Tueries de Womey : Entretien avec le porte-parole du gouvernement, Damatang Albert Camara…
CONAKRY- Qu’est-ce qui est à l’origine des violences survenues le 16 septembre dernier dans la localité de Womey ? Quelle stratégie adopter pour mettre fin aux violences dans cette région de la Guinée ? Le gouvernement guinéen promet de sévir contre tous les auteurs de ces tueries. Dans cette interview exclusive accordée à notre rédaction, le ministre porte-parole du gouvernement guinéen, Damantang Albert Camara, lance un appel à l’endroit de tous les agents qui interviennent dans la lutte contre la fièvre hémorragique à virus Ebola en Guinée. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Monsieur le ministre bonjour !
DAMANTANG ALBERT CAMARA : oui bonjour !
Au niveau du gouvernement guinéen comment avez-vous accueilli les tueries de Womey survenues le 16 septembre dernier ?
Avec beaucoup d’indignation, de l’inquiétude, dès l’instant où cette mission composée de représentants de l’Etat qui étaient allés pour procéder à la sensibilisation pour la lutte contre la fièvre hémorragique à virus Ebola. Comme dans certaines préfectures où nous avons déjà enregistré des tensions, des hostilités aux campagnes de sensibilisation relatives à cette épidémie. Mais c’est la première fois qu’on atteint cette extrémité-là, et ce qui est aussi inquiétant, c’est que ça s’adresse à des représentants de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions. Donc il y a une double inquiétude au-delà de l’indignation que constitue le massacre de neuf personnes dans des conditions qu’on connait.
Certains observateurs dénoncent une faiblesse de l’Etat comme étant l’une des causes de ces violences. Que répondez-vous ?
C’est une perception que je ne partage pas forcément. C’est vrai que dans les situations spectaculaires, et puisque la Guinée a été très souvent habituée à certaines situations particulières où on met en scène des jugements, des exécutions, les gens ont eu l’impression que l’Etat a été absent. Je vous rappelle lorsqu’il y a eu les évènements de Nzérékoré il y a un an environ ; il y a eu des arrestations, des jugements et il y a eu des personnes condamnées. On vient de terminer des assises, des personnes ont été condamnées. C’est vrai on peut dire qu’il y a une absence de l’Etat dans plusieurs régions et préfectures de la Guinée. De l’Etat en tant que puissance publique capable de gérer l’ordre et la sécurité, c’est une réalité, c’est un travail de longue haleine avant de faire de telle sorte que cette autorité se rétablisse. En attendant il y a des choses qui sont inacceptables. Ce n’est pas parce qu’on estime qu’il y a de l’impunité que l’on va se permettre de massacrer des gens et que l’Etat va rester inactif .Aujourd’hui il y a une vingtaine de personnes déjà arrêtées et je crois que vous avez suivi avec moi l’intervention du premier ministre sur ce sujet.
Malgré les promesses du gouvernement les citoyens semblent douter de plus en plus de l’appareil judiciaire. Qu’en dites-vous ?
En tout cas c’est l’appareil judiciaire que nous avons, nous n’en avons pas d’autres. Donc soit nous nous mettons tous ensemble pour l’améliorer et lui donner les éléments afin qu’il s’améliore, c’est vrai qu’il y a des faiblesses, soit on continu à le critiquer de manière inconsidérée, sans forcément lui apporter un appui, en ce moment-là on échoue dans la mission collective qui est celle de faire de notre pays un Etat de Droit. C’est vrai qu’il y a des faiblesses au niveau de la justice, et de la sécurité, c’est bien la raison pour la Guinée d’être sous le programme de réforme du secteur de la sécurité appuyée par l’Union Européenne, les Nations-Unies et d’autres partenaires à nous. C’est un travail qui demande assez de temps .En attendant il faut que nous fassions fonctionner nos institutions. Et ce n’est pas complètement vrai de dire que la justice ne fait pas son travail. Je crois que beaucoup de choses ont été déjà faite depuis que nous sommes arrivés aux affaires. Beaucoup de choses ont été enclenchées depuis que le nouveau ministre de la justice est là, avec la validation du statut de magistrat, l’adoption du conseil supérieur de la magistrature. Ce sont des outils qui devraient permettre à la justice de monter à niveau en qualité et de faire de telle sorte qu’elle soit un instrument dissuasif.
Comment expliquez-vous le fait que des représentants de l’Etat soient directement visés par des attaques de la part de citoyens ?
C’est vrai que c’est en cela que c’est très grave. Au-delà de l’émotion il faut se demander comment on a pu arriver jusque-là et ça demande beaucoup de réflexion et surtout du recul par rapport à l’évènement pour trouver les tenants et les aboutissants. Ce n’est pas la première fois qu’un responsable de l’autorité publique fait l’objet d’attaque. Dans le cas de la fièvre Ebola nous avons des préfets et des sous-préfets qui ont été attaqués dans certaines régions pas loin de Nzérékoré, c’est vrai ce n’est pas allé jusqu’au meurtre. Avant ça, vous vous souvenez qu’il y a un commissaire qui a été assassiné à lambanyi, le directeur national de la police lui-même a vu son domicile attaqué, sans qu’on ait pu retrouver les assaillants, son garde du corps a été tué il y’a deux ou trois ans. Je crois qu’effectivement tout ceci met à jour la nécessité de renforcer le dispositif sécuritaire. Renforcer la police demande beaucoup de ressources et de moyens. Il n’y a pas trop longtemps depuis que la Guinée est sortie de l’embargo à cause de son déficit démocratique. Espérons que les moyens arrivent très vite en termes de ressources, de matériels et également de formation.
Monsieur le ministre avant Womey il y a eu les évènements de Saoro, de Galapaye et même de Koulé. Comment expliquez-vous cette spirale de violence dans cette région ?
Avant les évènements dont vous parler il y a eu d’autres. C’est une région qui est coutumière de violences. Je crois que c’est aussi dû au stress et au fort traumatisme que cette région a subit à cause de la situation dans les pays limitrophes, notamment les guerres civiles, les incursions rebelles, la présence massive des réfugiés pendant très longtemps qui a été très agressive que pour la nature, l’environnement et les populations. Et ensuite une forte concentration des populations qui pour le moment, c’est vrai parfois manipulées par des politiciens sont de temps en temps rentrées en conflit. Il y a beaucoup d’efforts qui sont concentrées dans cette région de la Guinée, par nos partenaires internationaux ,des ONG , par le gouvernement pour essayer d’établir un climat de paix durable et de coexistence. Nous espérons pouvoir y arriver. Mais ceci ne peut être qu’avec la participation active et effective de certains leaders d’opinion de cette région.
Certains observateurs pointent du doigt les ex rebelles de l’ULIMO. Votre avis ?
Est-ce qu’on a des éléments probants qui permettent de le prouver ? Vous savez on entend tout et n’importe quoi. J’ai même entendu un opposant dire que le gouverneur aurait dû procéder par des techniques markétings, c’est bien le mot utilisé, on ne rêve pas, pour sensibiliser les populations. Chacun a sa solution, chacun fait son diagnostic. Peut-être il n’y a pas de solutions parfaites. De grâce basons-nous sur des faits et des preuves, et évitons de détourner la justice des vraies pistes. On met l’accent sur des rebelles de l’ULIMO ou autres alors que le problème est ailleurs. On aggrave la situation et on ne finira jamais de régler ces problèmes-là. Restons dans des considérations purement basiques et axons-nous rien que sur les faits. A partir de là on trouvera la vérité, quoi qu’il en soit, que ce soit ULIMO ou autres factions ou mouvement il n’est pas question qu’on laisse des personnes manipulées des populations et semer une situation de désordre et d’insécurité.
Le gouvernement guinéen dénonce une manipulation des populations dans cette affaire. Selon-vous à qui pourrait profiter ces violences dans cette région de la Guinée ?
Je crois que ça répond à une logique. On comprend mal que des villageois qui n’avaient jamais été confrontés à ce genre de situation tendent une embuscade et massacrent de personnes qui sont venues pacifiquement délivrer un discours de sensibilisation sur une maladie. Il y a quand même quelque chose d’étrange. Mais on ne peut pas dire que c’est telle ou telle personne qui a manipulé, mais il est clair que cette réaction est tout sauf spontanée.
Les agents qui évoluent sur le terrain dans le cadre la lutte contre Ebola semblent avoir de plus en plus peur aujourd’hui à cause de l’insécurité dans la région. Quel est le message que vous avez aujourd’hui à leurs adresser ?
C’est une peur qui est tout à fait légitime. Le gouverneur même de cette région a échappé de justesse à ce massacre .Il y avait deux ministres dans la zone qui pouvaient se trouver dans ce village pour la sensibilisation et qui auraient subi le même sort. Nous comprenons et demandons à toutes les personnes impliquées dans la lutte contre le virus Ebola de continuer leur travail. Nous avons été certes surpris par cette réaction, mais il s’agit de prendre maintenant d’autres mesures pour que ceci n’arrive plus. Je pense que nous pourrons arriver à sensibiliser les populations. On a vécu des situations pas similaires, mais qui se rapprochaient dans la zone de Macenta où il y avait des résistances des populations. C’est bien sur les endroits où il y avait la résistance que, avec leurs ressortissants qui font appel aux expatriés pour venir les aider à la lutte contre Ebola et qui les appuient même dans d’autres localités pour combattre la Fièvre Ebola.
Si on arrive à inverser cette tendance dans les environs de Womey, nous pensons que nous pourrons rétablir la confiance entre le gouvernement, les populations que nous sommes censées appuyer et les partenaires dans le cadre de cette lutte contre le virus Ebola.
Entretien réalisé par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 655 31 11 11
Créé le 26 septembre 2014 01:02
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