L’opposition dispersée à Ouagadougou, un mort
OUAGADOUGOU (Reuters) – L'armée burkinabée, visiblement bien décidée à conserver le pouvoir deux jours après la démission du président Blaise Compaoré, a dispersé dimanche plusieurs milliers de manifestants rassemblés à Ouagadougou et des militaires ont tiré des coups de feu au siège de la radio-télévision publique.
A l'appel de l'opposition, les manifestants ont convergé sur la place de la Nation, épicentre du mouvement de contestation qui a renversé Blaise Compaoré en quelques jours après vingt-sept années passées à la tête du pays.
L'état-major a désigné samedi le lieutenant-colonel Isaac Zida, membre de la garde présidentielle, pour mener à bien la transition. Dénonçant un coup d'Etat militaire, l'opposition accuse l'armée d'avoir "confisqué" le pouvoir.
Les tirs signalés au siège de la RTB ont retenti peu après l'arrivée de Saran Sérémé, présidente du Parti pour le développement et le changement (PDC) et figure de l'opposition. Elle était accompagnée d'une centaine de partisans qui scandaient "Saran présidente !", ont rapporté des témoins.
Saran Sérémé a par la suite déclaré au site local d'information Burkina 24 qu'elle avait été amenée de force à la RTB et elle a nié avoir eu l'intention d'y faire une déclaration pour se déclarer présidente de transition, contredisant ainsi des informations de l'armée.
La RTB a cessé d'émettre pendant plusieurs heures.
Un porte-parole de l'armée a annoncé qu'un manifestant avait été tué et a appelé au calme.
"Le pouvoir ne nous intéresse pas", a assuré Auguste Barry avant d'avertir que "tout acte de nature à remettre en cause le processus de transition sera réprimé avec vigueur et fermeté".
Peu après, la garde présidentielle a fermé les accès à la place de la Nation.
Samedi soir, l'opposition et les organisations de la société civile avaient publié un communiqué pour réaffirmer que "la victoire issue de l'insurrection populaire appartient au peuple. Et, par conséquent, la gestion de la transition lui revient légitimement et ne saurait être, en aucun cas, confisquée par l'armée".
"Zida = Judas", pouvait-on lire dimanche sur une pancarte brandie par un manifestant, place de la Nation. "Zida, dégage", proclamait une autre.
CONDAMNATIONS DE L'UNION AFRICAINE ET DES USA
Dans un communiqué diffusé samedi, l'Union africaine a elle aussi condamné l'arrivée de l'armée au pouvoir. Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l'UA, a jugé du devoir des forces armées et de sécurité "de se mettre à la disposition des autorités civiles qui seront chargées de conduire la transition et d'agir dans un esprit républicain".
Mohammed Ibn Chambas, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest (UNOWA), s'est également prononcé pour la restitution du pouvoir à la société civile.
"Nous espérons une transition conduite par des civils conformément à la Constitution", a-t-il déclaré, évoquant de possibles sanctions dans le cas contraire.
La constitution du Burkina Faso prévoit qu'en cas de vacance à la tête de l'Etat, l'intérim est confié au président de l'Assemblée nationale et une élection est organisée dans un délai de 90 jours. Mais la chambre a été dissoute par l'armée au soir des violentes manifestations de jeudi dans le cadre de l'état d'urgence brièvement décrété par Compaoré.
Les Etats-Unis ont également condamné "la tentative de l'armée du Burkina d'imposer sa volonté au peuple du Burkina Faso" et exigé "de l'armée qu'elle transfère immédiatement le pouvoir aux autorités civiles", selon une déclaration de la porte-parole du département d'Etat, Jen Psaki.
Washington pourrait geler sa coopération militaire avec le Burkina s'il considère que l'armée a bien procédé à un coup d'Etat.
Vendredi, Paris avait salué la démission de Compaoré et appelé à la "tenue rapide d'élections démocratiques".
Le Burkina Faso est l'une des bases de l'opération Barkhane mise en place par Paris pour contrer les groupes islamistes au Mali et dans le reste de la bande sahélienne. Des forces spéciales y sont stationnées.
(avec Mathieu Bonkougou; Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Marc Angrand)
Reuters
Créé le 3 novembre 2014 09:24Nous vous proposons aussi
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