Manifestations et élections en Guinée : le député Baidy Aribot se prononce… (Interview)

Baidy Aribot

CONAKRY- Alors que le bras de fer entre le gouvernement et les syndicats n’est pas encore terminé, une autre crise semble se peaufiner à l’horizon! L’opposition guinéenne menace de reprendre ses manifestations pour faire plier le pouvoir du président Alpha Condé. Dans cette interview exclusive, le député de l’Union des Forces Républicaines, Baidy Aribot revient sur les stratégies de l’opposition pour une alternance politique en 2015. Le président de l’alliance des forces d’avenir de Guinée répond aussi aux menaces du gouverneur de Conakry, Soriba Sorel Camara. Exclusif !!!


 

AFRICAGUINEE.COM: Bonjour M. Aribot!

BAIDY ARIBOT: Bonjour !

L’opposition guinéenne vient une nouvelle fois, de hausser le ton en menaçant de redescendre dans la rue. En tant qu’acteur politique, quel est votre avis sur cette question ?

Je suis du même avis que l’opposition républicaine. Je ne comprends pas l’attitude de la mouvance et du gouvernement. Quand j’ai lu les propos du ministre Makanéra (ministre en charge de la communication, Ndlr) qui disait que le débat c’est à l’hémicycle, je me suis demandé s’il comprenait réellement  la portée de l’accord du 03 juillet 2013. S’ils ont oublié, il faut qu’on leur explique bien la signification de ces accords politiques du 03 juillet qui s’imposent à tous les acteurs du pays. Ces accords ont été cautionnés par les partenaires au développement et les Nations-Unies. Aujourd’hui ces accords soulignent plusieurs points. Les points qui seront débattus à l’hémicycle concernent les textes juridiques et les  lois organiques relatifs au processus électoral. Evidemment le débat se fera à l’Assemblée. Mais  les autres éléments prévus par ces accords, c’est au gouvernement d’initier l’application. Puisque c’est lui l’exécutif, il  est tenu à opérationnaliser ces accords. L’indemnisation des victimes des différentes manifestations, le lancement d’un appel d’offres pour recruter l’opérateur technique, c’est au gouvernement d’initier ça. La CENI (commission électorale nationale indépendante, NDLR), sa structuration, sa composition, son cadre juridique, l’initiative revient au gouvernement mais à discuter avec les partis politiques. Donc, il y a pas mal de points de ces accords qui doivent être débattus hors de l’Assemblée. Voilà pourquoi nous invitons le gouvernement à avoir un cadre de concertation pour que le contenu de ces accord soit appliqué.

Pourquoi recourir aux manifestations de rue ?

On ne va pas rester les bras croisés si le gouvernement ne réagit pas. Et si c’est le cas, le gouvernement portera la responsabilité de ce qui va advenir. Il ne suffit pas de dire que ‘’personne n’y gagne’’, ou que  non ‘’la transition est terminée’’, quand vous adopter une posture de frustrer les gens en violant vos engagements, vous ne pouvez pas dire ça. Franchement le gouvernement doit revoir sa copie par rapport à ça. Et comme il le dit lui-même que personne n’y gagne, le gouvernement comprendra mieux que nous, puisque nous sommes tous titulaires de la réussite de ce pays. Maintenant que nous tapons à toutes les portes et que nous n’avons pas de réponse, il va sans dire que nous allons retourner dans la rue.

L’ambassadeur des Etats-Unis à Conakry a déclaré récemment  que “ le débat c’est à l’Assemblée, pas dans la rue !“. N’avez-vous pas le sentiment d’être lâchés par la communauté internationale ?

Certains  débats seront à l’Assemblée Nationale. Les autres débats seront dans un cadre de concertation. L’ambassadeur des Etats-Unis a dit dans un cadre bien approprié que la première des choses, c’est de demander au gouvernement sa bonne foi dans l’application de ces accords. Et, c’est cela le vrai problème aujourd’hui. L’opposition est à même de demander à ce que ces accords soient appliqués puisqu’elle est soucieuse de la paix civile dans ce pays. Maintenant s’il y a de la mauvaise foi de l’autre côté, franchement la communauté internationale ne pourra rien nous reprocher puisque quelque part nous avons usé de tous les recours possibles pour ne pas en arriver à la rue. Et je pense que c’est de bonne guerre.

L’opposition guinéenne espère une alternance politique en 2015. A votre niveau, vous avez mis en place un mouvement dénommé “Tout Sauf Alpha“. Parlez nous  de ce mouvement...

Je suis celui qui a lancé l’initiative, mais aujourd’hui je pense que les gens se sont appropriés de ce mouvement et il y a beaucoup d’ampleur autour. Il y a beaucoup de mobilisation et les gens adhèrent en masse à travers les structures provisoires qui sont en train de s’accumuler. Et cela augure un très bon lendemain par rapport à notre objectif, c'est-à-dire empêcher la réélection du Pr Alpha Condé en 2015. Et pour cela je pense que ce mouvement sera transversal et il sera un creuset pour tous pour faire une synergie entre le combat des partis politiques, la mobilisation des citoyens pour y arriver.

Le gouverneur de la ville de Conakry s’est insurgé contre la création du Mouvement Tout Sauf Alpha (TSA) et contre les affiches utilisées par ce mouvement. Votre réaction?

Bon, j’ai lu sur votre site d’ailleurs la déclaration du gouverneur sur TSA en disant que ce n’est pas approprié. Ça se comprend ! Parce qu’il est nommé par celui qui est visé par ce mouvement. Nous comprenons son amertume par rapport à ça. Mais à dire que « tout sauf l’insécurité, tout sauf  les ordures et autres », je pense que si nous empêchons la réélection d’Alpha Condé, tous ces problèmes là seront résolus. Donc, il n’a pas à s’en faire. Si Alpha n’a pas fait ce qu’il a doit faire par rapport à  l’insécurité, à Ebola et aux autres; franchement, il faut que le gouverneur lui-même se rende compte qu’il faut que TSA prospère parce que la solution pour que ces problèmes là soient réglés est dans TSA. Si Alpha est battu en 2015, on fera en sorte qu’il y ait tout sauf ces problèmes là.

En ce qui concerne les affichages, cela ne me concerne guère, et ne concerne nullement notre mouvement. TSA n’est pas un mouvement clandestin et mieux nous ne faisons pas de la subversion. Nous disons haut et fort ce qu’on se dit en privé. Nous ne sommes ni des hypocrites politiques, ni des parachutés. Je suis un élu de  la République, je connais mes droits, je connais les lois de la République, ils n'ont pas besoin de me le rappeler .

Je vais vous dire le vrai problème. S’il y a subversion, s’il y a affichage et autres, c’est dans le camp de la mouvance qu’il faut voir. Parce que ce qui se passe, c’est que Alpha Condé est entouré par des vautours qui étaient avec tous les régimes depuis Conté. Ce sont des gens qui ne travaillent pas et qui vivent au dépend du pouvoir de tous les régimes. C’est leur créneau. Leur histoire ressemble aux petites histoires du renard et du corbeau dans les fables de La Fontaine. Voilà ce qui se passe réellement. 

Après les élections législatives, le mécontentement contre ses partisans qui ne représentent rien sur le terrain, ils sont restés en rade. Ils n’avaient pas où avoir de l’argent parce que les bureaux des ministères et autres directions publiques et parapubliques étaient fermés, l’argent est rare ; donc  ils tournaient en rond. Et TSA est venu leur donner le fond de commerce. Pour qu’Alpha leur donne de l’argent, il faut qu’ils créent le buzz pour lui faire croire qu’il y a un danger. C’est eux-mêmes qui sont allés faire les photos d’Alpha, ils ont mis des croix dessus, ils sont allés pour raconter ça  à Alpha pour dire que Baidy est en train de créer des situations en ville, donc, si on ne se lève pas on sera foutu. Mais Alpha comme je l’ai toujours dit il est l’otage de ces gens là. Il aime aussi les écouter parce que quelque  part, je me dis qu’il tire une autosatisfaction que ces gens viennent le réconforter sur des réalités qui n’existent pas. Donc, franchement les affichages illégales, les histoires de banderoles, je pense que le gouverneur est passé à côté.

Pour diminuer les risques de fraudes pendant ce rendez-vous électoral de 2015, vous avez demandé une certification des élections par les Nations Unies. Quelles sont les raisons ?

Tout cela,  c’est parce que quelque part nous savons que nous avons à faire à des gens qui se soucient peu des questions de transparence. Or si honnêtement nous voulons la paix dans ce pays, si nous voulons qu’il y ait la quiétude dans ce pays, il faut que les guinéens apprennent à organiser des élections crédibles. Cela va faire en sorte que notre pays soit un endroit sûr pour les investisseurs,  mais aussi cela fera en sorte que l’environnement politique qui est quand même un ratio de mesure pour les  investisseurs,  soit stable, viable. Cela va contribuer à la création de la richesse en Guinée. Mon mouvement est au cœur de ça. C’est un passage obligé pour notre pays. On ne le fait pas pour emmerder quelqu’un; non, on le fait pour la Guinée et pour les guinéens. Parce que tous les  pays qui ont crédibilisé leur démocratie par un processus électoral crédible, par une alternance sans violence gagnent  beaucoup en matière de développement et d’investissement.

Donc franchement quand nous appelons le gouvernement à respecter ses engagements dans ce processus, ou quand nous appelons la communauté internationale à s’impliquer dans ce processus électoral, c’est pour qu’après les élections, qu’aucune partie n’ait les moyens de contester les résultats. Et qu’aussi la Cour suprême n’ait plus des schémas trop compliqués à gérer. Voilà des problèmes que nous avons parce que nous aimons ce pays. Mais le pouvoir d’en face n’en a cure.

Du côté du gouvernement et de la mouvance présidentielle on estime pourtant que l’organisation des prochaines consultations électorales est tributaire de la mise en place de certaines institutions comme la cour constitutionnelle…

Mais aujourd’hui la mouvance présidentielle a pris le pas de l’opposition. Puisque nous à l’Assemblée, nous avons estimé qu’il fallait aller vite pour l’installation de ces institutions. Parce que nous savons que dans son prolongement institutionnel, ce sont des collaborateurs de l’assemblée. Mieux, que d’autres qui sont liées au fonctionnement des institutions de la république soient parachevées. Quand j’entends les gens dire que  la transition est terminée   parce qu’il ya eu l’installation de l’Assemblée, je me demande vraiment ce qu’ils veulent dire par là dans la  mesure où franchement on est encore dans une situation de démocratie bancale. A la base, les communes et autres sont gérées de manière illégale par les délégations spéciales qui sont installées par le gouvernement.

A l’allure où vont les choses, ne craignez-vous pas le couplage des élections communales avec la présidentielles de 2015 ?

Non ! On ne l’acceptera pas, il faut que les élections communales se tiennent en 2014. Alpha  ne nous fera pas ce jeu là. Il sait que les fraudes en 2013 lors des législatives, on a compris comment la CENI a  joué dans ces paramètres là. Donc, on ne nous fera pas ce coup. C'est-à-dire qu’on a miroité l’uninominale tout en grignotant à la proportionnelle. Donc, on ne nous fera plus ce jeu là. Tout doit être clair.  

Vous êtes leader politique même si vous avez été élu sous la bannière de l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré. Comment comptez-vous aborder les prochaines consultations électorales ?

Au moment venu, on va discuter de ça. Parce que j’appartiens à une alliance à la fois politique et électoraliste, quand bien même que nous savons que les échéances électorales à venir vont avoir beaucoup d’enjeu. Mais l’opposition aujourd’hui, responsable, qui est l’alternative crédible au changement, trouvera le schéma et la stratégie appropriés pour contrecarrer le RPG arc en ciel. Parce que ce sont des enjeux importants et on doit travailler en se servant de l’expérience qu’on a tiré de ces différentes consultations pour adapter notre stratégie. Pour que tout ce qui est arrivé avant ne se répète plus. Nous savons que si honnêtement, la transparence des élections  est conquise par nos revendications, et que la CENI est impartiale, on n’a pas de problème de victoire. Alpha ne peut pas gagner  dans ce pays là. Peut-être dans son fief traditionnel, mais partout dans ce pays, je suis à l’écoute de ces populations. Je suis à l’écoute des électeurs. Honnêtement, il y a un ras-le-bol généralisé. Et, voilà un gouvernement qui pense combattre les différents mouvements de soutien qui sont créés contre la réélection d’Alpha par des méthodes staliniennes. Mais il oublie qu’avant que le changement ne soit dans les structures ; c’est d’abord dans l’esprit et la volonté des citoyens. Donc, vous ne pouvez pas combattre ça. Aujourd’hui, tous les citoyens sont dans cette optique. Ce n’est pas nous, c’est le bilan d’Alpha Condé qui plaide en   faveur de ce changement.

On parle des fiefs du RPG en haute Guinée, mais qu’on ne se leurre pas, honnêtement, si on écoute ce qui se passe dans cette partie de la Guinée, on ne se rend compte que les citoyens et ressortissants de cette région sont devenus de véritables souffre douleurs d’un pouvoir qu’ils ne détiennent vraiment pas. Ils se sont rendu compte que c’est Alpha et un clan qui bénéficient des avantages du combat qu’ils ont livré. Parce que les militants traditionnels du RPG ont été trahis. Trahis pour avoir eu confiance à des responsables qui ne les regardent pas. Quand vous rendez à Kouroussa, vous vous rendrez compte de cette réalité. Et  d’ailleurs, il y a beaucoup de citoyens de ces régions là qui m’ont invité pour une visite et aller installer TSA là-bas. J’irais là-bas. J’airais en haute Guinée parce qu’on ne peut pas m’interdire une partie de la Guinée. J’irais car je suis dans mon pays. Maintenant  ceux qui veulent créer des problèmes, tireront les conséquences  aussi de leurs agissements dans d’autres régions de la Guinée.

Merci M. Aribot !

C’est moi qui remercie !

 

Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou et

Diallo Boubacar

Pour Africaguinee.com

Tel: (00224) 655 31 11 11

Créé le 14 mai 2014 14:49

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