENI a choisi GEMALTO? (Interview)

Hadja Biya Diallo, vice-présidente de la Commission électorale nationale indépendante (CENI)

CONAKRY-Alors que l'opposition menace de reprendre ses manifestations en Guinée, Hadja Biya Diallo explique les raisons du choix de l'opérateur Gemalto pour réviser le fichier électoral. Issue du parti de Cellou Dalein Diallo, Hadja Biya est vice-présidente de la commission électorale nationale indépendante (CENI). Dans cet entretien, Mme Diallo dévoile également les faiblesses de cet organe électoral et espère une coopération franche et directe avec l'ensemble des partis politiques. Exclusif!


 

Africaguinee.com : Madame Hadja Biya Diallo bonjour!

Hadja Biya Diallo : Oui bonjour !

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé le recrutement de l’opérateur  technique GEMALTO pour la révision du fichier électoral en vue de l’élection présidentielle de 2015. Selon vous, pourquoi ce choix ?

Effectivement, la CENI a recruté un opérateur qui aura pour charge la révision du fichier électoral. Le lancement de l’appel d’offres a eu lieu le 18 août 2014. Nous avons laissé un délai légal de 45 jours pour permettre aux soumissionnaires d’acheter le cahier de charges. Au bout de ce délai, il y a eu neuf sociétés nationales et internationales qui ont soumissionné. Parmi elles, à l’ouverture des plis le 03 octobre dernier, seulement quatre sociétés ont déposé leurs offres. A savoir : Gemalto, Morpho, Zetes et Smartmatic. Le travail a été fait comme on nous l’avait demandé lors des accords du 03 juillet 2013, sous l’égide des marchés publics. Il y a eu une commission composée des cadres des marchés publics et certains commissaires de la CENI qui ont fait le travail.

 La spécificité de cet appel d’offres est qu’il y a une prestation intellectuelle qui n’était pas anodine. Selon le compte rendu qui nous a été fait par les commissaires qui y étaient, c’est la Société Gemalto qui a remporté la mise. J’ai lancé un appel aux commissaires de la CENI qui y étaient en leur disant qu’il ne faut jamais perdre de vue, leur serment de loyauté, d’indépendance, d’équité et d’impartialité. Parce que si  tout  va bien, tout le monde va se féliciter, mais s’il y a des problèmes, on va ignorer les marchés publics qui ont travaillé avec eux. Et ce sera la CENI qui paiera le pot cassé. Donc, j’espère de tous les vœux que la prestation s’est bien passée, dans la légalité, pour notre institution et surtout pour la quiétude dans notre pays.

Est-ce que les commissaires issus des rangs de l’opposition ont entériné ce choix ?

C’est un peu difficile parce que ce n’est pas une question de personnes au sein de cette institution. Il y a 25 commissaires qui travaillent ensemble, il y a un bureau exécutif, une plénière qui prend la décision d’entériner ou pas un travail qui a été fait et que malheureusement ou heureusement, c’est la volonté de la majorité qui remporte dans de tels cas. Comme vous le savez, il y a aussi la tyrannie de démocratie. Donc, un travail a été fait comme cela a été demandé.  Gemalto a remporté et nous espérons qu’elle va être encadrée par tous les acteurs du processus électoral pour que le travail pour le quel elle a été choisie soit fait dans la quiétude et la stabilité sociale.

L’opposition conteste le choix de cet opérateur en dénonçant son exclusion dans le processus. Que répondez-vous ?

Je peux vous dire que ce débat s’est mené au sein de l’institution avant même qu’on ne commence cette opération. Vous vous souviendrez que nous avions eu une retraite à Kindia après les législatives. Des leçons ont été tirées par rapport aux observations très sévères des observateurs internationaux, de la classe politique et de nous-mêmes.  Nous avons fait notre autocritique pour tirer les leçons. Lors de cet atelier, il y a eu un point extrêmement important sur lequel nous étions tous, d’accord. Ce point portait sur  le manque de communication entre l’institution que nous sommes  et les partis politiques qui sont nos partenaires pour lesquels nous travaillons réellement. Il y a eu un déficit de communication qui a  été dénoncé par tout le monde. Et pour palier à cela, nous avons décidé de mettre en place un comité inter-partis qui serait une interface entre l’institution et les partis politiques. C’est un instrument de transparence pour la crédibilité du travail que nous faisons. Mais il est à déplorer que ce comité interpartis n’a jamais fonctionné malgré toutes les contestations, malgré les débats qu’il y a eu au sein de l’institution. Il est évident qu’aujourd’hui avec la réaction des partis politiques, qu’il y a une insatisfaction qui est justifiée et cela est un handicap pour la CENI, un handicap que nous devons absolument corriger pour la survie de l’institution et pour la quiétude.

La mise en place d’un comité de veille et de suivi faisait partie des recommandations du dernier dialogue politique qui s’est tenu au palais du peuple de Conakry. Pourquoi ce point n’a pas été respecté selon vous ?

Par rapport au cadre du dialogue effectivement, ce comité de suivi et ce comité de veille auraient comblé ce vide. Mais malheureusement, comme vous le savez, les relevés de conclusions n’ont jamais été signés.  Ces comités n’ont pas été  mis en place du fait que les relevés de conclusions n’ont pas été signés et validés.

Parlant toujours du choix de Gemalto, certaines sources affirment que cette société a été imposée par certains cadres qui de la présidence. Qu’en dites-vous ?

 C’est vous qui me l’apprenez. Mais selon les compte- rendus qui m’ont été faits, c’est qu’il y a eu au départ un travail technique. C’est un dossier technique qui a été étudié concernant les quatre sociétés et qu’il y avait des grilles d’évaluation qui ont été prises en compte. C’est après que l’enveloppe financière a été ouverte pour la société qui a été retenue (Gemalto). Mais ce serait  très dangereux pour une société de vouloir être imposée par un clan en Guinée. Nous avons vu ce qui a été réservé à Sabary Technologie et à Waymark dans ce pays, le discrédit au niveau national et international. Moi je pense que ce serait  très risqué pour une société de venir ici avec au départ un esprit de prendre partie pour un bloc. Je ne pense pas qu’une société comme Gemalto qui est cotée en bourse puisse venir pour un marché comme le nôtre et qu’elle perde sa crédibilité ici. Ce serait très risqué et très dommage qu’une telle société prenne ce risque.

Vous parlez de la crédibilité de la société Gemalto, mais au Gabon par exemple  elle a un passé assez trouble…

C’est possible ! Mais attendons de voir ce qu’elle va faire en Guinée aussi. Le Gabon n’est pas la Guinée. Ici je pense qu’avec tout ce que nous avons vécu pendant toutes ces années, je ne pense pas que le peuple de Guinée soit prêt à laisser une société venir faire ce qu’elle veut. Nous avons vu le sort de Sabary Waymark. A partir du moment où il a été établi par les décideurs que le travail qu’ils ont fait ne les convenaient pas, ils sont partis. Et je pense que ça va être pareil. Je pense que le  peuple guinéen est hautement responsable, nous saurons juger. Encore une fois, la Guinée n’est pas le Gabon.

Pourriez-vous nous parler un peu des termes du  contrat, notamment sur le plan financier ?

L’offre financière n’est pas encore débattue. La société doit venir pour le reste des négociations. C’est pour ça qu’il y a eu d’ailleurs un report du passage de la CENI pour le budget au niveau de l’Assemblée. Parce que ce volet n’a pas été entériné. Il y a des discussions et des arbitrages à faire.

 

L’opposition guinéenne dont vous êtes issue conteste la légitimité de votre institution. Que répondez-vous ?

C’est du droit des politiques de réagir comme ils veulent parce que c’est eux qui ont envoyé les  commissaires au sein de l’institution électorale. Parmi les 25, 20 sont issus des partis politiques. Donc, une CENI politique. Si aujourd’hui les mêmes politiques qui ont envoyé des représentants au sein de l’institution sentent que ce pourquoi ils sont là, les valeurs pour lesquels ils ont été envoyés ne sont pas respectés, je pense que c’est aux mêmes politiques de tirer les leçons et de savoir ce qu’il faut faire.

Moi je pense qu’aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir une Assemblée Nationale, ce débat-là doit se faire à l’intérieur de cette haute institution. Parce que c’est une loi organique qui a mis la CENI en place. Et donc, si quelque chose doit se faire, c’est encore eux qui doivent se voir et discuter de cela. A mon avis, c’est quelque chose d’important pour la tranquillité et la quiétude de notre pays. Il faut que ce débat soit mis à un niveau assez plus important pour que nous sachions effectivement quelle CENI, il faut pour notre pays.  C’est extrêmement important. Il y a une situation sociale spécifique à  la Guinée, qui fait qu’il faut qu’il y ait un débat réel de fond pour savoir quelle CENI il faut à notre pays. Et ce travail là revient aux politiques. J’espère qu’ils vont le faire très rapidement.

A votre avis quel type de CENI il faut à la Guinée ?

A mon avis, c’est une question qui  intéresse toute la nation.  Toutes les couches de la nation doivent débattre de cela, les politiques, l’exécutif, la société civile. Voir les spécificités de notre pays pour se déterminer. C’est difficile de dire que c’est une CENI technique ou une CENI politique qu’il faut choisir. Ce qui est extrêmement important à mon avis, tant que la CENI ne se départît pas de toutes les influences de tous les côtés, que ce soit de l’exécutif, des partis politiques, tant qu’on n’a pas des hommes indépendants au sein de cette institution comme c’est le cas au Ghana par exemple,  on va avoir un problème.  C’est un débat ouvert, et il faut que toutes les couches de la nation se donnent les mains, parce que c’est un problème d’intérêt national, qu’ils décident ce qu’il faut pour notre pays et que cela soit respecté.

Concrètement ça ne vous fait pas mal que  la CENI soit recomposée à nouveau avant les élections présidentielles ?

Bien sûr ! Tant que nous n’aurons pas une structure qui correspondra à la nécessité de quiétude et de stabilité de notre pays, il faudra chercher à l’avoir. Nous ne sommes pas venus pour nous éterniser au sein d’une institution, nous avons été choisis parmi 12 millions de guinéens pour faire un travail. Et si ce travail n’est pas fait comme le voudraient ceux qui nous ont envoyé ici dans l’intérêt de la nation, et ben, on en tire les conséquences. Les guinéens sont assez nombreux pour qu’on trouve réellement ceux qui  pourront faire le travail.

Selon vous pourquoi il y a toujours  une crise de confiance entre votre institution et les acteurs politiques ?

Le rôle d’un organe de gestion d’élections, il y a ce que la loi nous impose, c'est-à-dire l’indépendance et  la neutralité. Mais il y a les bonnes pratiques aussi en matière de gestion électorale (…) Ce qui est à déplorer réellement, cette crise de confiance part d’un point extrêmement important. C’est le fait que cette CENI persiste à travailler en solo, et à se mettre comme si  nous étions dans une tour d’ivoire, à ignorer ce qui se passe autour de nous.   Cela n’est pas possible. Aujourd’hui, cette institution a le devoir d’avoir une problématique de porte ouverte vis-à-vis des partis politiques. Ça se passe comme ça dans tous les autres pays. Cela ne se discute même pas. Ailleurs il y a des espaces de discussions officielles qui sont mis en place. C’est le cas du Ghana, du Cap Vert et du Sénégal. Mais chez nous, ça cause des problèmes. Quand on joue à travailler seul, les gens ont l’impression que vous cachez quelque chose. Cela est un gros handicap pour notre institution, ça été débattu ici et nous continuons à en débattre. Mais ça nous rattrape à chaque fois qu’il y a un problème.

Mais je rassure la population qu’il y a des gens qui luttent au sein de la CENI pour corriger ce problème. Parce que nous ne pouvons pas être solidaires de l’illégalité. Les valeurs pour lesquelles  nous sommes là, nous imposent que tous les compétiteurs soient mis sur les mêmes pieds d’égalité. Malheureusement je l’avoue que ce travail reste à faire, parce qu’il y a des réticences. J’en appelle d’ailleurs au président de la CENI pour qu’il sache que nous ne pouvons pas travailler en autarcie. Nous sommes obligés de nous ouvrir aux politiques pour échanger avec eux, pas pour qu’ils nous donnent des injonctions, mais pour que nous prenions en compte leur désidératas, leurs avis que nous allons transformer en données techniques. Pour que tous se sentent impliqués dans le travail que nous faisons sinon, si on fait le travail sans eux, c’est normal qu’il y ait des contestations, c’est de bonne guerre. J’en appelle donc, à tous les collègues, au président de la CENI de revoir cette façon de travailler puisqu’elle va nous rattraper d’une manière ou d’une autre.

Est-ce que la crise de confiance entre les commissaires de la CENI est aussi profonde ?

Dans toute entité professionnelle, il y a des problèmes. Mais il ne faut pas perdre de vue que nous venons d’horizons très diverses au sein de cette institution. Il y a la société civile, il y a des politiques… Donc, ce n’est pas toujours évident (…) je vous le  dis encore qu’il y a des réticences pour l’ouverture aux politiques. Cela est inacceptable. Les candidats aux élections pour lesquels nous travaillons relèvent des partis politiques, les électeurs qui sont sur nos listes relèvent des partis politiques, donc, nous ne pouvons pas dire que  nous allons travailler sans ces entités là. Il y a des commissaires qui se battent pour que cela soit fait, mais malheureusement, il y a d’autres qui sont réticents. J’en appelle au président de l’institution qui est le garant de la transparence de l’institution pour qu’il y ait des espaces de transparence avec les politiques.

Certains observateurs soutiennent que vous avez changé de ton depuis que vous êtes  à la CENI. Que répondez-vous ?

Sur ce point, je voudrais rassurer toutes les personnes qui pensent à ça. Effectivement, Hadja Biya la militante, celle qu’ils ont vues dans les marches, qui a été battue, qui est allée même en prison, qui a pris des gaz lacrymogène (…), je voudrais les rassurer  en disant que cette hadja Biya est immuable, elle ne peut changer, mais ce n’est pas qu’en parlant qu’on peut accomplir des choses. Les valeurs pour lesquelles, j’ai été envoyée à la CENI,  ne sont pas négociables pour moi. Il y a une question de dignité et de responsabilité vis-à-vis d’une nation. Au-delà de la formation politique qui m’a mise là (l’Union des forces démocratiques de guinée de Cellou Dalein Diallo, Ndlr), j’ai une responsabilité vis-à-vis d’une nation, vis-à-vis de ma famille biologique même. Il y a des choses que je ne peux pas me permettre. Je rassure ces personnes que je ne changerais pas d’un iota, je resterais toujours la même, le combat pour les valeurs, je le mènerai jusqu’à ce que je quitte la CENI.

Les élections communales et communautaires qui devaient se tenir avant la fin de l’année 2014 ont été reportées sine-die, pour des raisons inconnues. Et entretemps l’épidémie Ebola est venue s’emmêler. Dites-nous aujourd’hui, est-ce que votre institution dispose d’un calendrier pour la tenue de ces élections ?

Parlant d’Ebola, je voudrais profiter de votre micro pour présenter toutes mes condoléances aux familles de nos concitoyens que nous avons perdus et que nous sommes en train de perdre. Il est évident que la priorité de toute la nation guinéenne, de la sous-région et du monde entier est de se donner la main pour combattre cette épidémie qui nous arrache ce que nous avons de plus cher. 

Effectivement, les élections communales étaient prévues en 2014. Ça m’étonnerait qu’elles puissent se faire.  Mais en ce qui nous concerne, nous sommes en train, dans un travail interne, de corriger les anomalies, à rapprocher les électeurs de leur bureau de vote, à revoir la cartographie électorale, les bureaux de vote. Nous sommes aussi en train de préparer un plan opérationnel. Et, le moment venu, la CENI sera prête pour proposer un chronogramme. Parce qu’il est extrêmement important que ces élections locales soient faites avant les élections présidentielles.

Mais je vous assure qu’Ebola ne peut pas figer notre pays et faire que nous soyons en stationnement sinon nous allons nous laisser mourir. Nous combattrons Ebola, nous ferons les élections au temps venu. Parce que notre pays a besoin de cela, pour son image, pour l’encrage de la démocratie. On est obligé de le faire et je prie que ce soit le plus rapidement possible.

Donc pour le moment la CENI n’a misé sur aucune période pour la tenue de ces élections ?

Je ne saurai le dire, mais ce qui est certain, c’est que les communales seront faites en prélude des élections présidentielles.

Quel est le budget que la CENI a proposé pour la tenue des ces élections ?

C’est ce que je disais tantôt. Nous devrions passer pour défendre notre budget au niveau de l’Assemblée Nationale, mais ça été reporté parce que l’enveloppe financière des élections présidentielles n’a pas été déterminée. C’est un travail inachevé. Dès que cela va se faire, vous serez informés.

 Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 31 11 12

Créé le 20 novembre 2014 10:51

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