Ministre Koutoubou Sanoh: »Avec ébola,la Guinée a compris qu’elle ne doit pas dépendre de ses voisins »

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CONAKRY-"Choqué", "Surpris"! Les mots sont forts de la part du ministre guinéen de la coopération Dr Koutoubou Sanoh face à l'attitude des pays africains qui stigmatisent son pays à cause du virus ébola.Dans cet entretien, il répond également à la menace  de poursuite en justice un jeune étudiant guinéen après son retour au Sénégal.D'autres sujets sont également abordés notamment la question de la libre circulation des personnes dans l'espace de la communauté économique des états de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO)…


Africaguinee.com : Malgré l’appel lancé par le gouvernement guinéen, l’étau semble se resserrer  davantage sur la Guinée avec la fermeture des frontières avec certains pays voisins. Quel est l’état de la situation aujourd’hui avec cette Fièvre Hémorragique à virus Ebola ?

Dr Koutoubou Sanoh : Je crois que c’est un appel qui a été lancé par les instances internationales (OMS et MSF) tout en demandant aux gens que la fermeture des frontières n’est pas une solution. Cela ne changera rien sur le terrain, ça ne protègera pas aussi ces pays qui ont fermé leurs frontières.  Sur cette base, je crois que la Guinée avait raison quand elle a lancé cet appel, demander la solidarité africaine, la solidarité du voisinage, et le rappel des liens historiques avec ces pays. Nous  avons été surpris  de voir que c’est nos frères mêmes qui ont décidé de fermer leurs frontières. Quand j’ai un malaise chez moi, je me tourne normalement vers mes frères qui ont le devoir de m’accueillir et de me soulager. Mais ce qui est arrivé cette fois-ci est une leçon pour la Guinée. Les guinéens doivent apprendre à  se tenir debout et  prendre leur destin en mains. On ne doit pas croire  à certains slogans, comme par exemple la libre circulation dans l’espace C.E.D.E.A.O ! Il faut reconnaitre qu’une telle situation, nous prouve davantage qu’il ne faut dépendre trop de ses voisins, ni d’être trop dépendant  de certains de ses amis. Dans ce cas de figure on sait qui est ami avec la  Guinée ou pas. Cette fermeture nous a choqué et surpris. Quand on parle de libre circulation c’est y compris les malades, cela ne veut pas dire qu’il faut laisser tous les malades  se déplacer à leur guise. Mais si un malade arrive chez vous et vous n’êtes pas en position de recevoir ce malade, mais garder cela en vous. Avant l’arrivée du virus ébola, les gens quittaient la Guinée pour aller se soigner à Dakar, Abidjan, au Maroc. Aucun de ces pays n’avait demandé le renvoi des malades guinéens (…) Aujourd’hui, même si le virus ébola est dangereux, cela ne veut pas dire qu’il faut isoler la Guinée. On ne demande pas à nos voisins un soutien matériel ou financier, mais un soutien moral. L’année prochaine, la  CEDEAO va fêter  son 40ème anniversaire, si aujourd’hui ce virus est arrivé, c’est aussi  un test à la libre circulation des personnes dans cet espace et je crois cette libre circulation est définitivement mise en cause (par l’attitude des pays voisins) .

Africaguinee.com : En tant que Ministre chargé de la Coopération Internationale comment avez-vous réagit aux propos du président sénégalais Macky  Sall qui a menacé de traduire ce jeune guinéen qui s’est transporté dans son pays avec le virus Ebola ?

Je dirais que Macky Sall est mon président, je suis sénégalais, Ivoirien, guinéen, béninois. Je crois à l’intégration africaine. A mon avis en tant que citoyen sénégalais ou guinéen,  je ne méritais pas un tel traitement de mon président. Mon président allait penser rendre visite aux malades et leur exprimer sa compassion et  sa sympathie particulière pour ce pauvre malade. Tomber malade n’est pas un crime, on ne souhaite  pas d’être malade aujourd’hui, ce n’était pas sa volonté la maladie l’a attrapé comme elle pouvait attraper mon président, et tout un chacun. Personne ne peut être épargné. Alors si quelqu’un est condamné pour un fait qu’il n’a pas crée, pour un crime qu’il n’a pas commis, j’aurais pensé que mon président allait exprimer sa compassion envers ce jeune.

Africaguinee.com : Nos compatriotes sont ils stigmatisés par les populations sénégalaises ?

Entant que leaders africains , ils  ont un devoir envers un devoir.leurs peuples. Je crois qu’ils ont le devoir d’apprendre  et sensibiliser les populations pour ne pas stigmatiser les gens. Quand on rejette un malade, c’est une accusation directe de la volonté divine. Personne ne souhaite tomber malade à plus forte raison d’être attaqué par Ebola.

Africaguinee.com : Est ce que cela met en doute les principes fondateurs des organisations comme la CEDEAO ?

Pour moi c’est un test, nous sommes juste à quelques mois de la date anniversaire fêtant les  quarante ans de cette organisation en mai prochain. Qu’est ce qu’on a pu faire depuis tout ce temps ? Nous avons crus à cette politique qui implique que tous les citoyens de la CEDEAO ont droit une carte d’identité de la CEDEAO  qui leur permet de se déplacer, s’installer partout dans cet espace. Nos frontières actuelles, chacun de nous sait qu’il s’agit  de frontières artificielles (héritées de la colonisation). Je pense qu’on devait aller à cet anniversaire  de la CEDEAO plus soudé  et plus fort  que jamais.

Africaguinee.com : Nous apprenons qu’aucun pays africain n’a manifesté aucun soutien  à l’endroit de la Guinée, hormis peut être la Gambie ?

Je suis  désolé,  surpris et très choqué. Au moment où  je vous parle, nous n’avons bénéficié d’aucun soutien de la part d’un pays africain. Si je dois dire cela, je le dis haut et fort. Cela nous enseigne, nous ne pouvons pas croire que la Guinée, la sierra-Leone et le Libéria soient dans cette situation et qu’il n’y ait pas une solidarité  autour de nous. Seule la Gambie et le Nigeria qui ont exprimé et qui ont confirmé qu’ils souhaiteraient  contribuer à hauteur 500 mille dollars pour  soutenir  les efforts des services de santé.  Nous ne demandons pas de l’argent de leur part, ou des assistantes financières, mais le soutient moral. J’aurais souhaité par exemple voir venir des ministres de la sous-région  en Guinée pour connaitre comment se passe les choses, voir des médecins de ces  pays  venir s’enquérir des réalités du terrain.  Si on ne veut  pas soutenir la Guinée, alors  qu’ils ne stigmatisent pas les populations guinéennes. Aujourd’hui, un voyageur qui passe 24h à Conakry  n’a plus droit de faire le transit dans ces pays ! Le souhait est que cela soit corrigé dans les meilleurs délais, qu’on se retourne est qu’on dise ce que nous avons fait à la Guinée était une erreur. La France par exemplepouvait être le premier pays à isoler  la Guinée et à interdire ses vols vers notre pays, mais elle ne l’a pas fait, par solidarité. ainsi pour le Maroc.

Africaguinee.com : Monsieur le ministre il y a eu des puissances occidentales qui ont manifesté leur soutient à l’endroit de la Guinée. Les Etats –Unis annoncent même l’envoi de militaires  pour aider la Guinée.  Est-ce que la Guinée a été avisée ou sollicitée ?

Je  crois ce que le département d’Etat  américain a annoncé,  c’est l’envoi d’une équipe qui doit renforcer la sécurité du personnel médical au Libéria. Il est question que la vie de ce personnel soit sécurisée. Je crois que c’est dans ce sens que cette déclaration a été faite par le département d’Etat .Quant à la Guinée je crois que nous ne sommes pas dans cette situation. Le directeur général de la CDC (centre de contrôle et de prévention des maladies, Ndlr), nous a confirmé ici que la Guinée est en voie de gestion de l’épidémie. C’est ce qui les a encouragé à venir.

Africaguinee.com : il y a aussi de grandes puissances qui ont annoncé des vaccins comme la Russie ; est ce que ce pays par exemple vous a contacté ?

Le Ministère de la santé a de bonnes nouvelles, je crois que le ministre de la santé est mieux placé pour répondre à cette question.

Africaguinee.com : Il y a une commission chargée de la logistique avec le ministère de la santé piloté par la pharmacie centrale. Qu’en est-il exactement?

Je voulais  vous rassurer que tout ce que nous avons reçu dans le cadre de cette lutte  contre ébola, surement il y aura un audit sur cette gestion. Nous avons les inventaires, la liste de tout ce dont la guinée a bénéficié. Jusqu’au moment où je vous parle je vais vous rassurer que nous sommes entrain de gérer avec beaucoup de responsabilité et de patriotisme. Nous avons le devoir aujourd’hui d’aller mobiliser  beaucoup d’assistances, d’intrants et de produits pour permettre à notre personnel de santé de continuer à faire leur travail en toute sérénité . Il faut reconnaitre que la majorité des annonces d’aides  sont gérées par nos partenaires, à savoir l'OMS, MSF, l'UNICEF et CDC. Je crois que la création de la cellule de la coordination nationale de la lutte contre Ebola vise à  associer la Guinée à gérer cette épidémie avec plus d'efficacité.

. J’ai la ferme conviction que la Guinée s'en sortira de la meilleure des manières de cette crise, plus forte et plus grande. Aujourd’hui, l’Union Africaine a demandé aux pays frères qui ont fermé leurs frontières de revenir sur cette décision. Nous remercions l’UA, mais aujourd’hui certains pays continuent à violer  ce principe.

Je pense que les principes d’intégration, en particulier de libre circulation des personnes et des biens dans l'espace de la CEDEAO sont mis en examen. Il faut qu’on agisse pour ne pas que les futures générations nous condamnent.

 

Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com

Tél. : (+655) 655 31 11 11

Créé le 11 septembre 2014 13:18

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