Opposition, élections et Ebola en Guinée: Entretien avec le ministre Damantang Camara

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CONAKRY-Pourquoi le pouvoir et l'opposition peinent à s'entendre sur les accords du 3 juillet 2013?Accusé de "laxisme" pour sa gestion de l'épidémie d'ébola, le gouvernement guinéen essuie les critiques virulentes de l'opposition.Dans cet entretien, le porte-parole du gouvernement, Albert Damantang Camara lève un coin du voile sur plusieurs sujets d'actualité en Guinée. Exclusif!


AFRICAGUINEE.COM : Bonjour Monsieur le Ministre !

DAMANTANG ALBERT CAMARA : Bonjour M. Souaré !

Africaguinee.com : Un bras de fer semble désormais inévitable entre le pouvoir et l’opposition. En tant que porte-porte du gouvernement, pouvez-vous nous dire où vous en êtes , avec les accords devant sanctionner le dialogue politique qui s’est tenu récemment au palais du peuple ?

Oui, ces accords tardent encore à être signés parce qu’ils contiennent des dispositions qui ne satisfont pas  les deux parties notamment la mouvance présidentielle et le gouvernement  sur des points précis. Donc, le principe est très simple. S’agissant du gouvernement, c’est faire respecter les accords du 03 juillet, prendre les mesures pour faciliter l’exécution des accords du 03 juillet  mais ne pas aller au-delà,  sauf si ça  a un intérêt particulier et surtout ne  pas violer la loi.  Dans cette limite nous sommes prêts à assumer ce que  l’opposition  voudra bien ou  estimera  utile et possible, pour  la poursuite du processus démocratique en Guinée.

Au-delà, ça sort du champ des accords du 03 juillet 2013 et pour nous cela semble illégal. Nous espérons que les jours à venir  vont  nous permettre de voir plus clair ou peut-être de trouver des formules qui permettent d’aplanir les inquiétudes de l’opposition et de ne pas violer la loi.  

Africaguinee.com : Selon vous quels sont les points de divergence entre l’opposition et la mouvance présidentielle ?

La volonté de l’opposition de faire en sorte que l’opérateur  technique  soit expressément exclu  de l’appel d’offres qui va être fait pour recruter  le nouvel opérateur. Ceci n’est pas prévu dans les accords du 03 juillet et ceci  risque de rendre illégal cet appel d’offres. Donc,  si cet opérateur est aussi défaillant qu’il a été constaté, il n’aura aucune chance de gagner cet appel d’offres, mais on ne peut pas violer le code des marchés publics et aller dans un sens qui n’a rien à voir avec ce qui a été prévu  le 03 juillet.

Africaguinee.com : Mais cet opérateur (Way Mark Sabari) a toujours été récusé par cette opposition…

C’est une question de principe. Je  crois que le danger avec  cette approche de  l’opposition est que cela ne semble pas pratique du point  de vue de l’exécution. Rien n’empêche cet opérateur de changer d’identité juridique ou de se rallier à un autre operateur et de revenir sur cet appel d’offres, c’est  le premier élément. Ensuite, lors des débats qui avaient eu lieu,  qui ont précédés les accords du 03 juillet, un membre de la mouvance présidentielle avait soulevé une question pertinente. Il avait  demandé  à l’opposition,  « vous voulez qu’on reprenne  l’appel d’offres et si on reprend l’appel d’offres ;  et si  c’est waymark qui gagne encore qu’est-ce qu’on fait ? » Il y a eu  un silence dans la salle, les gens sont passés sur cette question.

 Je crois que c’était l’occasion rêve pour  l’opposition,   en ce moment nous étions tous ensemble. Il y avait les facilitateurs nationaux et internationaux.  C’était de poser le problème en disant que  quel que soit la manière dont nous allons recruter l’opérateur, il faut que celui qui est là  c'est-à-dire Waymark  soit exclu. On aurait  évacué cette question, mais  ce n’est pas plusieurs mois après  qu’on vient poser le problème ! Je crois qu’il faut être raisonnable et éviter de faire de la surenchère,  sans compter que si on s’en tient  à la défaillance de l’opérateur, il faut remonter jusqu’à la défaillance de l’opérateur qui a précédé Waymark en ce moment-là, il faut demander  à SAGEM de ne pas également participer à l’appel d’offres puisque chacun se souvient de toutes les erreurs techniques qui existaient dans le fichier et l’incohérence de la répartition des bureaux de votes. Je crois qu’il faut laisser les règles des marchés publics concourir.  Simplement avoir des termes de référence pour éviter qu’un nouvel opérateur  défaillant puisse remporter. 

Africaguinee.com : Qu’est-ce qu’il faut selon vous pour éviter un nouveau bras de fer avec l’opposition ?

Se mettre d’accord sur les termes de référence du nouvel appel d’offres,  pour qu’il soit suffisamment contraignant,  pour être sûre que celui qui sera choisi sera de qualité et ne souffrira d’aucune contestation. Mais on ne peut imposer de nouveaux éléments  sur les accords (…).   

Africaguinee.com : Avec cette crise née essentiellement du manque de confiance entre vous et l’opposition, croyez-vous à la tenue des élections locales  avant la fin de l’année 2014 ?

Pour le moment la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr),  est en train de corriger les imperfections du scrutin législatif. Conformément aux recommandations  des différents techniciens  et des institutions internationales qui nous ont assistés, c’est déjà une étape importante. D’ailleurs l’opérateur ne viendra que  pour mettre en place  les informations remontées du terrain.   Effectivement il faut qu’on se mette rapidement d’accord pour pouvoir  programmer  dans les meilleurs délais les communales et ensuite les  présidentielles.

Africaguinee.com : Est-ce qu’on pourrait s’attendre à un couplage des élections locales avec la présidentielle de 2015 ?

Je n’ai pas entendu parler de ce sujet,  il me semble pas que ça soit au programme. Et je ne pense pas que ça soit prévu.

Africaguinee.com : L’épidémie de fièvre Ebola vient de franchir la barre des 1000 morts dans le monde. Quelles sont les mesures d’urgences prises par le gouvernement pour lutter contre cette maladie qui a fait son apparition au début de cette année en Guinée ?

Il y a aujourd’hui  dans ce communiqué auquel tous les Etats qui sont concernés par cette épidémie Ebola,  un certain nombre de mesures édictées qui ont été prises il y a très longtemps  par la Guinée et qui étaient tenues par  le communiqué qui a précédé la réunion des chefs d’Etat de la Mano River Union.    Il y a des éléments sur lesquels nous sommes très avancés en Guinée. C’est vrai nous poursuivons très ardemment cette riposte  contre Ebola. Aujourd’hui,  un dispositif sanitaire est dans toutes les zones  où il y a plus de patients notamment à Guéckédou et  sur l’ensemble de la  zone transfrontalière de la Sierra Léone et  le Liberia.  Nous pensons que c’est ce dispositif qui nous a permis de limiter les dégâts,  même si le bilan est très lourd.  Les autres pays ont vite fait non seulement de rattraper le  bilan  guinéen mais,  le dépassé en moins de deux mois.

Est-ce que  l’opportunité se pose de décréter l’Etat d’urgence ?, nous avons une réunion avec l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé, Ndlr) qui va se tenir dans les heures qui viennent (L’entretien s’est tenu le 9 août dernier, Ndlr),   entre les   cadres  du ministère de la santé, également des cadres du ministère de l’administration du territoire  et de la sécurité qui vont le déterminer. C’est vrai que  le comité international de règlement  sanitaire a recommandé à ce que l’OMS  préconise l’Etat d’urgence dans la plupart des pays affectés. Les heures qui viennent nous dirons quelle va être la position   de la Guinée, sachant que  nous sommes dans une situation très différente de la Sierra-Léone et du Liberia.

Africaguinee.com : Que répondez-vous à ceux qui accusent le gouvernement guinéen de laxisme dans la gestion de l’épidémie de fièvre Ebola ?

Je crois que nos partenaires sont d’avis contraire. Il  y a deux obstacles très importants. Le manque de ressources pour  pouvoir  suivre pendant 21 jours  de suite plus d’une centaine  de contacts, et que cela  s’enchaine au fur et à mesure  que ces malades ont d’autres contacts et que vous n’avez  pas la maitrise des périmètres frontaliers.   Ensuite,  lorsque vous êtes confrontés à la résistance d’un certain nombre de populations par rapport à des croyances culturelles. Ce sont deux principaux obstacles qui ont atténué la riposte.  Nos partenaires ont reconnu à la Guinée, un pays qui a été très transparent et qui a mobilisé beaucoup de ressources. Le laxisme non !

Africaguinee.com : Plus d’une semaine après le drame survenu à la plage de Rogbane, peut-on savoir aujourd’hui à quel niveau sont les enquêtes qui avaient été annoncées par le gouvernement ?

Nous avons eu une réunion d’évaluation mercredi dernier avec le premier ministre et tout ce qui sont  concernés par l’application des mesures qui ont été  prises  après le drame de Rogbane.  Ils ont fait état de ce qui était fait, la sécurité a fait l’état d’avancement  des enquêtes, des auditions  des différentes  personnes impliquées, considérées  coupables sinon responsables.  Avec d’autres implications possibles notamment : le principe d’abstention délictueuse  et d’autres.  Ensuite il a été question de vérifier les mesures de prévention contre  d’éventuel drame de même type. Donc il a été demandé  à une commission  mixte de faire le recensement  de tous les lieux destinés à recevoir un grand nombre de public pour des concerts et des manifestations  de grande envergure,  afin  de s’assurer que  ce qui s’est passé à Rogbane ne se reproduira plus, ceci  en vérifiant que les normes de sécurité existent.

Il y a aussi que lors de cette réunion il a été demandé au ministre de la jeunesse de nous  faire l’état  d’avancement de construction des maisons des jeunes  et de la récupération de celles qui doivent l’être, parce qu’ils sont en  litiges ou pour toute autre raison. Il y a également,  l’accélération de la mise à disposition  de l’espace de Kipé qui devrait servir  d’un beau jardin du type du jardin du 02 octobre, pour permettre d’accueillir un grand nombre de public. Nous avons suivi vigoureusement les recommandations faites suite au drame de Rogbane.

Nous sommes ouverts à la prise d’autres mesures  dans le temps, pour améliorer la sécurité, lorsqu’il y a un mouvement de foule. Ce n’est pas simplement sur les  plages, mais aussi  dans les salles de concerts et lorsqu’on barre les routes   pour faire les cérémonies de baptême  et mariages. Voilà tous les sujets  sur lesquels nous avons été interpellés et sur lesquels, il nous conviendra  de réfléchir  au fur à mesures que nous avons des ressources et les personnes   qui  souhaitent  nous aider à appliquer ces mesures de sécurité et de santé.

Africaguinee.com : le gouvernement semble  jouer le rôle de sapeurs-pompiers  parce que nous avons déjà enregistré un cas similaire à  la plage de Lambanyi  le mois de janvier dernier?

 Cela s’est passé  sur une autre plage et dans d’autres circonstances.  Normalement,  ce concert  n’aurait pas dû se dérouler.  Je suis  tout à fait d’accord avec vous, c’est la raison pour laquelle  nous essayons de remonter toute la chaîne de responsabilité, pour savoir comment ce concert a été programmé, préparé et  jusqu’à être exécuté sans qu’il n’y ait  quelqu’un pour l’arrêter.

Africaguinee.coom : Ces derniers temps les manifestations de rue sont devenues récurrentes à Conakry et dans les villes de l’intérieur du pays.Selon vous, peut-on parler de manque de confiance des populations vis-à-vis de l’Etat ?  Il y a des conséquences qui durent beaucoup plus longtemps  qu’une action de bonne qualité ; et réparer est beaucoup plus difficile que détruire très malheureusement. Nous avions un système judiciaire  que tout le monde connait et il y a assez  d’efforts  qui ont été consentis. Pour la première fois, les magistrats ont un statut particulier,  il y a un conseil supérieur de la magistrature  et  un conseil de discipline mais il faut du temps pour que  que toutes ces mesures  produisent leurs effets.Nous pensons que nous vivons les derniers  soubresauts   d’un système qui a fait de telle  sorte que la population n’avait plus confiance en lui. Sans oublier l’état pitoyable des infrastructures, c’est maintenant  que la Guinée va construire depuis peut-être 40 ans une prison digne de ce nom.  Avec l’augmentation de la population carcérale, l’Etat était obsolète dans toutes nos prisons.  Jamais   un gouvernement n’avait fait cela, aujourd’hui, ça va  être le cas. Cela est prévu  à  Dubréka  dans la localité de kénendé et  le financement a été bouclé.

Très bientôt,  malgré quelques imperfections par ci par là,  nous arriverons à redonner confiance à cette justice-là. Les évasions existent dans tous les pays mêmes là où le système de sécurité est plus développé.

Africaguinee.com : A Kankan par exemple, les prisonniers se sont évadés la veille de l’ouverture de leur procès…

Il y a des évasions qui se font le jour même des procès.  Mais,  je suis d’accord avec vous que c’est révoltant d’autant plus que la population  connaissait ces bandits qui ont beaucoup sévit dans la région. Les populations avaient même demandé  que les malfrats leur  soient livrés.  Ce qui est inadmissible dans un Etat de droit, mais  nous comprenons la rancœur de la population, raison pour laquelle,   je crois que des sanctions exemplaires et préventives ont été prises contre le procureur, le régisseur et le  personnel de la prison. Il faut faire de telles sortes que ce type de disfonctionnement n’arrive plus.

Africaguinee.com : Dernière question Monsieur le Ministre. Conakry est de plus en plus sale surtout en cette période hivernale. Parlez-nous des mesures prises par le gouvernement pour inverser cette tendance…

 Beaucoup  de personnes ont  parlé des fameux 36 milliards de francs guinéens  qui n’ont pas été débloqués, c’était un budget prévisionnel.  Ceci dit jusqu’à présent nous n’avons pas trouvé   la solution idoine qui  semble être le ramassage des ordures.  Je pense qu’on a besoin beaucoup plus de traitement des ordures.  Une fois qu’elles sont ramassés, il faut trouver  l’endroit où elles doivent être stockées et détruites.  C’est tout une chaine qu’il faut mettre en place.  L’insalubrité résulte de l’augmentation de la population de Conakry qui est passée à moins de quelques années d’un million à un million six cent  mille habitants. Je pense que  la dernière décision revient au ministère de l’administration du territoire qui tend   ses prérogatives sur le traitement  des déchets ménagers.  Nous espérons donner un nouvel élan à cette action publique.

Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

Créé le 14 août 2014 10:00

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