Corruption en Guinée : Comment des fonds publics ont été détournés dans l’acquisition de la centrale de Tombo IV (Enquête)
CONAKRY- Le samedi 10 mai dernier, le président Alpha Condé a ouvert la boîte à pandore sur la gestion du pays avec les anciens régimes. Le numéro un guinéen a au cours d’une assemblée générale du RPG Arc-en-ciel pointé un doigt accusateur sur les anciens premiers ministres sous le régime de feu Général Lansana Conté comme responsables de la situation jugée “catastrophique“ du pays. De l’affaire de la compagnie aérienne “Air Guinée“ à l’affaire de la centrale de Tombo IV, tout a été passé au peigne fin par l’actuel locataire du palais Sékoutoureya.
Dans le but d’éclairer la lanterne des uns et des autres sur ce dernier dossier, notre rédaction a réussi à se procurer de certains documents “confidentiels“.
En effet, l’acquisition de la centrale de Tombo IV avait suscité une vive réaction autant au sein du gouvernement qu’au sein de la société de patrimoine de l’Etat dénommé “ENELGUI“. Toujours ces mêmes documents, contrairement à certaines affirmations, cette centrale était en vente dans l’Etat d’Abia au Nigeria. Les autorités de cet Etat avaient jugé la centrale trop “vieille“ pour continuer à l’utiliser. En gros, la centrale n’était destinée qu’à la ferraille.
Le gouvernement guinéen dirigé à l’époque par l’actuel leader de l’Union des Forces Républicaines, Sidya Touré, a au terme d’une négociation avec l’Etat d’Abia, racheté la centrale au “prix d’or“ de près de six millions de dollars américain. La question est de savoir comment une centrale qui était mise à prix à près de 700 mille dollars a été rachetée près de 10 fois ce montant? Un cadre de l’ancienne société guinéenne d’exploitation de l’électricité (SOGEL) nous a d’ailleurs confié que contrairement aux procédures de l’époque, c’est leur entreprise qui avait été choisie pour s’occuper du paiement du montant dû aux fournisseurs au détriment de l’ENELGUI, société de patrimoine de l’Etat guinéen. Aux dires des professionnels en la matière, l’acquisition de cette centrale thermique de Tombo IV n’a pas obéit au code des marchés publics. En clair il s’agit d’un marché gré à gré !
“ Pour tenter de brouiller la piste, les compteurs des différents groupes avaient même été démontés pour éviter qu’on ne sache que la centrale était déjà amortie et qu’elle ne servirait pas à grand-chose ici“ témoigne ce ancien haut cadre de la SOGEL qui est actuellement à la retraite.
Les autorités d’alors s’étaient également arrangées à trouver une société “fantôme“ en Côte d’Ivoire et qui a servit d’intermédiaire entre l’Etat guinéen et celui d’Abia.
A travers un courrier adressé au Directeur Général de la SOGEL, le ministre des ressources naturelles et de l’énergie à l’époque, Fassine Fofana, a d’ailleurs confirmé l’acquisition “douteuse“ de cette centrale.
“ J’ai l’honneur de vous confirmer par la présente, l’autorisation du Gouvernement pour la mise en service de la Centrale de Tombo IV et la finalisation par vos soins auprès de la Caisse Française de Développement (CFD) du processus de mise en place du financement de la dite centrale.
Les aspects techniques des groupes de Tombo IV étant aussi réglés, le Gouvernement continuera les investigations quant à la moralité et la transparence qui ont sous-tendu leur acquisition“ avait alors déclaré le ministre Fassine Fofana dans son courrier N°242/MRNE/CAB du 23 décembre 1997 jugé « confidentiel ». (Voir doc)
Le procès verbal de réception qui avait été signé entre le représentant de la SOGEL, Serge Desbiens et la société HBTR, John Flynn, stipulait également que : “ Compte tenu qu’à cette période, le nombre des anomalies était jugé trop important par Sogel, la réception n’a pas été prononcée“.
En définitive, il faut retenir que le gouvernement d’alors dirigé par le premier ministre Sidya Touré avait “trompé“ le peuple de Guinée. La Centrale de Tombo IV n’a servit que quelques années. Sa mise en fonction a d’ailleurs engagé de nombreuses dépenses. Les cadres du secteur de l’énergie s’étaient plaint à l’époque en soutenant que les groupes n’étaient pas adaptés au système de distribution.
Nos nombreuses tentatives pour joindre l’ancien premier ministre Sidya Touré sont restées veines pour l’instant. Cependant, dans une émission d’une radio privée de la place, le chef de file du groupe parlementaire des républicains s’est défendu en affirmant que les groupes qu’il avait achetés à l’époque étaient de bonne qualité.
Qualifiée de château d’eau de l’Afrique de l’ouest, la Guinée peine encore à assurer les services sociaux de base pour sa population. Malgré les nombreux investissements dans les secteurs de l’eau et de l’électricité les résultats se font encore attendre. Classé parmi les priorités du régime du président Alpha Condé, le secteur énergétique a connu un investissement majeur ces dernières années avec notamment la construction du barrage hydroélectrique de Kaleta.
Nous y reviendrons !
Ahmed Tounkara
Pour Africaguinee.com
Créé le 29 mai 2014 01:22
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